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Le Maroc lance une stratégie culturelle qui rompt avec les visions folklorisantes

Le Maroc lance une stratégie culturelle qui rompt avec les visions folklorisantes

Rabat se positionne désormais comme la capitale de la culture
C’est l’une des mesures phares de la loi de Finances 2015. Une stratégie gouvernementale de la culture à l’horizon 2020 est désormais en phase de lancement. Outre la distinction entre patrimoine et culture et la fin de la culture folklorisée, cette stratégie vise à faire de la culture un véritable levier de croissance économique.

L’information est passée inaperçue. Elle est pourtant historique. La loi de Finances officialise le lancement d’une stratégie gouvernementale de la culture à l’horizon 2020, à l’instar de l’agriculture (Plan Maroc vert), du tourisme (Vision 2020) ou encore de l’industrie (Plan d’accélération industrielle).
La nouvelle stratégie de la culture fera la distinction entre patrimoine et culture, avec le lancement de Patrimoine 2020 et Maroc Culturel 2020.
La gestion de la culture se fera selon une démarche globale et transversale où plusieurs intervenants seront invités à se joindre au ministère de la Culture pour contribuer au développement de la culture.
Elle va également s’inscrire dans la continuité de la politique lancée en 2012 par le ministère de la Culture et basée sur l’élargissement de la proximité territoriale, le soutien financier aux productions et associations culturelles, la conservation du patrimoine culturel, la promotion de la diplomatie dans les domaines culturel et artistique et le développement de la bonne gouvernance.
Autre point crucial: le gouvernement semble avoir enfin compris que le secteur culturel était un facteur de croissance réel puisqu’il annonce vouloir en faire un véritable levier de croissance économique.
Une démarche transversale
«Jusqu’à présent, nous avons toujours travaillé en suivant une démarche sectorielle qui prend principalement appui sur les moyens budgétaires dont dispose le ministère de la Culture. Aujourd’hui, la loi de Finances annonce le lancement d’une stratégie marocaine culturelle dont le rôle est de mobiliser des moyens autres que ceux du ministère de la Culture», nuance d’emblée Mohamed Sbihi, ministre de la Culture, dans une déclaration à Médias 24.
Poursuite du plan d’action lancé par le ministère en 2012
La mise en œuvre de cette stratégie reposera sur cinq points qui représentent le plan d’action lancé par le ministère de la Culture en 2012. Le premier consiste en une politique de développement culturel fondée sur un concept élargi de la proximité territoriale.
«La carte établie en 2012 avait montré de grandes disparités entre les régions. Plus de 50% des communes urbaines ne disposaient pas d’établissements dédiés à la culture. Il s’agit donc de doter nos collectivités d’infrastructures culturelles pour répondre à la demande du public», nous explique le ministre de la Culture.
Le second point concerne le soutien financier à la production et à la commercialisation de projets artistiques et culturels. «Nous souhaitons aider les entreprises qui opèrent dans le domaine culturel.  C’est pour ça que nous avons créé en 2014 un fonds de soutien à la création, à travers des appels à projets, avec un cahier des charges professionnel et transparent», commente M. Sbihi.
«Nous avons soutenu de nombreux projets dans 4 domaines, avec une enveloppe de 40 millions de DH répartie à parts égales entre les arts plastiques et visuels, l’édition et le livre, la musique et les arts chorégraphiques, et enfin le théâtre et les arts de la rue. Nous tentons d’aider à la fois le créateur et l’entreprise, c’est-à-dire le binôme écrivain et éditeur, musicien et maison de production, etc…», précise-t-il.
Les autres axes sont la conservation du patrimoine culturel, la promotion de la diplomatie dans les domaines culturel et artistique et le développement de la bonne gouvernance.
Une distinction entre culture et patrimoine
Dès 2015, culture et patrimoine auront chacun sa propre stratégie, avec le lancement de Patrimoine 2020 et Maroc Culturel 2020. «Le patrimoine est partie intégrante de toute politique culturelle. Toutefois, il possède ses propres spécificités, c’est pourquoi nous l’avons mis comme objectif, avec une démarche spécifique», explique M. Sbihi.
