Fathallah Oualalou revisite la mondialisation
Le point de départ est situé au Maroc et en Méditerranée
Il plaide pour le réveil d’une Europe, plus dynamique
Le grand Maghreb est une nécessité
«Je n’ai plus d’activité partisane, mais ce livre est un acte politique. Car je fais partie de l’école de feu Abderrahim Bouabid, qui considérait que faire de la politique consiste à servir son pays», a souligné l’ancien ministre des Finances Fathallah Oualalou (Ph. Bziouat)
L’ancien ministre des Finances Fathallah Oualalou est prolixe. A peine l’avant-dernier livre terminé et primé en Chine, le voilà qu’il récidive avec une nouvelle publication: «La mondialisation et nous», avec un sous-titre, «le sud dans le grand chamboulement» (Editions Croisée des chemins).
L’ancien maire socialiste de Rabat en a assuré le service après-vente au Forum de la MAP, mardi, qui a coïncidé avec la conférence de presse du ministre de la Santé après l’annonce du premier cas affecté par le coronavirus.
En fait, le livre de 490 pages, édité en collaboration avec le «Policy Center for the New South», finalise une trilogie ayant démarré en 2009, avec le premier ouvrage en arabe, «La crise économique et nous». Il est suivi par «la Chine et nous» en 2017. Dans le nouveau livre, l’auteur situe le point de départ de cette mondialisation au Maroc et en Méditerranée, avec l’occupation de Sebta en 1415.
A partir de cette ville, les Portugais ont occupé d’autres cités marocaines comme notamment El Jadida. L’autre dimension est africaine. Car, par ce port, l’or, qui venait du Ghana et d’autres pays de l’ouest africain, était acheminé vers l’Europe. La fermeture de cet axe a coupé court à ce commerce. Alors, l’Afrique a commencé à exporter les esclaves. C’est le premier acte de la mondialisation dans le cadre de l’esclavage triangulaire Afrique-Europe-Amérique, note l’auteur.
L’autre dimension est mondiale. Ainsi, à partir de Sebta, les Portugais ont occupé d’autres villes marocaines avant de descendre le littoral africain jusqu’au Cap, d’aller en Inde et d’arriver jusqu’à Macao en Chine. «Et cela bien avant Christophe Colomb», précise Fathallah Oualalou.
Pour lui, la mondialisation s’est imposée. L’idée n’est pas de dire si elle est bonne ou mauvaise. L’important est de prendre conscience qu’elle connaît des dérives qu’il est impératif de corriger. Les Maghrébins, les Africains, les Méditerranéens mais aussi les Européens risquent d’être dépassés.
«Aujourd’hui, nous ne pouvons pas répondre à cette mondialisation tous seuls. Il est important de s’inscrire dans une logique régionale», indique-t-il. C’est pour cette raison que l’auteur appelle à la naissance d’un nouveau pôle qui aura comme premier rôle de jouer l’équilibre entre les deux blocs, asiatique et nord-américain. Tout au long de son livre, l’auteur ne cache pas son refus de la domination du monde bipolaire. Il préfère de loin le schéma d’un monde multipolaire.
L’autre action essentielle est une «réconciliation de l’Europe avec nous». Pour cela, il est important de renégocier nos relations avec le reste du monde, particulièrement l’Europe. «Nos rapports ne doivent plus rester liés au libre-échange et à l’aide financière. Ils doivent intégrer la logique de co-développement et coproduction. C’est ce qui se fait avec l’usine Renault où les deux sont gagnants», indique l’auteur lors du débat à la MAP.
Pour lui, l’Europe doit intégrer cette logique dans son approche des relations avec notamment le Maroc. «Elle doit reconnaître le mal du colonialisme et l’apport des autres pays. Bien sûr, notre capacité de négociation avec le vieux continent ne peut s’améliorer que dans le cadre maghrébin», dit-il. D’ailleurs, pour Fathallah Oualalou, le grand Maghreb est une nécessité.
Par ailleurs, il fait référence au livre culte des années 70 d’Alain Peyrefitte, ancien ministre et homme politique français, «quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera. Un excellent travail d’un visionnaire mais il s’est trompé sur le titre», a-t-il noté. «Parce que le monde n’a pas tremblé tout simplement parce qu’il a besoin d’elle. Aujourd’hui, il tremble parce qu’elle est enrhumée».
«Servir son pays»
Fathallah Oualalou n’a plus d’activité partisane, mais ce livre est un acte politique, souligne-t-il. Pour lui, «faire de la politique, c’est servir son pays. Car, je fais partie de l’école de feu Abderrahim Bouabid, qui en faisait son credo. Aujourd’hui, l’ancien ministre considère que servir le pays consiste également à pousser à prendre conscience de ce qui se passe dans le monde. «La Méditerranée est un résidu qui ne rayonne plus, un lieu de passage et de déstabilisation. Nous avons besoin d’une Europe qui se débarrasse de son inertie. Elle doit être plus dynamique pour dialoguer avec les deux autres pôles, menés par la Chine et les USA», ajoute-t-il.
Le 06 Mar 2020
Source web Par L’économiste
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