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l\'archeologie et l\'amazighité : Région Guelmim Es Smara

l\'archeologie et l\'amazighité : Région Guelmim Es Smara

Entretien exclusif avec l'archéologue Abdellah Salih :

Les découvertes archéologiques sont des preuves matérielles irréfutables  

M. Salih Abdellah, titulaire d'un Doctorat en Sciences préhistoriques en 1990 (Université de Provence, Aix- Marseille,

France), a assumé plusieurs responsabilités au sein du ministère de la culture. Actuellement, il est chercheur à l'Institut Royal de la Culture Amazighe.

 M. Salih, quelle évaluation faites-vous de la recherche archéologique au Maroc particulièrement et en Afrique du Nord en général ?  

L'évaluation que je peux faire de la recherche archéologique au Maroc et en Afrique du Nord en général, restera toujours relative. Les éléments de réponse dont je dispose concernent surtout le Maroc. Avec les collègues algériens et tunisiens, personnellement, je n'ai plus de contact. En revanche, je peux vous dire que c'est dans notre pays que la relève dans ce domaine est mieux assurée. D'ailleurs, c'est grâce au travail de l'Institut National des Sciences de l'Archéologie et du Patrimoine, qui relève du ministère de la Culture, que le Maroc dispose de chercheurs et d'équipes de recherche performantes et opérationnelles dans les domaines de l'archéologie et du patrimoine.

Actuellement, plus d'une vingtaine de programmes sont établis, quelques uns sont en cours ou en finition et d'autres en projet. Parmi ces programmes on peut compter les projets de recherche nationaux et internationaux. Ces derniers sont menés en coopération avec des pays comme l'Allemagne, l'Espagne, la Grande Bretagne, l'Italie, la Belgique, les USA et la France. Ces programmes couvrent une grande partie du territoire national et intéressent toutes les périodes allant de la Préhistoire à l'époque islamique. Que peut apporter la recherche archéologique à la connaissance de l'histoire du Maroc ? Les sciences de l'archéologie peuvent apporter beaucoup à l'Histoire du Maroc. Il y a des périodes, notamment la pré -et protohistoire ainsi que la période antique dite préislamique, qui ne peuvent pas se passer de l'archéologie. Pour l'Antiquité et même si nous disposons de quelques textes anciens écrits par ce qu'on appelle les auteurs classiques grecs et romains, il est nécessaire, surtout dans le cas de l'Afrique du Nord et du Maroc en particulier, de faire appel à des données archéologiques pour vérifier les dires et écrits de ces auteurs.

Leurs propos et descriptions relatifs à l'Afrique (lire Afrique du Nord) sont, à quelques exceptions, subjectifs voire injurieux. C'est normal puisque ils reflètent le point de vue de l'autre, qui se considère civilisé, dans ses rapports avec le «barbare». En ce qui concerne la préhistoire et la protohistoire, ce sont des périodes archéologiques par excellence.

C'est-à-dire que la reconstitution de l'histoire et du peuplement d'une région donnée ne pourrait se faire qu'à partir des données et informations exhumées du sous sol ou glanées sur le terrain.

 Cette recherche, bénéficiet-elle du soutien et de l'interêt des institutions officielles ?

 Bien sûr, le budget de l'INSAP est alloué par le ministère de la Culture. C'est vrai que ce n'est pas suffisant par rapport à l'envergure de la tâche. Mais, c'est mieux que rien.

L'essentiel c'est que le manque de moyen n'a pas empêché les équipes marocaines de mener à bien leurs travaux. En plus, la plupart des programmes de recherche archéologiques se font en partenariat avec des pays européens qui en assurent une grande partie du financement.

 Quelle place occupe l'amazighité, culture, civilisation et patrimoine, au niveau des fouilles qui sont menées sur le terrain ?  

Ecoutez, je vous réponds sincèrement, les campagnes de fouilles menées sur le terrain se limitent à l'extraction des artefacts et des objets qui vont aider l'archéologue ou l'historien à reconstituer, dans la mesure du possible, l'histoire de la communauté humaine qui y a vécu.

 C'est au niveau de l'interprétation de ces données qu'interviennent parfois des tendances politiques ou idéologiques.

C'est le cas notamment de l'historiographie coloniale qui a longtemps considéré les peuples de l'Afrique du Nord incapables d'un génie créateur quelconque. Mais il est possible de considérer les périodes protohistorique et préislamique comme époques de culture et de civilisation amazighe. Il y avait certainement des influences des civilisations du pourtour méditerranéen : phénicienne, punique, grecque ou romaine. Ce qui est tout a fait normal puisque ce peuple ne vivait pas en vase clos. La période du Moyen âge islamique, par contre, fût l'ouvre des composantes amazighe et arabo-islamique.  

