Portrait Jonathan Demme ou la passion du cinéma
«Le Silence des agneaux» et «Philadelphia» ont été sa porte vers un succès mondial des films qui ont fait la notoriété de ce réalisateur. Jonathan Demme n’a pas peur de prendre des risques mixant réalité et fiction. À l’occasion de l’hommage qui lui a été rendu à la 12e édition du FIFM, nous revenons sur la carrière de ce réalisateur, l’une des icônes du 7e art. En 1991, le film culte «Le silence des agneaux» a récolté plusieurs prix, dont celui du meilleur film aux Oscars. Ph. Saouri Lors de la septième journée du FIFM, un hommage a été rendu au réalisateur Jonathan Demme au sein de la salle des ministres au Palais des Congrès. Peu avant, nous sommes allés à la rencontre de ce passionné du cinéma. Charismatique, souriant, chaleureux, accueillant… sont autant d’adjectifs pour qualifier Jonathan Demme. Prodige, il est né en 1944 à Baldwin (Long Island, état de New York), dont la carrière cinématographique a été en grande partie fruit du hasard. «Dans mon adolescence, j’aimais beaucoup lire des fictions et regarder des films. Il faut dire qu’à l’époque j’étais déjà un grand cinéphile», a confié ce dernier en parlant de son amour pour le cinéma. «À 26 ans, je faisais des films, un métier qui ne m’a jamais traversé l’esprit», a-t-il ajouté. Son parcours est un vérita^ble tourbillon d’imprévus, fait de rencontres qui ont à jamais scellé son avenir de réalisateur. «J’ai commencé à écrire des critiques de films qui m’ont permis de décrocher un travail de film publiciste et cela m’a permis d’entrer dans ce domaine», explique le réalisateur. «J’ai par la suite fait la rencontre de Roger Corman qui est une légendaire figure dans ce domaine, un faiseur d’opportunités étant célèbre producteur de films de série B. Il a lu mes articles et m’a proposé d’écrire des scénarios. Ce que j’ai fait et il a beaucoup aimé». Entre 1971 et 1976, Jonathan fait son entrée dans le monde du cinéma en travaillant pour Corman avec lequel il coécrit et produit «Angels hard as they come» ainsi que «The Hot Box». Il passe ensuite à la réalisation avec trois films : «Cinq femmes à abattre», «Mama» et «Colère froide» pour le compte de New World Pictures, le studio de Roger Corman. En 1977, il réalise «Handle with care» pour Paramount Pictures. Consécration internationale La véritable consécration se fera, toutefois, en 1991 avec le film culte «Le silence des agneaux» qui récoltera plusieurs prix dont celui du meilleur film aux oscars et meilleur réalisateur au New York Film Critics Circle, ainsi qu’une pléthore d’autres distinctions. Ce thriller psychologique planté dans un décor profondément glauque a marqué un tournant dans la carrière de Demme. À partir de là, Jonathan Demme entre officiellement et à pas sûrs, dans la cour des grands. «Ce fut un honneur, une reconnaissance à laquelle je ne m’attendais pas. En fait, lorsque le film est sorti, il a été à la tête du box-office la première semaine, puis la deuxième, puis la troisième... Ce film m’a certainement permis d’avoir plus de pouvoir, de contrôle sur les films à venir, les projets que je voulais mener à bout, un impact impressionnant sur ma carrière», a confié Jonathan Demme. Ce dernier a, d’ailleurs, souligné l’apport primordial de l’équipe du film qui a beaucoup contribué au succès du film. «Une belle expérience avec une équipe compétente, nous avions le pressentiment que ce film réussirait au Box-office, mais nous ne nous attendions pas à un tel succès. Jodie Foster avait d’ailleurs dit à propos du silence des agneaux que c’est un film autour d’une femme qui tente désespérément de sauver la vie d’une autre femme… je suis flatté d’en parler encore en 2012», a confié le réalisateur. Fervent défenseur des droits de l’Homme, Jonathan Demme se consacre, ses dernières années, à la réalisation de films documentaires. «J’aime la liberté inhérente au fait de faire des documentaires à petits budgets. Je ne veux pas travailler pour des corporations, je préfère de loin être indépendant et je suis très heureux de travailler comme cela», explique le réalisateur. Ce choix, il le décrit comme «un grand changement dans sa vie. «J’en suis sincèrement très heureux, car j’aime faire