Le savoir du jour : Une Histoire d’eau...
Le Maroc étant un pays semi-aride, doté d’une topographie assez accidentée, il connut toujours des problèmes d’adduction d’eau vers les centres urbains.
Les Almohades et plus tard les Merinides, les Saadiens et les Alaouites ont construit des systèmes d’irrigation sophistiqués, comme les aqueducs qui datent de l’époque romaine. Ainsi Salé, Rabat, Ouazzane, Zerhoun, le Souss et d’autres contrées purent être irriguées par gravitation avec ce système.
Un aqueduc est un ouvrage destiné à l'adduction d'eau pour la consommation d'une ville. Le mot aqueduc est un emprunt tardif (XVIe siècle) au latin aquae ductus (aussi aquaeductus), d’aqua (« eau ») et de ductus (dérivé de ducere, « conduire »).
Au Maroc, plusieurs aqueducs furent construits à travers les âges, en voici quelques uns parmi les plus célèbres...
Aqueduc de Salé - Sour el K'ouas :
Situé au nord de la médina, cet ouvrage d'art mérinide de grande importance, a été conçu par le sultan Abou al-Hassan en 1340 J.C, pour alimenter les bâtiments, les jardins, et notamment les médersas et la grande mosquée en eau douce provenant d’Aïn Barka située à quelques kilomètres au nord de la ville.
Porté sur trois grandes voûtes, l’aqueduc atteignait à l’origine une hauteur considérable de quatre mètres. A l’époque alaouite, le sultan Moulay Ismaïl l’a fait restaurer et surélever jusqu'à une hauteur de neuf mètres, afin d’élargir les arcs tout en gardant la proportion. Des graffitis et une inscription ont été identifiés sur des contreforts réalisés sous le règne de Moulay al Moustahdi Billah, fils et successeur de Moulay Ismaïl, par le Caïd de Salé, Abd al-Haq Ben Abd al Aziz Fennich en l’an 1738-1739 J.C. Ce canal d’adduction imposant par son architecture et par ses dimensions, constituait un deuxième mur de défense à la ville de Salé, à ses jardins, et à la route principale reliant Salé-Tanger, qui passe toujours sous l’aqueduc.
L’Aqueduc d’Aïn Ghboula :
Le territoire compris entre la côte atlantique à l’ouest et l’oued Akrach à l’est, regorge de sources d’eaux courantes, parmi lesquelles se distinguent Aïn Ghboula et Aïn Atiq dont l’exploitation est attestée au moins depuis le Moyen Age. Les traces de ces ouvrages d’alimentation en eau potable pour la ville de Rabat sont encore visibles dans plusieurs endroits y compris dans la zone tampon.
L’aqueduc d’Aïn Ghboula est l’œuvre du sultan Abd el Moumen (1130-1163) fondateur de la dynastie des Almohades. C’est une canalisation qui conduit l’eau depuis la source qui se situe à environ 17 km.
L’aqueduc alimentait des réservoirs situés dans la Qasba. Ces derniers desservaient la grande mosquée, le palais, les habitations d’al Mehdiya (ancien nom de la Qasba des Oudaïa) et les troupes qui campaient aux alentours. Pour assurer la sécurité d’alimentation en eau pour la ville, le souverain almohade procéda à l’édification non loin de la source, de la forteresse de Dchira. Celle-ci est ceinte d’une muraille rectangulaire d’environ 280 m de long sur 145 m de large, flanquée de 16 tours.
Il semble que l’aqueduc d’Aïn Ghboula après son édification à l’époque almohade, avait continué d’être utilisé après sa réfection, pour amener l’eau potable à la ville de Rabat. Le tracé de l’aqueduc depuis la source d’Aïn Gheboula jusqu’aux traces repérées par H.Basset dans la rue Bab Chellah en 1922, passe par l’ex parc zoologique à Temara, via l’avenue Abd Rahim Bouabid, l’avenue Mohammed Bel Arbi-el Alaoui, l’angle de l’avenue des nations unies et rue Ibn Hanbal pour atteindre la rue Bab Chellah.
