Artisans, formations, évaluations
Malgré son importance et son rôle au sein de la société et de la production nationale, le secteur de l'artisanat vit une situation de crise qui menace son existence
L’artisan souffre toujours de cette image archaïque et rétrograde projetée sur son monde de production. La fragilité des entreprises face à la concurrence mondiale, laisse apparaître la nécessité de trouver les voies et les moyens pour rééquilibrer cette situation en leur faveur
Dans cette perspective, l'Etat a engagé une politique volontariste afin de rétablir le secteur en tant que vecteur de développement à la fois économique, humain, technique et artistique. La vision 2015 est une véritable feuille de route qui balise la voie vers la production et une approche volontariste tournée vers la croissance et l’emploi Conscient que le défi de la compétitivité du secteur ne saurait être efficacement relevé sans la formation continue des ressources humaines, l'Etat a mis en œuvre un plan directeur de la formation professionnelle aux métiers d'artisanat. Celle-ci occupe une place importante dans la stratégie de développement du secteur Si la formation continue demeure un élément essentiel afin de relever les défis du développement du secteur, l’évaluation de l'efficacité de ces actions est aujourd'hui plus que jamais une nécessité impérieuse. On ne peut se contenter de "former pour former». Pourtant et c'est souvent le cas, les opérations d'évaluation des actions de formation sont relativement rares. Elles se limitent en général à un "questionnaire de satisfaction" rempli rapidement à la fin de la formation. Ce questionnaire est souvent traité de manière légère plus que systématique et apporte souvent très peu d'informations réellement intéressantes.
Il est donc légitime de se poser les questions suivantes Quelle fonction cherche-t-on à privilégier par la mise en place de la formation continue? Dans quelle logique s’inscrit-on ? Comment s'organise concrètement le système de la formation continue ? En particulier, quelles sont les décisions-- et qui les prend? En ce qui concerne les lieux de formation, l’analyse des besoins, l’évaluation, la réponse aux demandes et aux offres. Est-ce que les acquis de la formation sont appliqués sur le terrain ? Ou encore, est-ce que les acquis de la formation permettent d'atteindre certains résultats sur le terrain?
Enfin, nous sommes convaincus qu'il s'agit là d'un domaine qui mérite de plus amples investigations- quelle est la place du responsable de terrain dans le processus de formation?
L’enquête que nous avons effectuée dans le cadre d’une étude universitaire montre clairement que bien que tout plaide en faveur de la formation continue et de ses bénéfices potentiels, il importe de réunir des éléments plus précis et convaincants à l’appui de cette thèse. Il faut faire en sorte que les mono- artisans perçoivent plus clairement leurs propres besoins de compétences. En outre, les incitations en matière de formation doivent être affinées, afin de lever les obstacles qui les empêchent, d’investir davantage dans la formation.
Pour faire face aux nouvelles exigences du secteur, notamment en matière de renforcement des compétences professionnelles des ressources humaines, et en vue de tirer le secteur vers le haut et le repositionner davantage dans le paysage économique national, nous devons entreprendre une série d’actions structurantes dont l’objectif est de :
• S’inscrire dans une logique d’offre de formation ciblée et porteuse en matière d’insertion professionnelle des artisans.
• Offrir des espaces de formation où tradition et créativité vont cohabiter et où s’élaboreront de nouveaux savoir-faire à travers l’utilisation appropriée des nouvelles technologies et l’apport du design innovant ;
• Favoriser une renaissance d’un artisanat fondée sur des connaissances pratiques, théoriques, artistiques et technologiques, suffisamment formalisées et étroitement liées au secteur
• Dynamiser l’image du secteur et la notoriété du produit artisanal marocain.
Suite à cette étude, nous avons constaté également l’oubli et la marginalisation d’un acteur d’une très grande valeur dans le secteur, à savoir la femme artisane.
Elle représente 35% des artisans de la région. La quasi-totalité d’entre elles travaillent dans leurs foyers, dans l’anonymat total. Il faut donc aller vers cette catégorie et la tirer vers de nouveaux horizons
Nous croyons qu’il faut absolument créer une dynamique sinon des dynamiques de formation à partir des données disponibles en s’appuyant sur la société civile et les entreprises structurées. Le nombre de sessions reste très limité et donc dépourvu de tout sens.
Il faut donc faire passer l’artisanat de la logique de survie à une logique de développement. L’artisan doit devenir par le biais de la formation bien évidemment un acteur de changement au lieu de rester un bon professionnel qui maitrise un savoir-faire. Nous recommandons donc que les thèmes de formation portent essentiellement sur la vie associative, les partenariats et le travail en réseau. L’encouragement de la formation continue passe également par une plus large place faite au dialogue social et par une plus large mobilisation de tous les acteurs.
* Ecole doctorale internationale de tourisme –Marrakech
Source : web LIBERATION Mercredi 18 Août 2010
Par Nour-eddine Nachouane