Grand cafouillage sur les chaînes nationales
Amateurs de télévision, préparez-vous à «zapper» les chaînes nationales pendant les prochaines semaines. La grille de
programme, déjà peu alléchante, devra se tourner encore une fois vers la rediffusion pour combler le vide. Le 30 septembre dernier, la reconduction des émissions dites de «flux», y compris les émissions de débats, est arrivée à son terme. Celles-ci devaient déjà être interrompues en décembre 2012, en vertu des nouveaux cahiers des charges de l’audiovisuel, mais un décret complétant les dispositions des ces cahiers des charges est venu combler le vide en opérant une reconduction de ces émissions jusqu’à fin septembre. Cette bouée de sauvetage n’a toutefois pas permis d’éviter le naufrage. Rattrapés par le temps, les deux chaînes (Al Aoula et 2M) n’ont pas encore obtenu les résultats des appels d’offres censés fixer la nouvelle programmation de la «rentrée télévisuelle» qui démarre en octobre. En attendant, c’est le grand désert au niveau de la programmation. «Certaines émissions que nous avons enregistrées et transférées à la première chaîne ne seront pas diffusées, bien qu’elles aient été livrées avant l’échéance», dénonce un responsable de la boîte de production AudiencePlus. Pour un épisode enregistré le 24 septembre dernier, soit près d’une semaine avant la fin du délai réglementaire, les producteurs n'ont reçu aucun avis de non diffusion de la part de la première chaîne. «Pourtant, l’émission était bel et bien programmée pour le 05 octobre», explique le chef du projet. Toutefois, la responsabilité des producteurs eux-mêmes n'en est pour autant écartée car le délai réglementaire était connu de tous. À en croire les professionnels, la situation risque encore de se prolonger pendant quelques semaines. L’ouverture des plis concernant les nouveaux appels d’offres a été opérée le 27 août. Or, il faut compter près de deux mois après cette date pour espérer voir des résultats, ce qui correspond encore aujourd’hui à trois ou quatre semaines d’attente. Le suspens ne prendra pas fin pour autant car il faudra attendre que les producteurs choisis développent leurs émissions avant de passer à l’antenne. «Il faudra compter en tout et pour tout, environ trois mois entre l’ouverture des plis et la diffusion des émissions sur les chaînes», explique un producteur. Un autre, moins optimiste, annonce la reprise pour janvier 2014. Il faut dire qu’un véritable flou entoure cette question, et que tout le beau monde du paysage audiovisuel se rejette la responsabilité. Contacté par les Éco, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement s’est contenté d’expliquer que «ces problèmes concernent la gestion interne des sociétés de télévision, et le ministère n’a rien à voir là-dedans». Cet avis ne semble pas être partagé par les professionnels qui estiment que ce sont, encore et toujours, les nouveaux cahiers des charges de l’audiovisuel qui ont semé la zizanie dans le secteur. «Nous ne faisons qu’appliquer les règlements et la loi concernant la gestion qui nous imposent d’arrêter toute diffusion de ces émissions le 30 septembre», souligne Nourredine Rakib, directeur de la production à la SNRT. Celui-ci tente cependant de rassurer en affirmant que les commissions chargées de la sélection et de l’examen technico-financier des projets en sont à la phase finale de leur travail. «Le problème se situe sans aucun doute au niveau de ces cahiers des charges qui n’ont pas pris en compte le travail fastidieux de sélection des projets et imposé des délais insuffisants», accuse Rakib qui souligne que cette procédure doit être opérée en toute sérénité et objectivité et ne pas être entravée par des délais trop courts.
Effets pervers
Aujourd’hui, certains producteurs affirment que les effets pervers de cette nouvelle réglementation commencent déjà à se faire ressentir. «Pour soumissionner à un appel d’offres, il faut déposer une caution qui peut atteindre parfois 1MDH. Or, pour des petites structures, déployer une telle somme pendant près de 3 mois de procédure est quasiment impossible, ce qui ne fait que disqualifier d’office les petites structures», rappelle Mouad Ghandi producteur télé. L’autre impact se ressent au niveau de la qualité du produit. Les producteurs dénoncent des critères de sélection trop restrictifs, qui limitent la créativité et cantonnent la production dans des schémas archaïques. Pour contourner ces obstacles, certaines productions ont recours aux sponsors pour assurer leur diffusion. C’est le cas notamment de la série humoristique de Hassan El Fed, «L’couple» qui a pourtant battu tous les records d’audience durant le mois de ramadan. En outre, cette situation démontre encore une fois l’urgence d’une libéralisation de ce secteur qui gagnerait à être soumis aux règles de la concurrence.
9 octobre 2013 20:00
SOURCE WEB Par Ayoub NAÏM Lesecos
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