Tourisme, une évolution en demi-teinte Le classement de l’OMT cache les réalités d’une industrie qui n’arrive pas à retrouver se
Depuis quelques jours, une information, selon laquelle le Maroc est la deuxième destination touristique en Afrique, fait le tour des médias marocains. Selon cette «nouvelle», le Maroc, toujours derrière l’Egypte malgré la crise politique qu’elle traverse, a devancé l’Afrique du Sud en termes de flux touristiques avec près de 9,4 millions de visiteurs en 2012. Selon les chiffres de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), le Royaume a devancé le pays de Mandela, qui, impacté par le retour à la normale après l’embellie du Mondial 2010, s’est adjugé la troisième place avec 9,2 millions. Et depuis l’annonce de ce classement, on ne cesse de crier «victoire». Cela est dénué de tout mérite au vu de l’effort quasi nul déployé et des graves difficultés que connaissent les principaux concurrents du Royaume, en l’occurrence la Tunisie et l’Egypte.
Pourtant, l’année dernière s’est
achevée en demi-teinte pour l’industrie touristique marocaine, avec une légère
hausse des arrivées de touristes étrangers de 0,4 % et une baisse de 1,5 % des
recettes touristiques, selon l’Observatoire marocain du tourisme. Durant cette
même période, les principaux concurrents du Maroc, notamment la Tunisie et l’Egypte, en
pleins troubles politiques, ont pu augmenter leurs recettes touristiques,
respectivement de 30% et 13%.
Ce qui laisse penser qu’une telle information peut constituer «l'arbre qui
cache la forêt » des difficultés et des incertitudes qui planent sur le
deuxième secteur au Maroc en termes de participation au PIB.
En effet, loin des classements flatteurs qui n’ont aucune signification réelle, il faut souligner que, depuis 2010, le tourisme marocain a, pratiquement, fait du surplace. Selon le rapport de Bank Al-Maghrib (BAM), sur la situation économique, monétaire et financière au titre de l'année 2012, «le nombre d'arrivées s'est ainsi élevé à près de 9,37 millions de visiteurs en 2012 contre 9,34 millions en 2011», soit 30.000 visiteurs de plus. Ce qui reste un chiffre insignifiant, si l’on veut parler de développement d’une industrie, voire de la réalisation du fameux objectif fixé dans le cadre de la Vision 2020, à savoir drainer 20 millions de touristes à cet horizon.
Cette impalpable progression des
arrivées a été accompagnée, selon la même source, d’une autre en termes de valeur
ajoutée de l’activité touristique qui n’a pas, pourtant, dépassé les 2,5
%.
Ce qui n’augure rien de bon pour l’avenir du secteur, c’est que «le rythme de
progression des arrivées touristiques a de nouveau ralenti, revenant de 11,4 %
en 2010 à 0,6 % en 2011 puis à 0,4 % en 2012, taux largement inférieur aux
moyennes mondiales et de l'Afrique du Nord », relève le rapport BAM.
Un autre élément qui rend insignifiant ce classement, réside dans la composition des arrivées touristiques, dont les Marocains résidant à l'étranger (MRE) restent une composante essentielle.
En effet, quand on évoque les 11,5 millions de touristes qui se sont rendus en Egypte l'an dernier, on s’aperçoit qu’il s’agit de 11,5 millions de touristes étrangers (14,5 millions en 2010). Ce qui n’est pas le cas au Maroc qui n’a pu drainer que près de 5 millions de touristes étrangers, alors que le reste était composé de 4,4 millions de MRE, selon ledit rapport de BAM.
Par ailleurs, personne ne peut stigmatiser les réalisations ni réfuter que les touristes internationaux sont toujours plus nombreux, mais pourquoi les budgets ne décollent-ils pas ? La rentabilité du secteur hôtelier reste négative, voire ne cesse de se dégrader depuis quelques saisons.
Certains professionnels regrettent le fait que même si le Maroc s’est positionné deuxième destination africaine, il ne parvient pas encore à monétiser cette manne. Pour preuve, ils avancent que l’industrie hôtelière est en nette régression. Des propos qui ont été confirmés par le spécialiste en informations et technologies au Maroc, Inforisk, qui avait expliqué en début d’exercice que cette situation s’est aggravée par la hausse des charges d’intérêts dues à un endettement important. Etant donné que l’endettement sectoriel de l’hôtellerie atteint les 108%, selon la même source, à cause du faible taux de remplissage des hôtels et de l’acharnement de la concurrence.
Malgré l’embellie que connaît le secteur après le Ramadan grâce à la montée du tourisme domestique, cette situation ne semble pas trouver une issue en 2013. Etant donné que les recettes du secteur ont reculé de 3,6% d’une année à l’autre, pour s’établir à 29,8 milliards de dirhams sur les sept premiers mois de l’année en cours et que les professionnels prévoient un taux d’occupation moyen avoisinant ou dépassant de peu les 40%, alors que le secteur table sur un taux d’occupation de 65% pour atteindre le seuil de rentabilité.
Ce phénomène n'est pas spécifiquement régional, mais il est révélateur d'un syndrome bien marocain : chaque année, le Maroc augmente ces chiffres de fréquentation touristique, mais peine à en tirer profit. Ainsi, le Maroc réalise-t-il des recettes touristiques bien inférieures à celles d’une Egypte en pleine crise.
Par sa «politique du tourisme», l'Etat a plombé un secteur qu'il cherchait à protéger. Il l'a précisément tué en le coupant de toute réalité concurrentielle.
Une opportunité à saisir
L’actuelle tutelle se trouve dans l’obligation de saisir les occasions offertes par la mauvaise conjoncture par laquelle passent nos concurrents et ainsi consolider l’acquis sécuritaire et celui de la stabilité politique. A titre d’exemple, les tour-opérateurs français se plaignent de l'Egypte et de la Tunisie ; ils souffrent, en fait, des conséquences de l'instabilité politique dans ces pays. Selon le président du Syndicat français des entreprises du tour-operating (SETO), René-Marc Chikli, en 2011-2012 et en partie en 2013, ils ont enregistré une perte de 120 millions d'euros
Le facteur explicatif de la régression de de 2012 résulte de la baisse des dessertes aériennes de 22% durant la saison d’été 2012 par rapport à 2011. Ce qui a impacté négativement les trésoreries des établissements touristiques. Afin de remédier à cette situation, l’Etat a créé un consortium composé de la CDG et de la SMIT, à travers le Fonds marocain du développement touristique (FMDT), ou encore en prospectant les bailleurs de fonds internationaux, notamment ceux des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Mais les professionnels demandent davantage. Ils réclament le renforcement de l’investissement dans l’aérien, indispensable pour une éventuelle reprise du secteur et l’instauration de mesures incitatives des compagnies aériennes à cibler le low-cost.
Vu cette relation entre le transport aérien, extrêmement sensible en cette conjoncture économique, et le secteur touristique en général, il est temps de chercher des solutions innovantes afin d’améliorer la compétitivité dans un environnement où la concurrence bat son plein.
Vendredi 23 Août 2013
SOURCE WEB Par M. Taleb Libération
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