AVANT LA COP28, SORTIR DES ÉNERGIES FOSSILES DEVIENT UNE GAGEURE (2/3)
Pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris, et rester sous un réchauffement limité à 1,5°C, l'une des réponses les plus attendues est l'engagement de la communauté internationale vers une élimination progressive des énergies fossiles. Alors que les États patinent depuis plusieurs années sur le sujet, une réelle avancée à la COP28, qui s'ouvre le 30 novembre à Dubaï, semble assez illusoire.
"Une réduction progressive du charbon", voilà ce à quoi se sont engagés les 197 parties à la Ccnucc (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques) en trente ans de négociations, sans jamais se prononcer sur le pétrole et le gaz. L'année dernière en Égypte, les discussions n'avaient pas non plus permis d'aller plus loin, restant sur un statu quo. Qu'en sera-t-il de la COP28, qui s'ouvre le 30 novembre prochain à Dubaï, aux Émirats arabes unis ? Cette année encore, le sujet risque de cristalliser les discussions entre les pays très allants, et qui ne disposent généralement pas de réserves fossiles sur leur territoire, et les autres.
Le terme qu’il faudra particulièrement surveiller est celui d’"unabated". Il sert à désigner les combustibles fossiles qui ne sont pas adossés à des systèmes de stockage et captage de CO2 (CCS). Cette technologie, à laquelle s'accrochent les pétroliers, permet en théorie de ne pas émettre de CO2 puisque celui-ci est capté en sortie d'une centrale à charbon ou à gaz, mais elle est encore immature et extrêmement coûteuse. De nombreux États, ainsi que le président de la COP28, défendent mordicus cet adjectif car il permettrait de continuer à produire des énergies fossiles. L'option la plus ambitieuse actuellement sur la table est donc celle d’une sortie progressive des énergies fossiles "unabated".
Les pays riches appelés à aller plus vite
C’est la position que défendra l’Union européenne, bloc censé être le plus ambitieux, mais qui a lui-même dû faire des compromis. La France quant à elle défend un "engagement de sortie de toutes les énergies fossiles sans condition et en priorité du charbon", précise le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher. "Ces technologies (de CCS) sont intéressantes, mais ne peuvent seules prendre en charge l'essentiel des émissions : il faut les réserver (aux secteurs) qu'on ne sait pas décarboner autrement", argumente la ministre de la Transition énergétique.
Reste qu'un accord, y compris avec l'adjectif "unabated", sur une sortie progressive de toutes les énergies fossiles semble encore aujourd'hui hors de portée. Il faut effectivement s’attendre à une charge des pays du Sud qui entendent défendre le principe de "responsabilités communes mais différenciées", selon lequel les pays riches qui sont les plus responsables du changement climatique prennent l'initiative de s'y attaquer.
Le Groupe africain des négociateurs souhaite ainsi que les pays riches cessent tout nouveau projet de production de combustibles fossiles d’ici 2030, tandis que l’Inde les appelle à aller au-delà de la neutralité carbone et à aspirer le carbone de l’atmosphère d’ici 2050. Or, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et la Norvège, n’ont pour l’heure pas fixé de date limite pour la production de combustibles fossiles sur leur territoire.
"Économie de guerre"
En attendant que les États se mettent d'accord, la société civile accentue la pression. 46,3 millions de professionnels de santé ont signé mercredi 1er novembre une lettre adressée au président de la COP28 pour lui demander d'accélérer la suppression des combustibles fossiles "décisive pour la santé de tous".
Mi-septembre, c'est un collectif de 300 scientifiques parmi lesquels Valérie Masson-Delmotte ou encore Jean Jouzel, qui appelait à un traité de non-prolifération des énergies fossiles. Le monde économique se joint à l'initiative. Dans une tribune publiée dans Le Monde le 27 octobre dernier, plus de 300 patrons et cadres dirigeants de tous secteurs exhortent à leur tour le gouvernement français et l’Assemblée nationale à soutenir ce projet de traité de non-prolifération des énergies fossiles.
Celui-ci a déjà été soutenu par 100 Prix Nobel, le Parlement européen, l’OMS (Organisation mondiale de la santé), huit États et 94 entités territoriales dont la Californie. "Aujourd’hui, ces énergies fossiles menacent la paix et la prospérité mondiales, tout autant que la course à l’armement durant la guerre froide. L’ampleur et la rapidité de la réaction nécessaire pour changer de cap requièrent une planification économique digne d’une économie de guerre", écrivent-ils.
Le 01/11/2023
Source web par : novethic
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