La première stratégie, appelée « Patrimoine 2020», concerne donc la protection et la valorisation du patrimoine, mais aussi le développement d’une économie du patrimoine culturel vue comme un levier de développement économique. Ce programme prévoit la réalisation de 140 projets et le développement de nouveaux modes de gestion du patrimoine national.
Pour lister ces 140 projets, une étude a été faite par région et par type de patrimoine (matériel et immatériel). Dans un premier temps, la stratégie Patrimoine 2020 s’attaquera à la restauration, à la valorisation et à la promotion des grands sites qui relèvent du patrimoine culturel du pays.
Plus précisément, Patrimoine 2020 se fixe deux principaux objectifs: renforcer les valeurs d’identité et de citoyenneté à travers le patrimoine, et faire du patrimoine un vrai levier de développement économique.
«Le premier objectif est que le patrimoine puisse renforcer les valeurs d’identité et de citoyenneté. Ce qui suppose d’entreprendre des actions pour faire connaître le patrimoine, le propager, l’inclure dans les manuels scolaires, ou simplement  faire connaitre nos racines au plus large public. C’est un ensemble d’actions qui font du patrimoine un acteur d’identité et de fierté nationale», explique le ministre de la Culture.
Le second objectif est de faire du patrimoine un levier de l’économique, car il est de fait que la culture rapporte. Et pas seulement de l'argent mais aussi des emplois. Dans d’autres contrées, sa valeur ajoutée en termes de création d'emplois, d'attractivité et de cohésion sociale contribue pleinement au développement économique.
«Nous voulons valoriser le patrimoine pour qu’il contribue à l’économie, car l’investissement dans le patrimoine n’est pas un fonds perdu. Il peut au contraire être un levier réel de développement», souligne M. Sbihi.
«Il y a aussi un retour sur investissement sur les organismes du patrimoine comme les monuments historiques, les sites archéologiques ou les musées, mais aussi un retour indirect sur toutes les économies de service comme le tourisme. L'impact économique des activités de la culture est donc indéniable. C’est un levier de croissance pour renforcer l'attractivité d'un territoire et un gisement d’emplois encore inexploité ».
Maroc Culturel 2020
La deuxième stratégie, appelée «Maroc Culturel 2020»,
a pour objectif de développer le marché culturel national par le soutien institutionnel et financier aux industries culturelles et artistiques, la promotion des infrastructures culturelles de proximité et la mise en place de systèmes de suivi et d’évaluation des réalisations.
Dans un premier temps, ce programme de soutien concernera les domaines de l’édition et du livre, de la musique et de l’art chorégraphique, des arts plastiques et visuels et du théâtre.
«La grande innovation, là où on peut dire qu’on s’inscrit en rupture avec les démarches passées, même si je n’aime pas cette expression, c’est qu’aujourd’hui, nous estimons que la valorisation de la culture passe par de véritables industries culturelles nationales, sachant que les pouvoirs publics et le mécénat du secteur privé demeurent des acteurs essentiels en apportant leur contribution au rayonnement culturel», souligne M. Sbihi.
«Nous estimons aussi qu’il est nécessaire de penser la création culturelle par filière. Pour développer la culture, il convient de définir les mesures fiscales mises en place pour soutenir les maisons d’édition, les circuits de distribution, identifier les librairies professionnelles, les entreprises qui font la promotion du livre, les opérations de sensibilisation à lecture, idem pour les industries musicales. Il s’agit de renforcer les entreprises culturelles et artistiques, en leur apportant par exemple un soutien financier, ou en leur facilitant l’accès au crédit», ajoute-t-il.
Vers la fin de la vision folklorisée de la culture ?
De plus en plus, la gestion culturelle semble se faire en rupture avec la vision folklorique, passéiste et muséographique qui a longtemps caractérisée la gestion culturelle au Maroc.
«Cela fait quelques années que nous avons pris conscience du fait que la culture ne rimait pas seulement avec folklore; qu’elle n’était pas un luxe réservé à une élite, mais qu’elle était fondamentale pour un pays», commente M. Sbihi.
