Entretien avec Patrick Simon, «petit» opérateur tata sud maroc et 1er vice-pr&eac
«Développement durable et Tourisme Vision 2020 : Les professionnels doivent être présents !» Publié le : 02.12.2011 | 16h15 Dans un contexte de «printemps maghrébin» d'«automne européen et méditerranéen» avec une crise de l'euro exacerbée, les besoins «fondamentaux» du Maroc restent les mêmes : croissance, chômage, équilibres budgétaires. Il faut donc répondre à la demande sociale ! Ceci est valable pour tous les secteurs et en particulier celui du tourisme qui doit réfléchir aux actions génératrices de revenus, à l'accompagnement des PME-PMI locales, régionales actrices et promotrices de l'emploi. LE MATIN : Un peu partout dans le monde, nous sentons l'accélération du changement dans notre rapport au temps et à l'espace. Tout évolue, tout bouge en même temps sans lien apparent si ce n'est la mondialisation. Qu'en est-il au vu des évolutions rapides qui s'opèrent ? PATRICK SIMON : Nous assistons à un paradigme de changement. Tout change et nous le voyons avec une économie mondiale qui s'interroge et n'arrive pas à se réguler en des temps admissibles et acceptables dans l'évolution d'un marché qui exige des résultats, avec une période d'élections aux quatre coins du monde, qui, comme toujours, valorise et met l'accent, en superlatif, sur les exigences de tout un chacun face aux changements souhaitables. Autre élément d'accélération de ce changement, des régions qui se distinguent par rapport aux idées reçues et qui de ce fait interrogent sur le présent, le court terme, l'avenir, des idéaux qui s'expriment, osant en ces périodes remettre en cause les certitudes balisées, les conduites convenues, des hésitations et bouleversements dans les diverses parties du monde, et bien sûr «un printemps maghrébin» mais aussi en parallèle «un automne européen et méditerranéen», avec Grèce, Italie, Espagne, et aussi une économie européenne et un euro qui n'en finissent pas, au jour le jour, de nous interroger sur ce monde d'aujourd'hui, à tel point que l'on a du mal à les identifier, à les reconnaître. Tout cela en si peu de temps, et pourtant les besoins fondamentaux restent les mêmes, j'entends par besoins la croissance, le chômage, les équilibres budgétaires etc. Oui, en ces temps de mutations, il devient urgent de ne considérer dans les termes d'identification que le sens pragmatique de ceux-ci, à savoir le sens des réalités face à une situation rendue floue, car nouvelle et certainement riche en devenir, car elle constitue le fondement des jours nouveaux qui s'annoncent. Vous êtes dans le secteur du tourisme, comment s'annoncent ces jours nouveaux pour le développement durable et le tourisme Vision 2020 ? Le Maroc, dans sa volonté de conforter les options prises dans le cadre de la vision 2020, vient de consolider le Fonds de promotion de l'investissement touristique, permettant ainsi d'envisager les services de financements nécessaires aux avancées et structurations des objectifs fixés. Je pense à l'achèvement des programmes Plan Azur commencés pour finaliser la réalisation de projets intégrés se permettant ainsi dans la version «All Inclusive» de se donner la primeur de vivre un tourisme dans un environnement dont les packages englobent les diverses solutions demandées par un tourisme classique ayant à résoudre ainsi dans un espace réduit : authenticité, bien-être, animation, et ce dans une atmosphère touristique sereine, sécuritaire et cadrée dans un environnement défini, et identifié, donc vendable selon les critères du marketing touristique actuellement en vigueur et régissant les marchés porteurs, et diverses actions liées au secteur énergétique. À côté du développement durable, n'est-il pas temps de donner du sens concrètement au tourisme durable qui profite aux populations des terroirs? en d'autres termes, ne faudrait-il pas reconsidérer ces définitions de marketing que vous venez d'évoquer ? Sans les remettre en cause, parce que qu'il répondent à des besoins, il faudrait les redéfinir comme non essentielles : comme devant mieux tenir compte des composantes nouvelles, et mieux répondre à la notion d'intégration de résultats partagés, rapportés au développement durable dans ses composantes essentielles et