« Les villes africaines ont énormément de possibilités pour lutter contre le changement climatique »
Alors qu’Abidjan accueille une « COP des villes », Youba Sokona, vice-président du GIEC, estime que les élus locaux doivent « devenir des acteurs majeurs du climat ».
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Après plusieurs jours de pluies intenses, Abidjan, en Côte d’Ivoire, accueille vendredi 1er et samedi 2 juillet une centaine de maires pour une rencontre internationale sur le climat. Une « COP des villes » qui entend promouvoir le rôle des agglomérations dans la lutte contre le changement climatique.
Alors que le continent africain pollue relativement peu à l’échelle mondiale, ses villes se retrouvent en première ligne face au dérèglement du climat : inondations à Abidjan en juin et à Durban (Afrique du Sud) en avril, températures qui dépassaient les 40 °C dans certaines villes marocaines il y a quelques semaines, érosion côtière et montée des eaux qui menacent Cotonou (Bénin), Lagos (Nigeria) ou Saint-Louis (Sénégal)…
Interrogé par Le Monde Afrique, le Malien Youba Sokona, vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et invité de cette COP, appelle les villes africaines à prendre « à bras-le-corps » le sujet du climat.
La « COP des villes » à Abidjan doit étudier les pistes de lutte contre le changement climatique. En quoi est-ce spécifiquement un enjeu pour les villes africaines ?
D’abord parce que les pays africains ressentent particulièrement lourdement les effets du changement climatique. Et ils cumulent des vulnérabilités écologiques, sociales et économiques. Les populations, surtout les plus démunies, sont très affectées par ces dérèglements, que ce soit en termes d’inondations, de glissements de terrain, de sécheresses, le tout étant amplifié par le déficit de fourniture d’eau ou d’électricité. Tout cela se retrouve dans les villes, qui, pourtant, n’ont souvent pas intégré la problématique du changement climatique.
« Les municipalités se contentent souvent de brûler les déchets, sans réaliser que cela participe à la pollution de l’air »
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Le quartier de N’Dotré, à Abidjan, après de fortes pluies, le 30 juin 2022.
Le quartier de N’Dotré, à Abidjan, après de fortes pluies, le 30 juin 2022. LUC GNAGO / REUTERS
Après plusieurs jours de pluies intenses, Abidjan, en Côte d’Ivoire, accueille vendredi 1er et samedi 2 juillet une centaine de maires pour une rencontre internationale sur le climat. Une « COP des villes » qui entend promouvoir le rôle des agglomérations dans la lutte contre le changement climatique.
Alors que le continent africain pollue relativement peu à l’échelle mondiale, ses villes se retrouvent en première ligne face au dérèglement du climat : inondations à Abidjan en juin et à Durban (Afrique du Sud) en avril, températures qui dépassaient les 40 °C dans certaines villes marocaines il y a quelques semaines, érosion côtière et montée des eaux qui menacent Cotonou (Bénin), Lagos (Nigeria) ou Saint-Louis (Sénégal)…
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Interrogé par Le Monde Afrique, le Malien Youba Sokona, vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et invité de cette COP, appelle les villes africaines à prendre « à bras-le-corps » le sujet du climat.
La « COP des villes » à Abidjan doit étudier les pistes de lutte contre le changement climatique. En quoi est-ce spécifiquement un enjeu pour les villes africaines ?
D’abord parce que les pays africains ressentent particulièrement lourdement les effets du changement climatique. Et ils cumulent des vulnérabilités écologiques, sociales et économiques. Les populations, surtout les plus démunies, sont très affectées par ces dérèglements, que ce soit en termes d’inondations, de glissements de terrain, de sécheresses, le tout étant amplifié par le déficit de fourniture d’eau ou d’électricité. Tout cela se retrouve dans les villes, qui, pourtant, n’ont souvent pas intégré la problématique du changement climatique.
« Les municipalités se contentent souvent de brûler les déchets, sans réaliser que cela participe à la pollution de l’air »
Les élus locaux ne sont-ils pas en mesure d’apporter des solutions ?
