L’idée est de faire découvrir aux apiculteurs les vertus médicinales des produits de l’abeille
Entretien avec Dr Badiaâ Lyoussi
Dr Badiaâ Lyoussi, responsable du Laboratoire de pharmacologie, spécialiste de l’apithérapie et présidente de l’association «Espaces des sciences et vie».
Le Matin : L’association «Espace des sciences et vie»
organise la deuxième édition de la Conférence internationale sur l’api-phytothérapie
à Fès. Qu’est-ce qui la caractérise ?
Badiaâ Lyoussi : Cette deuxième édition de la Conférence internationale sur l’api-phytothérapie qui
aura lieu à Fès du 20 au 22 mai 2014 se démarque par rapport à la
précédente par sa déclinaison en deux volets à savoir le volet «Recherche
scientifique» animé par des experts de renommée internationale et le volet
«Pratique» dédié aux apiculteurs. Le premier volet lève le voile sur les
nouveautés de l’apithérapie, sur les produits de la ruche, le venin de
l’abeille, la propolis qui est un antibiotique naturel, ainsi que sur l’air de
la ruche. Il s’agit pour les médecins, chercheurs, scientifiques et experts
participants de mettre en avant les résultats des études cliniques et
scientifiques sur le miel, les produits de l’abeille et leurs vertus
thérapeutiques extraordinaires dans le traitement de plusieurs maladies entre
autres, les pathologies respiratoires, l’asthme, certains cancers, le diabète,
etc. La recherche s’est tellement développée qu’il y a même des recherches sur
les chromosomes extraits de la gelée
royale qui sont utilisés dans les traitements du cancer et des pathologies
cardiovasculaires. Il est aussi question de démontrer que l’apithérapie
traditionnelle pratiquée par nos ancêtres et nos apiculteurs pour traiter entre
autres l’asthme, les inflammations et la fièvre, est dépassée et qu’il est
important aujourd’hui d’aller vers l’apithérapie moderne fondée sur des études
et de résultats scientifiques et sur les produits de l’abeille comme son venin,
la propolis et l’air de la ruche. Et d’autres présenteront leurs recherches sur
la gelée royale, la propolis et l’air de la ruche. La conférence a aussi pour
objectif d’ouvrir la voie aux petits apiculteurs pour développer des projets
novateurs et valoriser davantage le miel et les produits de l’abeille, mais
aussi au monde industriel pour lui faire découvrir les perspectives
prometteuses. Au programme, figure par ailleurs la création d’un consortium que
nous allons baptiser «Api recherche», que ce soit au niveau maghrébin ou
méditerranéen pour la valorisation de la recherche dans le domaine en
partenariat avec les apiculteurs.
Et qu’en est-il du second volet ?
En marge de la conférence, l’association «Espace des sciences et vie» dédie deux journées à des ateliers pratiques pour les jeunes apiculteurs des régions de Sefrou et de Zagora. Ces jeunes pratiquent l’apiculture traditionnelle et les ateliers animés par des experts internationaux vont leur permettre d’apprendre entre autres comment faire la récolte de la propolis dans les règles de l’art, comment extraire le venin de l’abeille, l’air de la ruche, produire du miel de qualité pour être compétitifs et pouvoir mettre leurs produits au service de l’apithérapie. Je tiens à préciser que la culture du miel est aussi menacée par les pesticides et le marché, confrontée à l’adultération et aussi qu’il ne suffit plus de produire seulement le miel, mais qu'il faut développer d’autres spécialités très porteuses telles que la pollinisation qui est la source principale de plusieurs éléments nutritifs indispensables aux abeilles et qui dispose d'une richesse nutritive exceptionnelle très recommandée pour les personnes âgées. L’idée étant de faire découvrir, aussi bien aux apiculteurs qu’aux industriels, les étonnantes vertus médicinales des produits de l’abeille et les composantes de chaque produit. En clair, les vertus de cette médecine d’avenir.
La liste des conférenciers fait ressortir des participants
d'Europe, du monde arabe et d'Amérique ?
Nous avons fait le choix d’inviter les grandes écoles de l’apithérapie dans le
monde. Il y a des participants de l’Association francophone de l’apithérapie à
leur tête le professeur Becker, le vice-président de la Société allemande de
l’apithérapie, la vice-présidente de la Société romaine et le président de la Société portugaise ainsi
que le président de la Ligue
arabe de pharmacologie. La conférence est marquée par la présence du président
de la Société
américaine et de Gilles Ratia, président de Apimondia, la plus grande ONG
apicole internationale. À cela s’ajoutent des apiculteurs de renommée qui
prônent une apiculture biologique et des représentants de la FAO. Nous allons saisir
l’occasion de la conférence pour renforcer des partenariats avec la Fédération des
apiculteurs portugais représentée par sa présidente et des experts et porteurs
de projets sur l’api-tourisme de la Slovénie.
Où en est la recherche sur l’apithérapie au Maroc ?
Il y a un savoir-faire ancestral chez les apiculteurs marocains, mais il n’y a aucune synergie entre eux et les chercheurs. Ils doivent travailler ensemble pour développer l’apithérapie, tirer profit des avancées en la matière et mettre des produits de l’abeille de qualité au service de la science, de la médecine et de l’industrie et même de l’industrie pharmaceutique qui n’apprécie pas ce regain d’intérêt pour les produits naturels. Il y a des initiatives très timides et il y a des recherches universitaires rares. À la conférence, des étudiants de la Faculté de Fès vont présenter leurs posters ainsi que ceux d’Errachidia qui travaillent dans ce domaine avec la Corse.
Les abeilles disparaissent de plus en plus de nos campagnes. Est-ce que le Maroc vit la même situation que l’Europe qui a perdu la moitié de ses abeilles ?
J’ai participé à un congrès à Bruxelles qui a consacré toute une session à la disparition des abeilles avec notamment la présence de chercheurs, d'apiculteurs et même de parlementaires représentant plusieurs pays européens. Et tous les participants ont appelé à l’interdiction des pesticides toxiques et dangereux qui attaquent le système nerveux des abeilles et causent leur disparition. Leur utilisation est d’ailleurs aujourd’hui interdite en Europe et des études sont lancées pour préserver la santé de l’abeille par ce qu’il y a une prise de conscience de son rôle dans la préservation de la vie sur terre. Au Maroc, certaines de nos campagnes connaissent ce phénomène de disparition des abeilles à cause aussi des pesticides et heureusement, il existe encore des régions enclavées et préservées qui permettent encore aux abeilles de vivre. Et c’est important d’appuyer ces régions pour le développement de leurs produits du terroir et pour la préservation de la culture biologique.
15 mai 2014 – SOURCE WEB Par Rachida Bami, LE MATIN
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