des films inspirés de faits et de personnages réels comme Jimmy Carter qui m’a inspiré au point d’en faire un film. C’est un homme passionné par la paix et il a fait de belles choses pour concrétiser ses convictions», a déclaré Jonathan Demme. Pour ce qui est de ces projets à venir, il souligne que le fait de faire des films indépendants lui permet également de vivre, une vie normale : «Je ne suis pas à la recherche de projet, c’est plutôt le contraire», a-t-il confié. Aussi, bien que le réalisateur soit toujours attiré par les fictions, il insiste sur le fait de vouloir rester dans une sphère de films à petits budgets, «un cinéma indépendant», comme il le dit si bien. Ayant plus d’une corde à son arc, Jonathan Demme enchaîne les documentaires et les projets d’écriture : «Actuellement, je travaille sur un scénario, une fiction autour d’un drame familial proche de «Rachel getting married», a-t-il indiqué. Sans oublier sa nouvelle passion pour le documentaire, dont il nous a longuement parlé : «I’m Caroline Parker» est un projet qui s’inspire de l’ouragan Katarina qui a dévasté La Nouvelle-Orléans, j’aurais voulu qu’il soit projeté au FIFM, mais nous n’avons pas encore de version sous-titrée c’est l’histoire d’une femme déterminée à reconstruire sa maison qui a été complètement détruite par l’ouragan ainsi que tout son entourage. Je lui rendais visite deux fois par an pendant cinq ans jusqu’au jour où elle a finalement pu récupérer sa maison c’est une femme extraordinaire dont l’histoire mérite d’être racontée», a-t-il expliqué. Concernant son riche parcours de réalisateur, Jonathan Demme explique, avec un sourire confiant, qu’il n’a absolument pas de regrets, car «cela ne sert à rien d’en avoir (rires). Par contre, j’ai le souhait de réaliser trois autres portraits de personnes victimes de l’ouragan Katarina que j’ai rencontré en Nouvelle-Orléans, mais il est très difficile de trouver des financements pour les documentaires, car leur public est très restreint, mais j’espère que cela se fera un jour, car je sais que ces portraits que j’ai filmés feront de très beaux films, je garde espoir…». Le réalisateur a, par ailleurs, exprimé son agréable surprise quant à la qualité des films marocains projetés lors de cette 12e édition du FIFM. «J’ai aimé le film “Horses of God” du réalisateur Nabil Ayouch que j’ai rencontré, c’est un homme extraordinaire» et aussi le film “Malak” qui m’a beaucoup touché. À mon sens, les films marocains ont un bel avenir devant eux…», a-t-il indiqué. Avec une fidélité sans faille, Jonathan Demme continue d’enrichir le 7e art grâce à son talent indéniable, son flair fascinant, il a marqué toute une génération de cinéphiles et continuera sûrement sur ce chemin… Le documentaire : le nouveau choix de Jonathan Demme… Ces dernières années, le réalisateur s’est penché sur la réalisation de films documentaires. À l’exception de «Rachel se marie» (Rachel is getting married), il se consacre à des films documentaires qu’il aime faire et dont il est fier. Après avoir pas moins de 30 films, Jonathan Demme décide d’explorer ce créneau, s’inspirant de faits et de personnages réels. L’ouragan Katarina, le conflit israélo-palestinien… une façon pour lui d’aller «à la rencontre d’une vérité plus grande, plus authentique», a-t-il indiqué. Certes la fiction et les films à grands budgets sont toujours plus prisés par le grand public du fait qu’il favorise l’évasion vers un monde irréel. Il reste que le documentaire permet de sonder les facettes cachées, parfois invisibles ou méconnues, des réalités et des personnalités qui font ce monde… Repères Filmographie sélective • 1991 : «Silence of the lambs». • 1993 : «Philadelphia». • 2002 : «The thruth about Charlie» • 2003 : Le documentaire «The Agronomist». • 2004 : «The Manchurian Candidate». • 2005 : «Neil Young Heart of gold». • 2007 : Le documentaire «Jimmy Carter, man from plains». • 2008 :«Rachel getting married». • 2009 :«Neil Young trunk show» (documentaire). • 2011 :«I’m Carolyn Parker» (The good, the mad and the beautiful). • 2012 : Les documentaires «Enzo Avitabile music life» • et «Ibsen project». Publié le : 7 Décembre 2012 - Marrakech – SOURCE WEB Par Afaf Sakhi, LE MATIN