«Le Maroc ne pourra pas atteindre la vision 2020 s’il ne multiplie pas le mix marché.»
Mardi, 19 Juillet 2011 10:08 Entretien réalisé par Fatima-zohra jdily
L’Observateur du Maroc L’un des objectifs de la vision 2020 est de faire émerger 6 nouvelles destinations. Quelles sont-elles?
Kamal Bensouda. Il s’agit de Souss du Sahara atlantique avec comme cœur Agadir et son arrière pays qui est magnifique : Tafraout, Imouzzer, Ida-Outanane. Sans oublier toute la côte vers le sud en allant vers Laâyoune avec Guelmim qui est magnifique et très ensoleillée…. L’autre zone de chalandise, c’est le Maroc méditerranée avec Saïdia, certes, mais aujourd’hui Nador - Marchica va devenir une splendide station balnéaire. Entre les deux il y a Cala Iris qui peut également capter un tourisme méditerranéen extrêmement fort. Il y a également Marrakech atlantique avec bien sûr Marrakech, son arrière pays du Haouz, le Toubkal, mais également Essaouira qui constitue une vraie fenêtre sur la mer et un produit à la fois chic et authentique. Après nous avons le Maroc centre, avec Fès, Meknès Ifrane, qui forment une trilogie très complémentaire et très originale avec leurs propres atouts. Il y a le cap Nord avec Tanger, Tétouan, Chefchaouen, Asilah et Larache qui là aussi constituent une belle grappe possible de tourisme balnéaire mais également culturelle parce que Chefchaouen, Asilah et Larache restent des villes magnifiques pour des excursions ou du tourisme totalement culturel. Il y a aussi le centre Atlantique avec Rabat- Casa qui est un axe purement d’hommes d’affaires. Et puis il y a le grand sud atlantique avec Dakhla. Il faut que les marocains aillent découvrir Dakhla, c’est une ville magnifique avec un arrière pays extrêmement puissant, et puis il ya Ouarzazate Atlas et Vallée qui à elles seules constituent une destination touristique mondiale
Le Maroc vise-t-il de nouveaux marchés avec l’émergence
de telles destinations?
Oui, cela sera nécessaire mais pas obligatoire. Le Maroc a beaucoup travaillé
sur le marché français, qui a constitué à lui seul quasiment plus d’un million
de touristes, mais il ne pourra atteindre la vision 2020 s’il ne multiplie pas
le mix marché et s’il ne le développe pas. Alors les premières expériences
tentées aujourd’hui avec la Russie, les pays de l’Est sont entrain de donner
leurs fruits… Les pays du Moyen-Orient, qui ont des clientèles extrêmement
riches en matière de pouvoir d’achat, peuvent constituer une deuxième zone
d’attaque et de promotion. Et puis sur le marché européen, outre la France,
aujourd’hui l’Angleterre est entrain de monter très vite, il nous à monter très
sérieusement l’Espagne qui est un marché de proximité, et puis également
l’Italie qui est un marché à forte consommation et qui pour le moment ne pèse
pas beaucoup chez nous. Enfin, un dernier point, l’Allemagne aujourd’hui est
une grande énigme, nous aurions dû faire au moins 800.000 ou 900.000 allemands
au Maroc, nous n’en faisons pas plus de 250.000. C’est une vraie contre
performance.
Tout le monde le reconnait. Sur le plan de l’Allemagne il va falloir qu’on trouve les moyens, les prix , le discours, le mot , l’action promotionnelle… pour essayer de ramener plus d’Allemands chez nous, au même titre que le font les Tunisiens, les Algériens ou les Egyptiens
De tels plan et vision nécessitent la mobilisation de 100 milliards de dirhams, comment se ferait l’affectation d’une telle somme ?
