Automobile: en attendant un véhicule «Made in Morocco»

Le secteur automobile est sans doute une des plus belles réussites industrielles du Royaume. Mais, il ne sera jamais à l'abri d'une menace de relocalisation industrielle, à moins que l'on ne capitalise sur la capacité d'intégration développée au fil des ans pour concevoir un véhicule local. Analyse.
Une enveloppe d'investissement de 1,8 milliard de dirhams, quelque 766 emplois en perspective, 10 millions de composants en fonte d’aluminium à produire… Le compteur des investissements directs étrangers (IDE) pour l'année 2022 vient de démarrer avec le premier coup de pioche donné pour une nouvelle unité industrielle du groupe Citic Dicastal.
L'équipementier chinois spécialisé dans le moulage et la production de pièces automobiles en aluminium, notamment les jantes et les composants de châssis, en est déjà à sa troisième usine dans le pays, avec 5,3 milliards de dirhams d'investissements cumulés en trois ans.
«C'est révélateur du dynamisme que connaît la filière automobile qui s'est hissée en tête de pont de toute l'
industrie marocaine et qui a montré toute sa résilience face à la crise sanitaire», explique cet industriel, selon lequel «la filière doit relever de nombreux défis pour rester dans le circuit et éviter de revenir au point de départ». C'est que ce secteur, devenu pesant, aussi bien dans la balance des paiements que dans le marché de l'emploi, revient de loin…
Le tournant Renault
Marche arrière, jusqu'à l'aube du XXIe siècle. L'industrie automobile au Maroc se résumait alors principalement à l'historique usine Somaca (créée en 1959), avec, bon an mal an, une capacité de montage de près de 30.000 véhicules. Depuis, la filière a carburé pour connaître un essor phénoménal, sous l'effet de différents plans d'accélérations.
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De la fabrication low-cost de composants sous-traités pour les sites d'assemblages européens, lancée dans le sillage du Plan Emergence, jusqu'à l'implantation de grands constructeurs avec le Plan d'accélération industrielle (PAI), le secteur s'est complètement métamorphosé. Et c'est forcément le virage de l’implantation de Renault au niveau du complexe portuaire Tanger Med qui a été déterminant pour le tissu d'équipementiers automobiles.
«Tout en déroulant le tapis rouge au constructeur français dans cette zone franche, le Royaume a favorisé l'installation d'enseignes internationales jouissant de la confiance des constructeurs mondiaux. Cela a fini par convaincre un nouveau constructeur, notamment Stellantis (ex-PSA), de s'implanter une douzaine d'années plus tard à Kénitra», résume un vieux routier de l'Association marocaine pour l'industrie et le commerce de l'automobile (AMICA).
Performance et Résilience
Depuis 2012, les indicateurs du secteur ont mis le turbo, que ce soit en termes de création d'emplois, de véhicules produits, ou encore des recettes d'exportation. Le secteur est passé, déjà en 2014, premier secteur exportateur, dépassant les recettes en devises des phosphates. Mieux encore, les 40 milliards de dirhams de chiffre d’affaires à l’export réalisés à l'époque ont plus que doublé pour dépasser les 83 milliards de dirhams en 2021. Car même la crise sanitaire, qui a mis à mal tant de filières, n'a représenté pour l'automobile qu'une légère secousse: après le coup de frein des exportations à 72 milliards de dirhams, en 2020, celles-ci ont repris de l'élan pour dépasser leur niveau d'avant pandémie.
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Le secteur est également une des rares composantes du PAI à avoir dépassé ses objectifs initiaux. Alors que Moulay Hafid Elalamy tablait sur la création de 90.000 emplois, l'automobile a pu en générer 148.000 à la fin 2019. «Après le confinement, tous les emplois ont été maintenus et le secteur a pu redémarrer avec une croissance», affirme notre source de l'AMICA. Le Maroc est ainsi devenu le premier fabricant automobile dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord et le second sur le continent africain.
C'est aussi le premier hub de construction sur le continent avec l'implantation d'environ 250 acteurs nationaux et internationaux. Les IDE cumulés par la filière avoisinent les 26 milliards de dirhams entre 2012 et 2018. Quant à sa valeur ajoutée, elle dépasse les 30 milliards de dirhams, un niveau colossal qui représente une fois et demi la valeur ajoutée de l'OCP. Et le potentiel reste énorme, sachant que le taux d'intégration locale en est encore à 60%, avec l'objectif de le porter à 80% sur les prochaines années.
Défis à relever
Développer davantage l’intégration locale reste d'ailleurs le principal défi à relever pour la filière. «La richesse créée est encore trop souvent captée par les investisseurs étrangers et les retombées sur le tissu local ne sont pas suffisantes. Une intégration en profondeur permettra d’encourager l’entrepreneuriat marocain et d'augmenter le taux d’insertion des jeunes diplômés», indique notre source.
La montée en compétences constitue un autre levier de développement, mais aussi un autre challenge à relever. La main d’œuvre ne doit pas être uniquement dédiée à l’assemblage de pièces, connectiques ou autres composants. «Orienter les jeunes vers les métiers innovants, former la main-d’œuvre sur les compétences technologiques de demain ou encore créer des passerelles entre le monde académique et le monde professionnel sont autant d’objectifs prioritaires pour gagner en compétitivité et en valeur ajoutée», expliquent les auteurs d’une étude du ministère des Finances.
Un autre grand défi réside dans la diversification des marchés d’exportation vers d’autres pays en développement, notamment en Afrique. Les exportations du pays ne se classent encore qu’au 27e rang au niveau mondial et subissent une forte concurrence, notamment des pays de l’Europe de l’Est ou de la Turquie. En effet, «la dépendance du Maroc à l’égard des marchés d’exportation européens accroît sa vulnérabilité aux changements à l'international», indiquent les experts de la Société financière internationale (SFI), en précisant que le marché européen tendait à ralentir et que la concurrence était particulièrement rude.
Le Maroc doit capitaliser sur son positionnement de hub stratégique vers l’Afrique pour conquérir des marchés émergents où la demande est forte. Mais, il faut également se mettre à l'abri du risque de relocalisation industrielle qui pourrait inciter les constructeurs comme les équipementiers à plier bagages. Envisager une automobile 100% Made in Morocco doit commencer aujourd'hui.
«Un véhicule électrique économique conçu et fabriqué dans le Royaume pour être exporté en Afrique, et pourquoi pas en Europe, devrait être l'objectif à fixer pour cette filière si on veut véritablement tirer profit de tous les investissements que l'on capte aujourd'hui», affirme notre professionnel. C'est visiblement la voie indiquée vers l’excellence…
Le 19/02/ 2021
Source web par : le360
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