L’Association Mimouna œuvre pour la coexistence pacifique entre musulmans et juifs
Le temps d’une journée à Tanger, une quinzaine de jeunes influenceurs et journalistes sont partis à la découverte du patrimoine juif et à la rencontre des derniers juifs dans le nord. Séances de shooting avec des costumes traditionnels juifs, dégustations de plats de la gastronomie juive marocaine, visite d’une synagogue et rencontre avec des membres de la communauté ont marqué cette journée.
«Mon souhait est de mourir à Tanger, là où j’ai toujours vécu». Rachel Muray, figure emblématique de la communauté juive à Tanger, est catégorique. Comme elle l’a toujours été quand il s’agit d’évoquer le sujet de la migration juive. Hier comme aujourd’hui, pas question pour cette libraire retraitée de quitter la ville du détroit. «Quand j’étais encore mariée, mon époux avec qui je ne m’entendais pas assez voulait quitter le Maroc pour aller au Canada. Sa décision fut une raison pour demander le divorce, puisque dans notre religion la femme ne peut divorcer que lorsqu’elle refuse que son époux veut l’emmener à l’extérieur du lieu où ils se sont mariés ou bien lorsque le couple n’arrive pas à avoir des enfants», se remémore celle qui a géré pendant 25 ans la librairie les Colonnes à Tanger.
Au cercle de Tanger -un lieu communautaire juif-, ce dimanche 8 septembre vers 14h30, la vieille dame à la mémoire bluffante et à l’esprit vif s’exprimait devant une quinzaine d’influenceurs sur les réseaux sociaux et de journalistes invités par l’Association Mimouna (voir encadré) au Mimouna Spirit Day. Une journée d’immersion dans la culture hébraïque, qui est l’une des composantes de l’identité marocaine plurielle, comme cela été confirmé par la Constitution marocaine de 2011.
Musulmans et juifs
Coexistence
«La Mimouna est une fête où les juifs invitaient leurs voisins musulmans. C’est cet esprit de coexistence qui a inspiré les fondateurs de l’association et c’est le même esprit qui a inspiré l’organisation de cette journée», nous indiquent de tout go les organisateurs. Au menu de cette immersion : séance de shooting avec des costumes traditionnels juifs, dégustations de plats de la gastronomie juive marocaine, visite d’une synagogue et rencontre avec les représentants de ce qui reste de la communauté juive à Tanger. «De 16 000 juifs en 1956, Tanger ne compte aujourd’hui que 27 juifs, qui sont pour la plupart des personnes très âgées», déplore Rachel Murray, qui estime que la migration massive des juifs marocains s’explique à la fois par l’efficacité de la propagande du mouvement sioniste à l’époque et des craintes quant aux effets du conflit arabo-palestinien sur les minorités juives vivant dans le monde arabe. Et de poursuivre : «Nous avons toujours gardé un souvenir amer de notre expulsion de l’Espagne après la Reconquista. Heureusement que nous avons été très bien accueillis au Maroc, un pays où l’on a pu continuer à être juif jusqu’à aujourd’hui».
Comme prévu, les invités de l’Association Mimouna ont déjeuné au restaurant du Cercle israélite de Tanger en dégustant des plats issus de la gastronomie juive séfarade et nord-africaine. A commencer par la fameuse dafina, un plat chaud de renommée mondiale chez les juifs. «Comme vous voyez, la dafina est composée de viande de bœuf, de pommes de terre, de pois chiches, d’œufs et de blé», nous indique une serveuse du restaurant. Celui-ci propose des plats kasher (ndlr : viandes et aliments conformes aux prescriptions des rituels du judaïsme, un peu comme le halal en Islam) à la carte ou sur commande. Un peu plus tôt, dans la matinée, les influenceuses conviées par Mimouna ont posé avec une collection de costumes «El Keswa El Kebira» (la grande robe) de Sonia Azagury, avant de poster leurs photos sur les réseaux sociaux auprès de milliers de followers. D’origine espagnole, El Keswa El Kebira est le costume féminin de premier choix lors des mariages et des occasions chez les juifs du nord. «Le but d’inviter des leaders d’opinion sur les réseaux sociaux est de créer du contenu ciblant des dizaines de milliers de followers avec l’idée de valoriser le patrimoine juif et de promouvoir la diversité et l’acceptation de l’autre», déclare Mehdi El Bayad, membre de l’Association Mimouna et jeune cadre d’une multinationale à Casablanca. Peu connu de la jeunesse marocaine d’aujourd’hui, le patrimoine juif est à la fois riche, varié et universel avec des nuances selon les régions et les différents groupes ethniques.
Musulmans et juifs
Mimouna Spirit Day
Au-delà de l’aspect culturel, la préservation de ce patrimoine millénaire peut avoir des retombées économiques en consolidant le tourisme religieux et culturel de la diaspora juive. «Le Maroc est l’une des destinations les plus prisées par les juifs marocains et étrangers quand il s’agit de faire du tourisme religieux ou culturel. A ce jour, nous accueillons près de 40 000 touristes juifs chaque année», confie Youssef, l’un des trois guides touristiques d’expression hébraïque que compte le Royaume. Selon lui, ce tourisme de niche a encore son mot à dire en termes de recettes et surtout de renforcement des liens entre les juifs marocains et leur mère patrie.
Pour rappel, le nombre de juifs marocains résidant à l’étranger dépasse de loin un million. C’est dire qu’il reste beaucoup à faire pour attirer ces MRE dispersés aux quatre coins du globe. Dernière activité de la Mimouna Spirit Day, la visite à la synagogue Moshe Nahon sise à l’ancienne médina de Tanger. Fondée en 1878, celle-ci n’est pas l’unique synagogue de la ville mais la seule qui est toujours en activité. «Il est de plus en plus difficile de maintenir la régularité des activités religieuses du fait du nombre de plus en plus réduit des juifs à Tanger», commente Rachel qui nous fait la visite guidée. Pour elle, malgré ce déclin démographique de la population juive au Maroc, menaçant même son existence, il y aura toujours des juifs au Maroc, peu importe leur effectif, qui est estimé à près de 3000 actuellement.
Musulmans et juifs
Plus de dix ans au service de la sauvegarde du patrimoine juif marocain
Créée en 2007 par un groupe d’étudiants à l’université Al Akhawayn, l’Association Mimouna a parcouru un long chemin pour contribuer à la préservation du patrimoine judéo-marocain et la promotion de la diversité. Dans ce sillage, plus de 100 actions à l’échelle nationale et internationale ont été organisées durant ses douze années d’existence. Conférences et colloques, journées culturelles, université juive marocaine, octroi de bourses d’études aux Etats-Unis, cours d’hébreu, actions intercommunautaires de charité, célébration de fêtes religieuses aussi bien musulmanes que juives…. Ce sont là autant d’actions à l’actif de l’Association Mimouna. Pour financer ses activités, l’ONG peut compter sur de nombreux bailleurs de fonds locaux et internationaux dont des entreprises marocaines dirigées par des hommes d’affaires de la communauté juive marocaine comme le groupe Devico (marque Aicha) ou des associations culturelles et communautaires juives.
Le 21 Septembre 2019
Source web Par la vie eco
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