Pourquoi les services de renseignement marocains sont si efficaces
Au lendemain des attentats de Paris, la presse nationale et internationale louent à l’unanimité l’efficacité des services marocains. Une réputation usurpée ou réelle?
Le Maroc a construit en plusieurs décennies une structure basée sur l’intelligence humaine (humint) qui lui a permis d’atteindre les performances actuelles que certains lui envient.
Les services marocains se sont dotés de nouveaux moyens technologiques de surveillance High Tech (biométrie, surveillance électronique, observation satellitaire …). Mais les spécialistes s’accordent à dire que la grande force du Royaume en matière de renseignement est d’avoir été fidèle à sa ligne de conduite privilégiant l’élément humain.
La proportion de ce type de renseignement représente environ 70% du total des informations collectées contre 30% par des moyens techniques.
Hormis la main invisible des agents de terrain pour recueillir de l’information, les spécificités du milieu social marocain jouent un rôle essentiel dans l’équation du recueil de données.
Cette utilisation d’éléments humains est difficilement quantifiable mais elle met à contribution toute la population du pays (gardiens de voiture, vendeurs de cigarettes au détail, cireurs de chaussures et Mokadem de quartier pour récolter des renseignements, concierges).
Au final, la multiplicité des sources humaines civiles assure un excellent maillage pour la collecte d’informations et permet une pleine couverture du territoire national.
Depuis l’indépendance, les Marocains ont développé un instinct pour détecter et répercuter aux autorités tous les éléments même anodins sortant de l’ordinaire (intrus dans le quartier).
Le "Tberguig" a souvent permis de déjouer des attaques terroristes et de préserver la stabilité du pays.
Les sécuritaires y voient un précieux auxiliaire et l’assimilent à un acte de patriotisme même si certains dénoncent un système de délation institutionnalisée.
Un ancien responsable de la DGSE française explique que les pays occidentaux qui ont subi des attentats avaient basé leur stratégie d’anticipation d’attaques sur le renseignement technologique en négligeant la présence humaine sur le terrain.
Si au Maroc, le renseignement est offert à titre gracieux par les citoyens à la DGST, les services opérant à l’étranger (DGED) rétribuent comme partout ailleurs leurs informateurs.
Les officiers traitants doivent cependant faire attention à ne pas se faire "enfumer" par des vendeurs de fausses informations ayant pour but d’intoxiquer et de manipuler les services.
Récemment, le fait de révéler publiquement que le Maroc a permis de localiser une partie des terroristes sur le sol parisien va à l’encontre de la culture secrète des services de renseignements.
La médiatisation d’un secret opérationnel peut en effet mettre en danger de mort les sources humaines travaillant pour le Maroc et rendre ses méthodes de travail obsolètes.
La coopération maroco-française est notoirement connue mais les derniers attentats ont occasionné la divulgation publique et inédite de renseignement opérationnel.
Tout le monde vous dira donc que le "tberguig" est le secret de la réussite marocaine. Mais ce n'est pas la seule explication de cette réussite: il y a aussi trois éléments qui interviennent: la capacité d'analyser les éléments collectés; le niveau technologique et enfin, la connaissance des milieux radicaux, aussi bien au Maroc, ou bien là où se trouvent des Marocains, et enfin dans les principaux théâtres.
Par contre, la France et la Belgique ont une faible connaissance des milieux radicaux et du monde arabe, contrairement à ce que l'on pourrait croire.
La publicité, ennemi des services de renseignement
Le Maroc doit-il se féliciter d’être cité comme pourvoyeur de renseignements permettant la localisation de terroristes à l’étranger ou bien cette exposition médiatique peut-elle lui nuire?
Certains pensent que la révélation médiatique de l’efficacité des services marocains constitue une grande erreur.
Le fait d’en parler publiquement revient à donner un coup de pied dans la ruche car c’est une manière de désigner le Maroc à la vindicte de ses ennemis et de ses adversaires.
Cette divulgation ne rend pas service aux renseignements marocains d’autant plus qu’il n’est pas certain qu’ils aient transmis le tuyau ayant permis de localiser des terroristes terrés à Saint-Denis.
Faire circuler ce genre d’information dans les médias peut nuire aux intérêts du Maroc car l’échange de ce genre d’informations doit se faire dans le secret le plus absolu entre Etats.
Cette culture du secret est primordiale pour poursuivre la collecte d’informations sous peine de voir les terroristes prendre des précautions et échapper à la surveillance des Marocains.
Tous les Marocains, qu’ils soient agents, officiers ou simples citoyens seront évités comme la peste par les membres des groupes ayant des visées terroristes.
Comment travaillent les services de renseignement?
Comme partout ailleurs, il existe au Maroc plusieurs services de renseignement civils ou militaires.
Le service de la DGED (direction générale des études et documentation) a vocation à s’occuper de contre-espionnage à l’extérieur des frontières du Maroc.
Les agents de la DGST (direction générale de la surveillance du territoire) et le BCIJ (bureau central d’investigations judiciaires) travaillent à l’intérieur du territoire marocain pour prévenir les menaces terroristes.
La gendarmerie n’a pas de service spécialement dédié même si le renseignement en milieu rural occupe une grande partie de son travail.
Concernant l’armée, c’est la DRM (direction du renseignement militaire) qui est chargée de collecter des informations sensibles.
Le travail de ces services de renseignement passe par trois phases: collecte, analyse, décision.
Les services collectent l’information par des voies humaines ou par le biais de la technologie.
Après la collecte, vient le temps de l’analyse qui est primordial car une information capitale peut être mal interprétée par les analystes.
Les analystes se doivent d’aller droit à l’essentiel pour permettre aux officiers supérieurs de prendre la bonne décision afin d’anticiper ou d’éliminer une menace terroriste.
Au regard du faible nombre d’attentats au Maroc et malgré des budgets de fonctionnement qui sont loin de ceux des centrales étrangères, le Royaume peut s’enorgueillir d’avoir des services compétents pour contrecarrer les risques terroristes sur son sol mais aussi à l’étranger.
Le 22 Novembre 2015
SOURCE WEB Par Médias 24
Tags : surveillance High Tech- privilégiant l’élément humain– la population du pays (gardiens de voiture, vendeurs de cigarettes au détail, cireurs de chaussures et Mokadem de quartier pour récolter des renseignements, concierges)- Le Tberguig– ancien responsable de la DGSE française– le sol parisien va à l’encontre de la culture secrète des services de renseignements– La coopération maroco française– la révélation médiatique de l’efficacité des services marocains– DGED– DGST (direction générale de la surveillance du territoire)– BCIJ (bureau central d’investigations judiciaires)- gendarmerie– DRM (direction du renseignement militaire)– une information capitale–