Le problème, malheureusement, c’est que les municipalités ne sont pas bien outillées. Elles ont peu d’expertise sur cette problématique du climat, considérée comme quelque chose de très lointain. Prenons un exemple simple : la plupart des villes africaines, surtout dans la zone subsaharienne, ont de grosses difficultés à gérer les ordures ménagères. Les municipalités se contentent souvent de les brûler, sans réaliser que cela participe non seulement à l’augmentation de la pollution de l’air, mais aussi, dans une certaine mesure, à l’accélération du changement climatique. Les populations sont également peu sensibilisées à ces questions pourtant essentielles.
Au-delà de rencontres officielles qui se tiennent au mieux une fois par an, il faudrait que ces sujets soient pris à bras-le-corps et de façon continue. Les acteurs des municipalités doivent devenir des acteurs majeurs du climat et se doter des structures techniques et scientifiques idoines.
Le continent doit-il inventer un nouveau modèle de ville pour lutter contre le dérèglement climatique ?
Les villes africaines sont particulièrement affectées par le changement climatique, mais elles ont aussi énormément de possibilités d’action, car les infrastructures ne sont pas encore en place. Dakar, Bamako ou Abidjan n’ont rien à voir avec les villes en France. En général, une partie de ces agglomérations dispose d’infrastructures urbaines et une autre, très importante, abrite des populations dont les pratiques et le mode de vie sont totalement ruraux.
« Alors que les pays européens doivent rebâtir ce qui existe, en Afrique on peut partir de la base et concevoir quelque chose de totalement différent »
Alors que les pays européens doivent rebâtir ce qui existe, défaire pour construire de nouveau, en Afrique on peut partir de la base et concevoir quelque chose de totalement différent. Par exemple, on peut réfléchir à bâtir avec de la terre crue, abondante dans la plupart des pays africains et qui se prête très bien à la construction. Malheureusement, on est en train d’investir dans le ciment, or un tel matériau suppose d’investir davantage dans la climatisation, surtout dans la mesure où les températures sont en hausse.
En réalité, il faudrait s’affranchir du modèle européen des villes, mais ce n’est pas forcément ce qui est à l’ordre du jour dans la plupart des pays africains. Par exemple, on aurait pu penser différemment la nouvelle ville qui est en construction au Sénégal, à Diamniadio, l’imaginer totalement écologique, sans véhicules. Mais ce n’est pas le cas, on n’y a pas du tout intégré la problématique du changement climatique.
L’Afrique connaît une urbanisation galopante. Les centres urbains sont-ils condamnés à devenir de gros émetteurs de CO? sur un continent qui aujourd’hui pollue très peu à l’échelle de la planète ?
Il faut absolument que l’on anticipe mieux ce sujet. Dans les vingt à trente ans à venir, l’électrification et la numérisation de l’économie, en commençant par les transports, seront la norme dans le reste du monde. Est-ce qu’au même moment, les véhicules diesel ou à essence qui seront bannis en Occident se retrouveront tous en Afrique ? Il y aura des réductions d’émissions en Europe, mais une augmentation fulgurante dans les pays africains. D’autant plus que dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, l’énergie domestique la plus utilisée est le charbon de bois, qui participe à la déforestation, à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et à la pollution de l’air.
On ne peut pas penser la ville sans le développement rural, c’est-à-dire l’aménagement du territoire d’une manière générale. Les villes sont devenues des lieux qui attirent les populations qui ont l’espoir d’y trouver du travail et de meilleures conditions de vie. Mais elles deviennent un cauchemar pour la plupart des populations qui n’ont pas accès à l’eau, à l’électricité, à l’assainissement, à un habitat décent. Il faut se développer ailleurs que dans les capitales, qui constituent des goulots d’étranglement.
Le manque de données – sur l’habitat, les flux de circulation, le niveau d’émission – est-il un gros obstacle pour concevoir des politiques d’adaptation au changement climatique ?
C’est une évidence. A l’heure actuelle, il y a très peu de villes en Afrique où l’on a des mesures régulières de pollution atmosphérique, où l’on a une idée assez claire de ce qu’il y a comme déchets urbains, comme réseaux d’assainissement existants. Excepté peut-être en Afrique du Sud, même de grosses mairies ne disposent pas de structures de recherche sur ces questions essentielles.
Le 01 juillet 2022
Source web par : le monde
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