Le Clou de girofle, trésor de l’île aux épices
Originaire des Moluques, dans l’archipel indonésien, que les navigateurs anciens baptisèrent « Îles aux Épices », le clou de girofle s’apparente, comme son nom l’indique, à un petit clou d’environ douze millimètres de long, orné d’une tête de quatre millimètres de diamètre. Cette épice à la saveur tenace, âcre et piquante est le bouton floral séché du giroflier, une plante de la famille des myrtacées. Les habitants des Moluques plantaient autrefois un giroflier pour célébrer la naissance d’un enfant. L’arbre était censé porter bonheur, et l’enfant portait à son cou un collier de clous de girofles pour chasser les mauvais esprits. Les momies égyptiennes étaient parées d’un collier identique. Quant aux clous de girofle qui ornaient récemment encore le nez ou les lèvres de certains Indiens, ils étaient eux aussi censés écarter le mauvais sort. Déjà importée en Europe sous l’Antiquité, cette plante devint l’un des ingrédients les plus appréciés de la pharmacopée médiévale et fut utilisée comme protection contre les épidémies. À partir du XIIIe siècle, les Français décidèrent de briser le monopole exercé par les Hollandais sur le commerce des épices dans le Sud-Est asiatique et demandèrent à Pierre Poivre d’introduire le giroflier, loin de sa terre d’origine, dans les colonies françaises. Le giroflier se propagea plus tard en Tanzanie, en Indonésie, au Brésil, à Ceylan ainsi qu’à Madagascar et aux Comores. La culture de cet arbre à feuillage persistant, qui peut atteindre à maturité quinze à vingt mètres de haut, exige un climat tropical. Ses fleurs composées de quatre pétales blancs et quatre sépales rouges exhalent un délicieux parfum, proche de celui de l’oeillet. La cueillette, effectuée à la main pour ménager les récoltes futures, a lieu au moins quatre fois par an. Les clous du giroflier, qui sont en réalité des boutons de fleurs, sont récoltés lorsque l’arbre est âgé de six à huit ans. Cueillis avant la floraison, les boutons sont fumés sur des claies avant d’être séchés au soleil pendant plusieurs jours. Ils perdent alors leur couleur rosée et passent progressivement du brun roux au brun foncé. Le clou de girofle, à la saveur chaude, sucrée et légèrement piquante, est connu pour ses vertus culinaires. Incontournable dans la gastronomie marocaine, il parfume bouillons, marinades, viandes et pâtisseries… Conservée au frais, à l’abri de la lumière, l’épice est moulue au fur et à mesure des besoins afin de préserver son arôme. Le clou de girofle entre aussi dans la composition du ras-el-hanout, du cinq-épices chinois, des poudres de curry indiennes et du garam masala indonésien. En Europe, on l’associe à la cannelle pour aromatiser les vins chauds, les pains et les gâteaux. On marie son arôme pénétrant avec celui de la pomme pour rehausser la saveur des tartes et des marmelades. également utilisées par les femmes marocaines pour parfumer le linge, les « pommes d’ambre » — des oranges piquées de clous de girofle — sont suspendues dans les armoires pour protéger les tissus et rafraîchir les vêtements. Autrefois, on jetait sur les braises d’un « kanoun » de la poudre de clou de girofle diluée avec de l’eau de rose pour embaumer et désinfecter les pièces de la maison. Les vertus du clou de girofle sont largement plébiscitées par les herboristes qui lui prêtent de nombreuses propriétés médicinales. Utilisée en aromathérapie, l’huile essentielle extraite des boutons de fleurs est un dynamisant cérébral et physique, connue aussi pour son action antivirale et anti-infectieuse. L’huile de girofle, obtenue par distillation des clous, des feuilles et des tiges, a également des pouvoirs désinfectants, cicatrisants et anesthésiants. Les hauts dignitaires chinois qui rendaient visite à l’Empereur croquaient l’épice pour purifier leur haleine et le frottaient contre leurs gencives pour soulager les douleurs dentaires. Reconnu depuis des siècles pour ses multiples vertus, le clou de girofle continue d’entrer dans la composition de nombreux médicaments, tant dans la médecine occidentale que dans les médecines orientales. Mais nul doute que c’est aux gourmets du monde entier qu’il doit d’être depuis vingt-cinq siècles l’une des épices les plus convoitées… Une épice chaude comme les tropiques à travers l’histoire.. C’est en 334 après J.-C. que le clou de girofle fait son entrée en Europe occidentale. Le nom de cette épice est mentionné pour la première fois dans un texte établissant la liste des cadeaux offerts par l’empereur romain Constantin le Grand à saint Sylvestre, évêque de Rome, avec entre autres trésors, 150 livres de clous de girofle. En 1519, Antonio Pigafetta, lieutenant de Magellan, débarquait aux Moluques. Il sera le premier à décrire le giroflier avec précision dans son journal retrouvé à la Bibliothèque Ambrosienne de Milan. Fondée en 1602, la Compagnie hollandaise des Indes orientales, soucieuse d’obtenir le monopole du commerce des épices, restreint la culture du giroflier aux îles Moluques. Ce n’est qu’en 1773 que Pierre Poivre, aventurier et botaniste français, implantera le giroflier loin des célèbres « Îles aux Épices ». SOURCE WEB Couleurs Marrakech