D’abord il faut que sur le plan international, des fonds d’investissements puissent s’intéresser au tourisme pour le financer et je pense que ce que traverse aujourd’hui le monde comme crise économique , et comme crise politique, continue à conforter la position du Maroc sur les chéquiers de l’investissement comme un pays sûr. C’est un pays où la confiance est très élevée et aujourd’hui les fonds internationaux qui mettent leur argent au Maroc n’auront jamais à le regretter et ça c’est un point extrêmement important… Combinant avec les fonds d’investissement , il y a également les fonds locaux, que ce soit des fonds montés par l’Etat ou des fonds privés, et puis enfin il y a les investisseurs naturels, c'est-à-dire les chaines hôtelières qui continuent d’accompagner la vision. 100 milliards de dirhams sur la période ne m’effraient pas, ce qui pourrait personnellement peut être ralentir un peu ma pensée, c’est le rythme auquel on va pouvoir déclencher les investissements. Entre 2011 et 2014, nous allons faire un nouveau palier d’investissement, si nous ne le faisons pas entre ces 3 années, il sera difficile de rattraper le retard par la suite.
Qui seraient les bénéficiaires du fonds marocain pour le
développement du tourisme ?
Le fonds est ouvert, à mon avis, à tout formes de financement hôtelier !
Il est clair qu’aujourd’hui le fonds peut accompagner des promoteurs privés,
qui n’ont peut être pas la capacité d’investir 100% d’investissement, donc au
lieu d’être propriétaire de leurs hôtels ils peuvent être actionnaires de leur
hôtel. Au Maroc, la plupart des chaines hôtelières ont développé des modèles où
elles étaient à la tête de leur entreprise, mais évidemment on atteint à un
moment une taille où l’on ne peut plus continuer, cela devient trop gros… Il
faut que les chaines familiales, les chaines marocaines, commencent à
s’habituer à être seulement actionnaires au lieu d’être propriétaires.
Si le plan azur était à refaire dans le cadre de la vision 2020, serait-il exécuter tel qu’il l’a été ?
Difficile d’y répondre franchement. Le plan azur a pris du retard en 2010 pour différentes raisons. Pour simplifier, le modèle qui à été monté est le suivant : on donne des zones urbaines à un promoteur, il fait les aménagements, il fait de l’immobilier, il vend l’immobilier et avec la marge sur l’immobilier il subventionne des terrains hôteliers qu’il essaye de donner à des promoteurs immobiliers. Donc la partie touristique ne pouvait être vraiment déclenchée que lorsque la partie immobilière allait bien…
Il a toujours été dit que le tourisme national tombe
dans l’oubli. Pourquoi à votre avis ?
Je crois qu’on a eu un temps de retard très important sur le plan de la
politique «Biladi»…un pays touristique mondial ne peut franchement l’être que
s’il développe sa propre consommation interne.
Aujourd’hui je pense que la prise de conscience est réelle et que le ministère a développé la politique «Biladi» , des groupes marocains ont commencé à investir , notamment à Ifrane ou à Marrakech dans du tourisme «socialisant» et aujourd’hui il faut qu’on avance beaucoup plus vite pour permettre au marocains, avec leurs familles, de pouvoir prendre un peu de repos dans des endroits à des coûts accessibles.
Le plan «Biladi» a été fort critiqué… A quoi bon adopter des plans sans les suivre et les contrôler ?
Le problème de la planification et de la réalisation est important. Un ministère, un organisme public peut toujours planifier tout ce qu’il veut, mais s’il ne trouve pas en face des investisseurs pour venir mettre de l’argent, il ne peut les obliger à investir. Nous sommes dans une économie libérale et nous ne sommes pas dans une économie communiste. Donc aujourd’hui pour que le plan «Biladi» séduise, il fallait trouver du foncier pas cher, pour construire des centres de vacances et des hôtels pas chers et pour pouvoir les vendre pas cher à des consommateurs nationaux. Donc toute la difficulté de la planification est d’essayer de la compléter ou de la conjuguer à un certain nombre d’avantages pour pousser les investisseurs privés à faire ce type d’investissement.
Ce n’est pas l’Etat qui va investir dans le plan «Biladi»
N’est-il pas judicieux aujourd’hui d’aménager les prix de séjour pour que les nationaux puissent en profiter à leur tour ?
Il ya déjà la fameuse réduction de 25% quand vous passez deux nuits dans un hôtel…
Source : WEB L’Observateur du Maroc