L’ouverture des capitaux des cliniques au privé ne profite ni à la campagne ni aux petites villes

Un an après sa promulgation, la loi 113-13 montre ses limites
Qu’en est-il de l’application de la loi 113-13 autorisant l'ouverture du capital des cliniques privées à des investisseurs non médecins ? « Il n’y a pas d’investissements exception faite de certaines acquisitions de cliniques. Saham- Santé semble être l’investisseur le plus en vue puisqu’il a mis cinq cliniques dans son escarcelle. Il y a aussi le centre de soins « Healthcare City » lancé par des Emiratis et qui sera opérationnel en 2017 et deux projets de cliniques des groupe Ben Laden et Holmarcom qui devront voir le jour prochainement », nous a indiqué Aziz Rhali, vice-coordinateur du Collectif pour le droit à la santé au Maroc. Et de préciser que «L’ensemble de ces soi-disant investissements se concentre dans les villes de Casablanca, Mohammedia, Rabat et Marrakech » et que le seul axe Casablanca-Rabat accapare 30% des 371 cliniques existantes, soit 35% de la capacité hospitalière nationale estimée à 14.560 lits. Une situation qui met à mal la raison d’être de cette loi farouchement défendue par le ministre de la Santé qui n’a eu de cesse de répéter à qui voulait l’entendre que l’ouverture des capitaux des cliniques aux investisseurs permettra un meilleur accès aux soins ainsi qu’une meilleure répartition régionale. « El Houssaine Louardi a toujours prétendu que cette loi allait permettre de drainer l’investissement vers les petites localités et les zones éloignées. Mais, aujourd’hui, la réalité est tout autre. Les investisseurs ciblent les grandes villes où ils peuvent amortir leurs investissements de manière suffisamment rapide. Jamais aucun opérateur privé n’osera investir des millions de DH à Bouarfa ou à Figuig. Ce sont les grandes clinques casablancaises, rbaties et marrakchies qui sont ciblées en priorité. Louardi est d’ailleurs bouche cousue aujourd’hui et ne pipe mot sur les investisseurs déjà passés à l’action ou sur son bilan dans ce domaine», nous a indiqué Aziz Rhali.
« La ruée des investisseurs n’a donc pas eu lieu. Ces derniers jouent de prudence. L’expérience de la clinique Ghandi en a découragé plus d’un, puisque les prévisions escomptées ne se sont pas réalisées et, du coup, les investisseurs patientent tout en avançant à petits pas », nous a précisé le Dr. Badreddine Dassouli, président du Syndicat national des médecins du secteur libéral (SNML). Et d’ajouter : « Aujourd’hui, ils manœuvrent dans les coulisses pour orienter la demande de soins de santé vers le secteur privé, notamment via les sociétés d’assurance qui dirigent ainsi leurs clients vers certaines cliniques et pas d’autres».
Qu’en est-il des investissements opérés ? « On ne peut pas parler de vrais investissements. On n’assiste aujourd’hui qu’à des acquisitions de cliniques et de matériel médical à même de permettre de faire la différence avec les cliniques existantes. Mais une année après l’adoption de la loi, les investissements lourds et la création de nouvelles cliniques, notamment dans les petites villes où les infrastructures sanitaires sont déficitaires, laissent encore à désirer », nous a précisé le vice-coordinateur du Collectif pour le droit à la santé au Maroc.
Même évaluation de la part du président du SNML. « Il n’y pas d’investissements se montant à des milliards de DH. Les opérateurs privés cherchent d’abord les cabinets rentables comme ce fut le cas pour le service de radiologie Anoual à Casablanca. Ils ne comptent nullement créer de nouveaux cabinets et ils recherchent des médecins fraîchement diplômés, car ils savent pertinemment qu’il faudra attendre au moins cinq ans pour qu’un cabinet atteigne sa vitesse de croisière et 10 ans pour qu’il devienne rentable. Et cette rentabilité n’est pas garantie puisqu’elle dépend de plusieurs facteurs tels que la spécialité, la renommée du médecin, etc. », nous a-t-il expliqué. Et de poursuivre : « Il n’est pas question d’investissements ni d’infrastructures. Le ministre est tout simplement en train de transformer le secteur de la santé en activité commerciale par excellence. On ne pourra désormais plus parler de ce secteur comme un secteur à caractère social et humanitaire. Pis, on est en train de dévaloriser la profession de médecin ; lequel n’aura plus son mot à dire puisqu’il sera sous les fourches caudines d’investisseurs privés qui ont déjà monopolisé les secteurs de l’immobilier et de la distribution et qui sont en train de jeter le grappin sur celui de la santé ».
Notre source a beaucoup de mal à comprendre le bien-fondé de ce texte de loi. « Quel est l’objectif de cette décision gouvernementale ? Personne ne le sait. Mais il est clair que cette loi ne sert en rien l’intérêt général mais plutôt celui de certains monopoles. Car l’intérêt général passe par la révision du système de gestion des hôpitaux publics et non par l’ouverture des portes aux investissements privés. Si le ministre était sincèrement préoccupé par la santé de ses concitoyens, pourquoi n’aurait-il pas pensé à mettre en place un dispositif visant à encourager les médecins à créer leurs propres clinques en leur proposant des lignes de crédit et des facilités de paiement ?». Et de conclure que : « Le grand perdant n’est autre que le citoyen. Seul celui qui aura les moyens financiers idoines pourra, en effet, accéder aux soins. Les opérateurs privés n’ont jamais eu pour raison d’être de croire aux seules valeurs humaines, mais plutôt pour réaliser des bénéfices et engranger des millions de DH. ».
Le 16 Mai 2016
SOURCE WEB Par Libération
Les tags en relation
Les articles en relation

