Valorisation du capital immatériel La richesse du Maroc dans tous ses états
Pour l’économiste Mohamed Chiguer, il est quasi impossible, aujourd’hui, si l’on veut évaluer la richesse d’un pays, de ne pas prendre en considération la dimension immatérielle du capital.
Du travail en perspective. Le Maroc va franchir une nouvelle étape dans la comptabilisation de ses richesses. Dans son discours à l’occasion de la Fête du Trône, le Souverain a appelé le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et la Banque centrale à la réalisation d’une étude pour mesurer la valeur globale du Maroc entre 1999 et 2013 en intégrant les facteurs immatériels.
Dans une déclaration au «Matin», l’économiste Mohamed Chiguer affirme que quand on parle de capital immatériel, l’on fait généralement référence à la société du savoir. «C’est une notion qui est en train d’émerger essentiellement dans les pays développés qui ont été traditionnellement industrialisés. Mais avec la révolution technologique, ils sont passés d’une société industrielle à une société post-industrielle. Cette dernière est marquée par le savoir, le savoir-faire, l’information, etc. Certes, la notion de capital immatériel existait même dans la société industrielle, mais elle ne concernait que le fonds de commerce», explique M. Chiguer. Pour lui, il est quasi impossible aujourd’hui, si l’on veut évaluer la richesse ou le patrimoine d’un pays, de ne pas prendre en considération la dimension immatérielle du capital qui est liée directement à l’Homme. «Si l’on veut développer le capital immatériel, l’on doit nécessairement mettre l’Homme au centre de toute politique économique. Parce que pendant la période industrielle, l’Homme était un moyen pour créer la richesse, mais dans la société de savoir, il n’est plus un moyen, mais un objectif. C’est-à-dire que l’Homme est l’essence de la richesse immatérielle à travers le développement de la connaissance, le folklore, l’art et tout ce qui est produit par l’Homme d’une manière immatérielle», développe l'économiste. Pour mieux expliquer le principe, ce dernier fournit un exemple : «si l’on veut acheter une boutique en plein centre-ville de Rabat ou de Casablanca, la formation du prix inclut non seulement la valeur du bâti, mais aussi et surtout le fonds de commerce, le positionnement géographique, la fréquentation des clients et la notoriété de l’objet matériel».
La comptabilisation de la richesse immatérielle permet-elle de gagner des points de croissance ? M. Chiguer indique qu’aujourd’hui, l’on n’a pas encore trouvé la manière d’introduire le capital immatériel dans le calcul du PIB. «Je pense que le Maroc doit déjà revoir le calcul de son PIB en révisant les facteurs matériels puisque beaucoup de critères lui échappent encore. Car, valeur aujourd’hui, nous avons un PIB sous-estimé. Ce qui fait que les politiques suivies dans plusieurs secteurs sont inefficaces. Un simple exemple : le départ volontaire qu’on expliquait en 2005 par l’importance de la part de la masse salariale dans le PIB. Si cette part était importante, c’est que le PIB était sous-estimé. La décision du “DVD” était donc biaisée dès le départ», soutient l’économiste. Sa recommandation : en plus de l’étude que devrait mener le CESE et la Banque centrale sur le capital immatériel, il va falloir mener une autre étude sur la répartition des richesses matérielle et immatérielle.
Pour l’économiste et secrétaire général du CESE, Driss Guerraoui, l’initiative royale porte sur une réflexion au sujet de la place de questions aussi importantes que la confiance dans les institutions, la liberté au sens le plus large, y compris la liberté de culte, le fait de vivre dans un environnement de sécurité et de paix, de vivre dans un environnement marqué par l'égalité de genre et le respect de la dignité. «La réflexion à engager porte également sur la nécessité de prendre en compte des dimensions quantitatives et qualitatives touchant à tous les aspects de la vie quotidienne des citoyens, tels que l’habitat, la santé, l’éducation et la culture de manière à pouvoir évaluer non seulement le niveau de vie, mais aussi le genre de vie», affirme-t-il dans une déclaration à la MAP. Selon M. Guerraoui, cette approche vise à donner un sens aux choses matérielles et définir la place de la création de richesses, y compris dans leur dimension immatérielle, dans la cohésion sociale d’une nation.
–SOURCE WEB Par Saïd Naoumi, LE MATIN
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