actualisées. Il faut désormais intégrer les actions de valeur ajoutée en actions génératrices de revenus, en redéfinitions du partage d'un patrimoine régional, en accompagnement aux PME-PMI locales, régionales actrices et promotrices de l'emploi. Facile à dire, mais comment, car le plus difficile est de traduire ces ambitions par des plans concrets ? Nous définissons, depuis plusieurs années déjà, grâce à la proximité locale et régionale professionnelle des CRT, les besoins criants d'une prise en considération des besoins locaux d'intégration à l'élaboration et à la réalisation de ces projets par un rapprochement avec les notabilités et identifications culturelles locales, pour de meilleures intégrations. Nous avons sollicité depuis plusieurs années déjà, hélas ! les redéfinitions locales et régionales pour une meilleure redistribution des cartes, immédiatement et de manière rentable. Pour mieux prévenir, plutôt que d'avoir à guérir ! Pouvez-vous être plus précis en donnant des exemples plus concrets ? Il suffirait d'accorder, dans les projets, une importance conséquente, faisant force de modification et d'adaptation régionale, pour que dans les projets majeurs s'impose une distribution de 40% de ces réalisations et des travaux d'aménagements nécessités par ces réalisations à des PME-PMI locales, régionales, pour que l'emploi local soit associé à ces réalisations à hauteur minimale de 20%.Toujours dans ce sens, on peut penser que les projets énergivores, consommateurs en eau et pollueurs prennent en charge, sous forme de projets publics/privés, les participations régionales et locales dans le cadre de l'aménagement du territoire, nécessités par les modifications régionales apportées du fait de leurs implantations. Ces implantations seraient l'occasion de créer les activités locales et régionales créatrices d'emploi pour la défense de l'environnement, dans et autour des zones concernées par ces réalisations. Il en serait ainsi, tout en créant de nouvelles sources régionales de financements pour tous les secteurs de l'énergie, de la préservation de l'environnement,de l'efficacité énergétique avec créations et participations dans les programmes régionaux solaires ou éoliens, et ce pour les productions d'électricité, pour le dessalement des eaux saumâtres ou de mer, selon les régions d'implantation, pour les pompages, pour les recyclages des eaux résiduelles avec traitements urbains et agricoles, avec redistributions sectorielles pour une meilleure rentabilité régionale, pour le traitement des déchets de ces sites comme de ceux des collectivités locales alentour, et ce pour le respect de l'environnement à livrer aux yeux des visiteurs nationaux comme internationaux et pour l'ensemble des réalisations périphériques qui découlent de ces réalisations (habitat, agricultures, services, etc.). Les textes nécessaires existent et on pourrait, si la volonté politique existe, avancer rapidement. Il pourrait en être de même pour le respect de l'engagement des mises en place et fonctionnement des associations professionnelles des métiers du tourisme, culturelles et de l'environnement dans les CLS (Comités locaux de suivi) qui, en partenariat direct avec l'investissement touristique institutionnel, pourraient résoudre les problématiques des participations régionales intégrées, telles que la formation et les emplois adaptés aux besoins présents comme futurs, avec des orientations mieux définies, plus adaptées selon les besoins régionaux, l'adaptation et intégration des lieux et du patrimoine local pour de meilleurs partages et équilibres des fréquentations, la stabilité et la durabilité des séjours touristiques. Je pense également au partage et à de meilleures présentations des capacités et possibilités culturelles locales à des fins de survivance, de développement, de rentabilité de l'artisanat comme des produits culturels et du terroir. Enfin, et dans un registre différent, il devrait être redéfini, normalisé, adapté des solutions de meilleure gouvernance relatives à la responsabilité éco-sociale et éco-sociétale de la part des secteurs privés et publics. Cela consisterait à redéfinir les besoins, les critères en lien avec le développement durable qui permettraient de prendre clairement conscience