Tourisme Vision 2020 Propositions Patrick Simon pour un recadrage réaliste
Patrick Simon, qui se définit comme un «petit opérateur économique à Tata, FNT Développement durable du sud du Maroc», est 1er vice-président du CRT (Centre régional du tourisme) de la région de Guelmim -Es Smara. C’est dire qu’il connaît le terrain et les difficultés que vivent les opérateurs. Le constat qu’il fait raconte «le réel douloureux» et les distorsions vécues entre ce qui est dit et ce que les opérateurs vivent en réalité. C’est un véritable cri de cœur d’un homme qui aime passionnément sa région, qui s’y est investi de toute son âme et qui, au-delà du constat, décline des idées qui sont une véritable force de proposition, pour peu qu’elles soient entendues.
Région Tata Photo Cyril Schirmbeck
Il aura fallu que les vacances européennes se conjuguent avec quelques fêtes juives, les vacances scolaires et avec les excès d’une communication sur la crise européenne, les élections en France, ainsi que sur les débats survoltés relatifs à notre communication, pour que d’un coup l’amnésie refasse surface, comme si tout avait été assimilé, digéré. De ce fait il, nous est dit que des plans de sauvegarde et d’accompagnement pour les établissements en difficultés sont envisagés, qu’une nouvelle campagne de communication interne comme internationale sera mise en place, émettant même des plans d’action au niveau national, des contrats programmes touristiques régionaux. Mais tout ceci est annoncé sans que définitions, budgets, gouvernances, effets d’échelle aux plans nationaux comme locaux, régionaux et provinciaux fassent acte d’un état des lieux partagé et assimilé par les différents intéressés, élus comme professionnels, présents et bien sûr à venir, par les partenaires commerciaux.
Et ceci est d’autant plus inquiétant que l’été approche avec le Ramadan dans un contexte de crise internationale qui risque de perdurer et avec en toile de fond une forte concurrence comme l’indiquent les prises de position au niveau des pays de la Méditerranée comme de ceux du Maghreb, Machrek, et de l’Europe du sud, qui eux aussi ont à défendre leurs intérêts d’une économie touristique, saisonnière et résolutoire de la manne de l’économie moderne : les équilibres des balances extérieures, les réserves en devises, qui eux aussi ont à trouver leurs propres solutions pour s’accaparer les «mêmes» parts de marché.
Aucune décision solide résolvant la promotion d’un tourisme interne, en faveur de solutions et de résolutions des facilités des transports internationaux comme internes, ne viennent résoudre les besoins d’une relance immédiate d’un secteur qui doit être déclaré, sinon en crise, du moins en phase de pré- crise pour les deux ou trois années à venir. Elles seront particulièrement difficiles pour tous pays confondus, ayant trait avec la marche de notre tourisme national.
Aucune résolution sur le difficile équilibre entre transport aérien et nécessité de développement national comme régional, ne semble être prise pour la seule fondation ou prémisse aux résolutions de la problématique touristique marocaine ; aucune disposition digne d’un véritable plan d’action de communication interne comme internationale ne pourra résoudre les besoins, en absence de budgets et de prises en considération d’une véritable volonté de communication identitaire.
Les véritables difficultés, en l’état présent, seront de véritablement prendre acte de la réalité des chiffres qui font que s’il est vrai qu’au niveau des IDE (Investissements directs étrangers), le tourisme marocain peut favoriser ses chiffres à l’équilibre, il n’en est pas de même sur la réalité des nuitées «réelles» dans les établissements touristiques qui eux pâtissent de plein fouet une crise. Si elle ne devait être que passagère, peut-être permettrait-elle d’assainir un marché et remettre de l’ordre dans un milieu professionnel qui tarde à vouloir se prendre en charge ?
Cette crise est elle passagère ?
La crise, véritablement durable et qui n’a que trop duré, risque de déstabiliser complètement des outils touristiques appelés à mal vieillir, à faire perdre confiance aux investisseurs locaux comme aux banques pour la fiabilité d’investissements pour un développement intérieur, nécessaire aux équilibres éco sociaux.