«Nous avons tourné cette page de la culture folklorisée et élitiste. La meilleure preuve est la constitution de 2011 qui parle pratiquement de droit à la culture. Elle a réservé à la culture une place essentielle, ce qui explique les grands chantiers initiées par le Roi. Il y a cette prise de conscience, pour redonner sa place à la culture», ajoute-t-il.
Un budget insuffisant
Avec un budget alloué de 627 millions de DH au titre du projet de loi de Finances 2015, contre 541,43 millions de dirhams une année auparavant (soit une augmentation de près de 16%), le ministère de la Culture reste l’un des ministères qui coûtent le moins au pays.
«J’estime qu’en vue des attentes et défis, cela reste encore insuffisant. Il faut faire plus et faire mieux. Et nous pouvons le faire avec pas beaucoup de moyens. Mais ce n’est pas avec 3% du budget de l’Etat qu’on va faire des miracles. Nous demandons 300 millions de DH supplémentaires par an et une cinquantaine de postes supplémentaires par an pour les 4 ou 5 prochaines années ».
Un personnel pas toujours qualifié
Il suffit de faire un tour dans les complexes culturels publics pour se rendre compte que la plupart des fonctionnaires qui y officient ne sont pas formés aux métiers de la culture. Un constat confirmé par le ministère de la Culture :
«Quand on initie une politique culturelle de proximité, comme se doter d’un théâtre, d’une galerie d’art ou d’un centre culturel, notre objectif est de proposer une offre culturelle de qualité. Or, cela implique forcément de compter un personnel qualifié. Le problème se pose quand ce sont des espaces culturels relevant des communes, lesquelles n’ont pas nécessairement  les compétences pour faire tourner ces établissements. Ce qui fait que l’offre laisse à désirer».
Il ajoute: «Quand ces établissements relèvent du ministère, il faut savoir que nous avons des écoles de formation comme l’ISADAC, les beaux arts ou l’INSAP. Donc nous avons les compétences. Le problème, c’est que nous n’avons pas les postes budgétaires pour recruter ces jeunes animateurs culturels ou animateurs de théâtre, etc. On nous donne 15 postes budgétaires, ce qui est très peu. Donc il y a un vrai problème de ressources humaines, alors que tout le monde est conscient de l’importance de la culture».
Pour remédier à ses problèmes budgétaires, le ministère de la Culture a préparé un texte de loi qui l'a ensuite soumis au Secrétariat général du gouvernement et qui vise à instaurer des partenariats avec les grandes entreprises publiques afin qu’elles apportent leur soutien financier.
«Nous voulons mettre en place un dispositif pour gérer les grands établissements culturels, c’est pour cela que nous avons proposé un texte de loi pour créer des établissements de partenariat culturel, avec le soutien de grandes entreprises publiques comme l’OCP. Les parties prenantes pourront apporter des subventions, afin que ces établissements puissent offrir des prestations de qualité. Le texte a été envoyé au SGG(…), nous allons défendre ce projet ».
Une année 2014 assez prolifique
L’année 2014 a malgré tout été assez prolifique sur le plan culturel, avec l’achèvement des travaux de construction du Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain (inauguré par le Roi Mohammed VI le 7 octobre 2014), le lancement des travaux de construction du Grand Théâtre de Rabat et du Grand Théâtre de Casablanca (Casa Arts) et la poursuite de la construction de l’Institut National Supérieur de Musique et des Arts Chorégraphiques.
En matière de soutien à la production littéraire, théâtrale et musicale, des salons régionaux du livre ont été organisés et des aides financières ont été octroyées pour la production d’une trentaine d’œuvres artistiques dans les domaines du théâtre, de la chanson et de la musique, sans oublier la tenue du Salon International de l’Edition et du Livre (SIEL).
Concernant les opérations de conservation du patrimoine monumental, le gouvernement a lancé les travaux de restauration et de valorisation des sites historiques de Lixus, Tamouda, Mazoura, Volubilis, de plusieurs murailles, sans oublier l’aménagement des sites rupestres de Guelmin et Smara.

28 Octobre 2014
SOURCE WEB Par MEDIAS24

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