Akhannouch : Le RNI veut le portefeuille de la santé
Il l’a dit sans ambages et sans interprétation possible. “Le RNI est déterminé à prendre en charge le ministère de la Santé au cours des prochaines an...

#MAROC_SANTE_PUBLIQUE: Santé publique augmentation de la capacité clinique de 2260 lits en 2021
Le ministère de la Santé envisage d’augmenter la capacité clinique de 2260 lits dès 2021. Plusieurs autres projets sont également prévus pour 2021 ...

Première circulaire de Khalid Ait Taleb, nouveau ministre de la Santé
Le nouveau ministre de la Santé ne perd pas de temps. Un jour après avoir pris les manettes du ministère, Khalid Ait Taleb a adressé, en date du 11 octobre,...
Une tour pour le futur CHU Ibn Sina de Rabat
Un concours d'architecture pour la construction du nouveau CHU Ibn Sina de Rabat est lancé. Le budget prévu pour l’exécution des travaux est porté à ...

MAROC-HCP : Pour le HCP, la crise sera probablement un accélérateur des réformes au Maroc
Le HCP dans son examen de la mise en œuvre par le Maroc des objectifs de développement durable. La récession freinera l’élan pris par le royaume, mais dè...

Maroc: voici pourquoi les médecins font grève ce jeudi
Le personnel des hôpitaux publics hausse le ton. Le Syndicat national de la santé relevant de la CDT, a décidé de faire grève le 19 avril dans tous les ét...

Les Etats-Unis entrouvrent la porte aux embryons mêlant cellules humaines et animales
Le gouvernement américain pourrait bientôt débloquer des fonds pour financer la recherche associant des cellules souches humaines à des embryons animaux, un...

Le Ginseng américain réduit les taux de sucre dans le sang
Il existe plusieurs sortes de ginseng tels que le ginseng asiatique ou ginseng rouge (Panax ginseng) et le ginseng sibérien (Eleutherococcus senticosus). Pl...

Voici les premiers signes de l’AVC que vous devez connaître, information à partager !
Avec l’âge, le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) augmente, mais il ne faut pas croire que les plus jeunes sont à l’abri. Par conséquent, qu...

L’ail tue 14 types de cancer et 13 types d’infection. Pourquoi les médecins n’en prescrivent
L’ail est connu pour être un légume extrêmement efficace, qui peut fournir un nombre immense de bienfaits pour la santé. La liste des maladies que l’ail...

Covid19: 4,58 millions de vaccinés, 430 cas critiques
Un total de 587 nouveaux cas d'infection au coronavirus et de 555 guérisons a été enregistré au cours des dernières 24 heures au Maroc, a annoncé ce v...

Limogeage royal, les questions qui se posent
Mardi 24 octobre, le rapport de la Cour des comptes est tombé et avec lui, plusieurs têtes: Mohamed Hassad, Nabil Benabdallah, Houssaine El Ouardi... Après l...