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La réhabilitation du patrimoine passe par le respect de “la valeur de l’histoire” (l’anthropologue Salima Naji)

La réhabilitation du patrimoine passe par le respect de “la valeur de l’histoire” (l’anthropologue Salima Naji)

Propos recueillis par Omar ACHY

Agadir – L’architecte et anthropologue Salima Naji juge la conservation, la restauration et la numérisation indispensables pour la mise en valeur du patrimoine. Mais, toute œuvre de réhabilitation doit impérativement se faire dans le respect de l’histoire en essayant de garder le plus possible les éléments du passé, s’empresse-t-elle d’ajouter dans un entretien accordé à la MAP.

“Le Maroc a une expertise à apporter car de nombreux spécialistes ont développé une attention particulière aux communautés locales qui sont pleinement impliquées tant dans les fouilles archéologiques que dans les chantiers de restauration participatifs”, indique cette adepte d’une architecture ancrée dans son territoire, résiliente dans le respect de la “valeur d’histoire”, qui participe à une journée d’étude sur “l’histoire et la mémoire d’Agadir Oufella”.

Face aux menaces qui pèsent sur le patrimoine culturel, la question de la meilleure approche pour préserver le patrimoine culturel, le documenter et le valoriser se pose aujourd’hui avec acuité.

Ce sujet a été au cœur d’une conférence sur le thème: “Protéger le passé”, à laquelle Mme Naji, diplômée de l’École d’architecture de Paris-La-Villette et docteur en anthropologie, vient de prendre part, aux côtés d’un parterre d’experts du patrimoine de la région MENA, à l’initiative des Émirats Arabes Unis en partenariat avec le Global Héritage Fund et l’Université d’Oxford.

L’objectif de cette série de rencontres intitulée cette année “De la documentation numérique à la gestion du patrimoine dans la région MENA” n’est pas seulement de décrire les menaces qui pèsent sur le patrimoine culturel de la région, mais aussi, selon elle, d’examiner de nouvelles approches et de nouveaux projets pour la valorisation du patrimoine.

Evoquant le programme de préservation et de mise en valeur des anciennes médinas, lancé cette année par SM le Roi Mohammed VI, Mme Naji, qui est auteure de plusieurs ouvrages de référence sur les architectures vernaculaires du Sud marocain, a salué une “initiative indispensable pour la sauvegarde du patrimoine urbain du Royaume”.

“Il ne faut jamais oublier que le Maroc dispose de quartiers historiques exceptionnels. Aujourd’hui, ils ne subissent plus la même pression démographique qu’il y a une cinquantaine d’années mais plutôt des risques d’abandon et d’effondrement”, a-t-elle indiqué.

A l’adresse de ses confrères architectes, celle qui a mené une multitude de projets de restauration et de consolidation, juge impératif de “faire attention aux solutions de facilité et aux standardisations pouvant mener à la dégradation de ces tissus anciens”.

“Nous devons être très prudents vis-à-vis des restaurations et toujours comprendre que ces cités ont eu des siècles de vécu”, affirme-t-elle car l’acte de restaurer est un exercice sensible extrêmement périlleux et difficile.

Et d’ajouter: “Notre patrimoine est unique, il ne rentre pas dans un logiciel, réducteur par définition. Continuons à faire ce que faisaient nos anciens, on a des traces de réparations extraordinaires entre Almoravides et Almohades, jusqu’aux Alaouites en passant par les Mérinides, etc. Ils n’ont pas effacé, ils ont prolongé, ont réussi à donner des secondes vies, il faut respecter notre histoire et regarder nos modèles hérités du passé, lesquels œuvraient toujours au meilleur coût et aux plus intelligentes mises en œuvres”.

S’agissant de l’apport des nouvelles technologies dans ce domaine, Salima Naji note que la numérisation du patrimoine est, aujourd’hui, “très en vogue”. La documentation passe par la modélisation 3D par drone ou par Lidar (détection par laser).

Elle cite, à ce propos, le travail de Mehdi Benssid qui développe des outils de documentation du patrimoine marocain depuis 2016 pour le web documentaire bioclimaroc.ma, soutenu par l’Académie du Royaume et présenté lors de la COP 22 à Marrakech.

Depuis juillet 2018, il numérise les bâtiments historiques et ensuite les réinsère dans des modèles numériques de terrain, ce qui permet de disposer d’une information d’une très grande précision, et surtout d’images en trois dimensions de grande qualité.

“Cependant, ces outils ne doivent jamais écarter la nécessaire restauration et tout particulièrement les travaux immédiats de consolidation”, tient-elle à affirmer en insistant qu’il ne faudrait pas s’arrêter à la documentation et oublier “les consolidations d’urgence”.

“La modélisation 3D permet aux professionnels d’établir un échéancier des interventions et de consolider immédiatement des parties clés”, ajoute l’architecte.

“Bien souvent cette numérisation ne profite pas aux pays concernés mais à des institutions, musées et universités, étrangères (majoritairement européennes et américaines) qui n’ont aucun contact avec les populations concernées”, déplore-t-elle.

“Or pour faire aimer un patrimoine, il faut passer du temps sur les sites à les documenter et à les restaurer avec les habitants qui en ont été les garants durant des siècles voire des millénaires”, ajoute-t-elle.

“Seule la restauration permet de conserver toutes les pratiques qui sont au cœur du patrimoine immatériel”, souligne cette spécialiste qui plaide pour une large diffusion auprès du public des images issues de la documentation, d’autant plus qu’une majorité de Marocains disposent d’un Smartphone.

Le 19/10/2018

Source web par: map express

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