De mon avis, elle ne peut l’être, car, en premier lieu, le tourisme marocain est beaucoup trop dépendant des aléas internationaux faute d’avoir résolu l’équilibre souhaitable d’un tourisme intérieur à un taux minimal de 45% minimum des activités touristiques nationales qui lui aurait permis d’assumer les coups de butoirs des mouvances internationales et de s’adapter aux choix des économies américano- européennes et de celles que revendiquent les pays émergents, parce que les véritables problèmes de fond concernant cette industrie touristique marocaine ne sont pas pris en compte. Il suffirait en effet de considérer que le déséquilibre persistera du fait que la Vision 2020 n’est plus du tout adaptée à une situation qui, rappelons-le reste conséquente : celle d’une crise internationale annoncée (depuis 2008), mais non prise en considération, d’un Printemps arabe influençant toute la zone du Maghreb- Machrek et le monde, d’un nouveau gouvernement et d’une nouvelle Constitution bienfaitrice, d’une remise à niveau nationale de gouvernance, mais qui aura à donner du temps au temps pour éviter les dérives ou bugs administratifs irrémédiables dans les besoins de mises à niveau et dans les passations des gouvernances, du niveau national à celui de la région.
Comment éviter les «y-a-qu’à» ?
Nous pensons tout d’abord qu’il serait enfin bon de considérer les problèmes de fond à leurs niveaux réels. À la grande différence comme pour exemple la France, qui n’attribue ses activités touristiques qu’à un secrétariat d’État, nous considérons que pour le Maroc, contrairement à cette démarche, le ministère du Tourisme devrait être considéré comme un «super-ministère» reconsidéré comme tel, pouvant se permettre d’élaborer de réels plans d’aménagements nationaux dans le respect des équilibres régionaux liés à. l’aménagement du territoire par l’ensemble des activités qu’il induit. En effet, il nous semble que pour l’instant le ministère à plus eu comme motivation et mission de résoudre les chiffres des équilibres financiers extérieurs (immobiliers touristiques, grands complexes touristiques aux avantages pour IDE) que de réellement résoudre l’acte touristique comme restant définit par celui de recevoir touristes et voyageurs pour la qualité de l’identité d’un service marocain reconnu comme tel, que de résoudre en amont comme en aval les besoins et nécessités que son propre développement impose. Le tourisme se doit d’être générateur de croissance durable et partagée par les métiers du tourisme ; de ceux qui le servent comme de celle de la nation tout entière.
Pourraient être définis en cela ces trop grands ensembles qui, de par leurs tailles, sont paradoxalement enlevés de toutes définitions touristiques durables puisqu’ils restent trop dépendants : des transports aériens ou maritimes internationaux, des pays pourvoyeurs de touristes et voyageurs, des aménagements régionaux en logistique et en énergies, des aménagements du territoire et environnementaux, des mises à niveau des services et administrations à l’échelle de la région, des animations et services interrégionaux… Pourrait aussi être définie en cela l’absence de schémas directeurs touristiques pour les régions touristiques définies telles que Marrakech, Agadir, Casablanca, Fès, Tanger pour ne pas dire également Ouarzazate, qui sombre par l’oubli de ses véritables problèmes. Ensemble de points que le ministère du Tourisme à lui seul ne domine pas. Pourraient être définies en cela également les volontés économiques touristiques de pures rentabilités en s’axant principalement sur le «All inclusive», enlevant ainsi toutes les définitions de répartition d’économies locales, provinciales, régionales pour tout ce qui concerne l’identité nationale amenant ainsi à une normalisation internationale des moyens et offres mises sur le marché, à l’absence par déséquilibre des moyens à la condamnation d’une répartition touristique régionale.
Des actions géographiquement réparties et intégrées
C’est en cela que la région de Guelmim- Es Smara, se situant dans le lot des régions démunies, mais ambitieuses comme d’autres et dont la seule volonté est de pouvoir s’exprimer dans les volontés nationales de développement durable intégré, a défini comme seule et véritable utilité de développement en priorité l’aménagement du territoire, qui devrait prendre en compte un développement global dans lequel le tourisme ne se définirait que par une enveloppe de 30 à 40%. Cela afin de conserver les équilibres d’intégration, d’une part, et de diversifier les secteurs et besoins d’équilibres territoriaux, d’autre part.