Les conclusions éventuelles, auront-elles un impact sur la recherche au niveau du bassin méditerranéen ? Pourquoi?

 Je vous réponds par l'affirmatif, de par la situation géostratégique du Maroc, nous sommes le point de rencontre de plusieurs apports afro sahariens, orientales et occidentales. Depuis que le Maroc a intégré l'aire des civilisations historiques du bassin méditerranéen, il est devenu acteur dans les cours des événements qu'a connu le monde méditerranéen. Il a aussi contribué, à sa façon, à la culture et civilisation de cette mer, la mère des civilisations. C'est donc tout à fait normal que les conclusions et interprétations des résultas de recherche archéologique auront un impact sur la recherche au niveau du bassin méditerranéen. D'ailleurs, ce n'est pas par hasard, que les programmes de recherche archéologiques qui intéressent la période antique sont menés en coopération avec des pays méditerranéens comme la France, l'Espagne ou l'Italie.

 Qu'on apporté les « sciences exactes » à la recherche archéologique ?

 L'apport des sciences exactes à la recherche archéologique est très important. L'analyse physique ou chimique des matériaux, les datations absolues s'effectuent dans des laboratoires d'analyses et par des scientifiques hautement qualifiés dans des spécialités pointues de la physique et de la chimie.

 Pourquoi avoir privilégié la région Souss-Takna dans vos recherches ? Pourquoi pas le Nord par exemple ?

 Actuellement, il existe plusieurs programmes de recherches qui sont en cours et qui intéressent plusieurs régions du Maroc. Je vous donne quelques exemples : le programme maroco-espagnole dans le Sous-Tekna, le programme maroco-allemand dans le Rif oriental, maroco-anglais à Volubilis, maroco-italien à Tamusida, maroco-français à Banasa… etc., Et je n'ai pas cité d'autres programmes maroco-marocain. Mais, il est difficile de les hiérarchiser par ordre d'importance. Pour moi ils sont tous importants. La région de Sous –Tekna n'est pas privilégiée.

 C'est le seul programme actuellement dans la région. En revanche, le Nord est mieux servi. Vous avez certainement remarqué que la majorité des programmes cités comme exemple concernent le nord du Maroc. Je peux rajouter à la liste d'autres programmes de fouilles et de prospections dans la région de Larache, de Tanger, de Tetouan, d'Al Housseima et de Saidia.

 Existe-t-il des sites de recherche archéologique (fouilles) importants au Maroc?

 La région de Sous-Tekna est riche en sites rupestres qui constituent des documents paléo historiques d'une valeur scientifique et esthétique inestimable. C'est grâce à ces documents, et d'autres bienentendu, qu'on peut reconstituer l'histoire locale. La montagne marocaine en général et l'Anti-Atlas en particulier n'a pas fait l'objet de programmes de recherches systématiques. Il a fallu attendre ces dernières années pour remédier à cette situation. Les gravures rupestres constituent une source historique importante. Elles nous renseignent sur la mobilité des communautés humaines dans la région, mais aussi sur leur mode de vie économico- social.

 Quelle serait la contribution de l'IRCAM dans le domaine de la recherche archéologique?

 L'IRCAM comme institution scientifique nationale est amenée à s'ouvrir sur son environnement universitaire et à participer de façon effective dans la vie culturelle et scientifique de notre pays.

 C'est dans ce sens que l'IRCAM a signé une série de conventions avec des ministères et des institutions de recherche, parmi celles-ci une convention avec le ministère de la Culture. La contribution de l'IRCAM dans le domaine de l'archéologie existe déjà et elle est va se renforcer dans l'avenir. Personnellement je suis à l'origine un chercheur de l'INSAP, actuellement détaché auprès de l'IRCAM. Je fais le pont entre ces deux institutions nationales. Les sites archéologiques sont-ils protégés ?  Ils ne le sont pas tous. Il reste beaucoup à faire. Mais je dois dire que le ministère de tutelle n'a pas les moyens de supporter la charge de la protection et de la mise en valeur des sites tout seul. Je crois que l es collectivités locales et les communes sont appelées à contribuer à la protection des sites. Question : Votre dernier mot.

 Mon dernier mot est en rapport avec votre dernière question. Le sol et les roches du Maroc abritent une mémoire historique millénaire. Afin de pouvoir raconter un jour cette histoire, je lance un appel pour que les marocains mobilisent les énergies et les moyens pour stopper le phénomène de destruction et de pillage systématique que connaissent les sites archéologiques,

notamment les aires rupestres et les monuments funéraires.

Propos recueillis par M. Moukhlis