qu'un emploi citadin coûtera cinq fois plus cher qu'un emploi en monde rural et que, de ce fait, il y a nécessité, dans le cadre des besoins en aménagement du territoire, de reconsidérer l'équilibre entre les demandes des différents secteurs qui auront à s'associer à l'action touristique pour redéfinir, dans l'urgence, les besoins d'équilibre et les voies d'une symbiose entre le monde citadin et le monde rural. Nous avons parlé au début de notre entretien des transformations dansle temps et l'espace géographique. L'adaptation que vous évoquez se joue aussi à ce niveau de l'espace ? À ce titre, et au vu de la situation internationale qui sans aucun doute subira les effets directs ou indirects de la crise et des mutations actuelles que vivent l'Europe, les relations États-Unis et Europe, États-Unis et le monde asiatique, la Russie avec l'ancien monde soviétique, le Machrek, le Maghreb, l'Afrique, la réalité est certaine d'un besoin d'ouverture vers de nouvelles voies Sud-Sud, la création de nouveaux marchés et l'obligation de glissement des objectifs qui ont été définis vers un développement touristique intérieur, maghrébin, mais aussi culturel et identitaire permettant de réviser des valeurs touristiques institutionnelles qui dans un avenir imminent seront contestées et mettre en œuvre un tourisme repensé en tant que facteur et vecteur de stabilité intérieure. Il en sera ainsi pour les besoins d'une différentiation absolument nécessaire du Maroc par rapport aux pays riverains qui, touristiquement, sont convaincus de leur besoin à naître ou à renaître. Il en est ainsi des divers déserts au Maghreb comme au Machrek, divers sites historiques en Libye, Égypte, Jordanie, Turquie… Il en sera ainsi pour les réactions et besoins de mise à niveau de l'Europe du Sud. Il en est ainsi encore pour quelques années dans les périodes d'été, avec les incidences du ramadan, et également pour cette période de transition qui ne s'annonce plus, mais qui est bien là pour quelques années. Une nouvelle période d'opportunités et de différenciations pour le Maroc, qui, pour exister, devrait, avec l'aide des professionnels réunis, savoir prendre l'initiative et mettre en place «une culture identitaire touristique marocaine» ayant à se démarquer pour atteindre l'équilibre avec celles des services à la française, à l'anglaise, la suisse et, pour très bientôt, à l'asiatique. Ce serait là un but louable ! Société fractale et fragmentée qui nécessite beaucoup de réajustements, libéralisme débridé... qu'il faut brider pour les besoins de la collectivité. Des tendances, dites-vous, vont naître, elles sont déjà là, embryonnaires. Dans ce cas précis du secteur du tourisme que vous connaissez bien, quelles sont ces tendances ? Le Maroc touristique est à un carrefour qui lui offre les voies de la continuité, de la remise en cause et de la restructuration. Il est entendu qu'une industrie touristique doit se donner les moyens d'être envisagée et considérée de manière ingénieriale, professionnelle, institutionnelle, mais aussi de manière équilibrée par l'enrichissement de ses niches régionales touristiquement identifiées. Il est évident que les programmations nationales et régionales doivent conserver l'équilibre d'une vision durable dans le temps afin de réussir ces réalisations et mises en place. Mais ce sera en tenant compte de l'ensemble de ces points que cette vision deviendra durable sur le fond et non sur la forme, au risque de devenir éphémère, de mode, car uniquement basée et pensée sur des critères de rentabilité immédiate, oubliant l'essentiel, à savoir la prise en compte des effets multiplicateurs et des valeurs ajoutées directes comme indirectes qu'apporteraient ces nouvelles réalités, en tant que valeurs de durabilités éco–sociales et éco–sociétales. À ce titre, plus que jamais, les professionnels du tourisme marocain ne peuvent en aucun cas ne pas prendre conscience des besoins d'adaptation qui s'imposent dans cette situation nouvelle qui, plus que jamais, nous montre que ce qui était vrai hier, ne l'est plus aujourd'hui et ne le sera plus demain. En bons bâtisseurs, respectons de réaliser de bonnes fondations, et la Maison tourisme Maroc sera solide ! SOURCE WEB Propos recueillis par Farida Moha | LE MATIN