Le Maroc, s’appuyant sur une identité culturelle ancestrale, pourrait ainsi se démarquer de ses voisins en reconsidérant beaucoup plus les intérêts inter- régionaux afin de revivre les grands axes de mutations qui ont fait l’histoire marocaine. Avec son tourisme de niches, équilibré avec les finalités et résolutions régionales des projets du Plan Azur et Vision 2020, Oued Chbika pour cette région, reconsidération d’un projet Plage Blanche, il pourrait ainsi se développer dans le sens des orientations globales et internationales. Le Maroc, avec les richesses de ses régions, gagnerait une légitimité, une durabilité et une prise en compte des besoins des fixations et développements des populations locales et régionales. En respectant ainsi les axes véritables d’échanges constructifs, culturels, touristiques, le Maroc, dès à présent, prendrait les mesures d’une réelle mise en place d’un tourisme durable permettant d’éviter à ce que chaque région cherche à se refaire «désert et tourisme de niches de proximité» pour en arriver, à l’extrême, à de véritables folklorisation et dénaturisation d’une culture ancestrale.
Par ailleurs, et avec la proximité des Canaries au large des Provinces du Sud, il n’y a pas de mal à pouvoir penser récupérer facilement et à moindre coût (communication et infrastructures) quelques millions de touristes européens en mal de grands espaces, d’exotisme et de réels échanges culturels, sportifs, oasiens. À l’inverse, et de manière générale pour le Maroc entier, les risques actuels seraient de ne pas vouloir prendre acte que la seule volonté de résolutions des échanges touristiques par création d’un immobilier touristique serait l’erreur amenant aux dérives reconnues actuellement avec les surprimes et/ou l’analyse à faire sur l’exemple espagnol : une juste mesure reste à redéfinir, à ajuster ! Il en est de même pour proposer le fait qu’il serait possible dans un cadre de relance d’une croissance d’ envisager les grands projets structuraux inter régionaux avec moyens de transports en commun agréés (chemins de fer, transports maritimes côtiers, etc.) définissant les désenclavements humains comme économiques avec mise en valeur de l’ensemble des ressources minières régionales à ce jour inexploitées et ainsi, par une politique territoriale, envisager la réalité d’un réseau marocain d’hôtellerie d’affaires interrégional lié au développement interne marocain. Ce programme s’appliquerait à des aménagements s’étalant sur des régions représentant 60% du territoire. Il aurait ainsi à se faire avec des structures adaptées à la reconnaissance du territoire marocain par la population marocaine et par la mise en place d’une hôtellerie adaptée à la famille marocaine pour tout ce qui est confort, animation et découverte comme il se doit et bien entendu avec une prise en compte d’un effort environnemental pour une bonne fois pour toutes résoudre micas et déchets qui à ce jour restent à la vue de tous.
Envisager cette prise de conscience définirait le fait de prendre acte des difficultés qui se peaufinent pour les métiers du tourisme avec les fermetures d’établissements touristiques et problèmes sociaux qui risquent d’en découler, mais également de résoudre les problèmes éco sociétaux nationaux. Mais il est important également de définir que la prise en compte de ces différents points reste dans l’action touristique d’un pays. En effet, l’architecture, l’hygiène, les déchets, les services de proximité, les formations des agents de transport et des chauffeurs de taxi, d’accompagnateurs régionaux, l’état des véhicules loués et la qualité du service ne sont-ils pas, en eux-mêmes, les éléments fondamentaux de l’image que le touriste ramènera également de son voyage ? Cette analyse ne signifie pas que nous envisageons négativement la situation, bien au contraire, mais traduit seulement le fait de vouloir redire que rien ne sert de faire l’autruche pour ne pas voir les urgences et les réalités en face, sachant que ce qui est valable pour une région s’identifie aux autres, qu’elles soient du Sud ou du Nord. Les situations nationales comme internationales évoluent, l’avenir sera à ceux qui oseront regarder les vérités en face, mais aussi et surtout aux pays et professionnels qui oseront se remettre en cause face à un avenir qui, quoi que l’on puisse en dire, reste beaucoup plus difficile que l’on veut bien le croire, mais aussi beaucoup plus prometteur que jamais il ne l’aura été, pour peu que, cet avenir, on veuille bien le regarder avec calme, recul, lucidité et volonté d’accepter de se remettre en cause.
Publié le : 16 Mai 2012 –
Source : WEB par Farida Moha, LE MATIN