L’Aqueduc d’Aïn Atiq :
L’aqueduc d’Aïn Atiq qui alimentait la ville de Rabat, traversait le territoire entre l’actuelle commune portant le même nom et la capitale sur une distance de 19 km. Il fut fort probablement construit par le sultan alaouite Sidi Mohamed Ben Abdellah (1757-1780). Au début du XXème siècle, cet aqueduc coulait à découvert sur la plus grande partie de son parcours et franchissait l’enceinte extérieure alaouite à côté de Bab al Qbibat. A partir de cet endroit, ou à peu près, la canalisation s’enfermait dans un massif de maçonnerie, surélevé d’environ 2 m50 au dessus du sol. Il en était ainsi jusqu’à quelque 200 mètres avant Bab el–Alou, où il se divisait en plusieurs branches ; les unes desservaient les fontaines, les hammams et les mosquées, tandis que trois conduits particuliers alimentaient la maison du gouverneur de la ville, celle des chorfa d’Ouezzane et Dar Moulay Rachid.
L’Aqueduc d’Oued Ouaar :
Cet ouvrage hydraulique est situé à quelques kilomètres seulement à l’ouest de Taroudant. Il confirme l’exploit des hydrauliciens peut-être Saâdiens. Ici la photographie, illustre la beauté de cet aqueduc, qui porte la fameuse séguia Tafellaguete qui traverse l’agressif oued El-Ouaâr. Son architecture et la hauteur des voûtes ont contribué à le rendre célèbre. Il est unique du son genre dans le Souss. Sa hauteur est acquise par cinq arches dont deux sont tombées depuis la fin des années 1950, époque où il a été découvert par P. Berthier. À plus de 15 m de hauteur, la séguia (Tafellaguete) repose sur des pylônes maçonnés avec de la briques rouge en terre cuite. L’ensemble est soudé par un mortier de chaux, pour former au sommet de ces arcades des voûtes brisées surélevées. On distingue encore en haut, entre les piliers, des restes de troncs d’arganiers utilisés, sans doute en guise de supports. Même si la technique des aqueducs est, peut-être, d’origine romaine, cet ouvrage traduit, incontestablement l’influence de l’architecture orientale.
Cette belle œuvre hydraulique est construite presque entièrement en pierres calcaire, et avec de gros galets, soudés par un mortier de chaux et d’argile. Les dimensions et les formes des voûtes varient selon leur position sur l’oued: les hauteurs vont - respectivement de l’aval de l’aqueduc à son amont - de 3 m à 3,40 m. La largeur de la séguia, quant à elle, dépasse 1,20 m à son entrée de l’aqueduc, puis rétrécie soudainement, juste après la tête de l’aqueduc, en formant un entonnoir qui se vide par une ouverture de 0,80 m sur la continuité de la séguia El-Mehdia, de l’autre côté de l’oued Arghen. cette «séguia-duc» repose sur des voûtes maçonnées en pierre calcaire et en galets récupérés de l’oued. Ce bel ouvrage est sans doute la colonne vertébrale du complexe sucrier des saâdiens de la province du Souss.
Aujourd’hui, ce pont canal est relativement bien conservé, même si une partie de l’ouvrage s’est effondré. L’aqueduc fut sans doute construit au XVIème siècle. Cet ouvrage d’environ 800 mètres est le mieux conservé de la sucrerie. À son départ, il est soudé par la séguia El-Mehdia El-Fougania qui pilote une partie des eaux de la séguia mère El-Mehdia vers la roue du moulin. Plus on s’approche du moulin, et plus l’ouvrage s’élève, pour atteindre à son extrémité une hauteur de 9 m environ, confirmant la puissance de la force motrice. Contrairement aux aqueducs de style romain, sur 800 m l’aqueduc des Ouled-Messâoud constitue une seule masse compacte, sans aucune arche.
Le 09/01/2021
Source web Par : Rachid Boufous