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Les risques de la communication délocalisée

Les risques de  la communication délocalisée


Les professionnels tirent la sonnette d’alarme  Le tourisme en plein marasme à Tafraout 

«Nous sommes désespérés et à bout de  patience!». Les professionnels du secteur touristique à Tafraout décident de sortir de leur silence pour crier haut leurs vives inquiétudes quant à l’état de marasme dans lequel se trouve le tourisme dans la ville. Après plusieurs années de crise qui allait crescendo, aujourd’hui, ces opérateurs qualifient la situation de catastrophique. «La ville est désertée par les touristes. Le taux de fréquentation, après des décennies d’euphorie et d’une embellie touristique, est au plus bas que toute l’année s’apparente désormais à une longue basse saison», lancent ces opérateurs  non sans un brin de nostalgie à l’égard de cette belle période du passé. En effet, il suffit   de faire une virée dans la cité pour s’en rendre compte in situ.  Le secteur donne l’allure d’un corps qui se morfond dans l’inertie, suite à un coup de frein  infligé à son élan.


Sur les terrasses des restos et dans les nombreux hôtels récemment ouverts, il n’y a pas l’odeur d’un client. Dans les rues de la médina  chez les vendeurs de babouches locales, auprès des coopératives des produits du terroir et les bazaristes du centre-ville, lieux qui grouillaient habituellement de touristes, c’est le  vide total ! C’est dire que toutes les activités liées au   secteur se trouvent en chute libre. Et aux difficultés en tout genre à ramasser à la pelle. Les hôteliers sont  sur la première ligne à payer des pots cassés en raison de grands investissements.  «Cela fait deux mois que nous n’avons pas pu, à cause des difficultés de trésorerie qui s’élèvent à plus d’une dizaine de millions de centimes, payer les salaires d’une vingtaine de nos  employés, ni pouvoir régler nos factures d’électricité ! Dire qu’on n’arrivait plus à couvrir ne serait-ce que les frais indispensables au  fonctionnement  de notre établissement», nous fait savoir le gérant d’un grand hôtel récemment ouvert.  «Avec une occupation tournant au mieux autour d’une dizaine de nuitées par mois tout au long de l’année,  sur près d’une soixantaine de chambres que commercialise l’établissement,  nous risquons de basculer dans la banqueroute. D’autant que nous avons contracté des crédits que nous sommes tenus de rembourser selon un échelonnement très serré», s’alarme-t-il. Auprès des restaurateurs, on est dans le même pétrin. «Nous sommes contraints de réduire notre personnel pour au moins arrêter l’hémorragie des  dépenses quotidiennes et de sauver donc les meubles. Car, il arrive que ça tourne à vide tout au long d’une semaine. Difficile de pouvoir tenir ainsi !».
Chez le gérant d’un resto «low-cost» dans le centre-ville prisé par une certaine catégorie de touristes : «Cela fait longtemps que nous avons vidé et éteint nos réfrigérateurs. Avant, nous proposions à toute heure un menu aux tagines, couscous…de la journée. Maintenant, on ne prépare plus de nourriture que sur commande de la part des rares groupes de touristes de passage», nous explique-t-on. Les bazaristes sont logés à la même enseigne. Leur activité a pris un coup de frein sur les ventes. «Je ne rigole pas; il nous arrive d’attendre 15 jours  à un mois sans avoir encaissé le moindre sou». Beaucoup d’entre eux n’arrivent plus à tirer leur épingle du jeu. «Il y en a parmi mes collègues qui sont endettés jusqu’au cou à cause des cumuls des loyers impayés  durant plusieurs années de leurs magasins et maisons.  Alors que d’autres ont déjà mis la clé sous le paillasson, n’arrivant plus à tenir le coup», nous renseigne le doyen des bazaristes qui gère une boutique près de la place de la poste. Comment peut-on expliquer alors que Tafraout, capitale dans les années 70 jusqu’à 2000 du tourisme rural dans l’arrière-pays d’Agadir, destination connue et reconnue dans tous les guides touristiques, en est arrivée là? Est-ce à cause d’un manque d’infrastructures routières ? N’a-t-elle pas de produits attrayants à commercialiser ou est-ce l’absence de communication et de promotion? Nous avons posé ces questions à l’ensemble des opérateurs et professionnels de la ville. Tous balaient d’un revers de main cet argumentaire.  «Faux ! Les routes menant à Tafraout à partir de Tiznit et Agadir sont désormais bien refaites», se défend-on.
D’autre part,  « notre ville  est bien mentionnée dans tous les guides touristiques (Routard, Michelin, Petit Futé…), et même si elle ne dispose pas d’un site officiel, elle est très présente sur le Web », ajoute-t-on. Il suffit, nous suggère-t-on,  de lancer le mot Tafraout dans le moteur de recherche pour accéder à toutes les informations nécessaires : où dormir, manger et lieux  à visiter, etc. Par ailleurs,  les touristes découvrent  désormais d’autres nouveaux produits offerts par des sites propres  à  l’escalade, le trekking, le parapente, le tourisme culturel et les produits du terroir, de l’artisanat, etc. Ce qui nous permet de faire dans la diversification. Sans oublier dans le même registre, le  «produit oasis», fer de lance de l’attractivité touristique de  Tafraout, qui joue pour la complémentarité de l’offre globale. 
Quid des genres d’hébergement proposés et  capacité litière de la ville? « L’offre en ces termes s’est manifestement améliorée tout dernièrement. Plusieurs hôtels ont ouvert leurs portes dans la ville et à la vallée des Amelnnes où l’hébergement, mode auberge et chez l’habitant, poussent comme des champignons ». Mais pour quoi cela ne joue-t-il pour autant pour le tourisme de la cité après avoir connu par le passé des affluences extraordinaires? Les professionnels avancent d’autres raisons qu’ils jugent responsables de cette récession qui a fini par  prendre pied. Si la  ville, forte de son produit, a acquis une grande notoriété pendant les années de sa gloire touristique lui permettant d’être citée dans tous les  guides et de jouir d’un grand coup de pub à travers le bouche-à-l’oreille dont les échos sont encore de nos jours retentissants, une action stratégique offensive  de communication et de marketing est indispensable. Tafraout ne pouvant  plus « se vendre toute seule ». Cela d’autant plus, dans un contexte où la concurrence d’autres destinations est des plus rudes sur l’échiquier touristique national et régional. Les professionnels incriminent un autre grand handicap, à savoir la dépendance de la destination de la ville d’Agadir. «Il faut que notre ville puisse voler de ses propres ailes et ne plus attendre qu’Agadir nous pourvoie en touristes. Cette dépendance pénalise notre destination», nous lance le gérant d’un hôtel. A chaque fois que la station balnéaire bascule dans le marasme, Tafraout est acculée à lui emboîter le pas. C’est injuste ! Si Agadir peine à se vendre, ce n’est pas une raison pour priver  Tafraout des visiteurs férus de ses atouts ruraux demandés désormais sur le marché des voyages par un important segment de clients. De ce fait, notre destination qui dispose d’un produit varié et alléchant, doit être commercialisée à part, suggèrent en chœur les opérateurs du secteur.


Ce n’est malheureusement pas là, la seule entrave compromettante  pour la cité.  «Le harcèlement des touristes par des nuées de faux guides et rabatteurs à la solde de certains commerces de tapis dans la ville y est aussi pour beaucoup, pour ne pas dire que c’est ce problème qui a porté l’estocade     au secteur », conviennent  nos interlocuteurs. «Ce fléau a énormément desservi notre destination qui a fait qu’elle soit victime de son grand succès du passé. Les  grandes affluences qu’elle accueille sont victimes d’une machine infernale et infatigable de harcèlements, tiraillements sauvages  et arnaques organisés par ces hordes cupides et indomptables de rabatteurs. Tafraout en a pris un coup dur quant à sa réputation de ville tranquille à l’accueil habituellement chaleureux!», regrettent-ils. Avant de conclure: «A quoi faut-il s’attendre alors ? Les mauvaises aventures mal vécues se répandent entre touristes comme une traînée de poudre et ont fini par  «agrémenter» tristement les pages réservées à la ville dans tous les guides touristiques et sur les pages  Web.  Le résultat est là : on délaisse les lieux pour des destinations plus accueillantes», se dépitent les professionnels du secteur. 

 

Repères

-La ville dispose d’une capacité litière qui s’élève à  environ 600  lits.


-Ils sont répartis comme suit :


-116 lits dans un 4* ;


-96 (62 + 34) lits respectivement dans deux  3*;


-20 lits dans un 2*


- 264 lits dans des hôtels non classés


-Le reste est partagé par une dizaine d’auberges rurales et autres structures d’accueil version chez l’habitant.

Ils ont dit Abderrahman Ibarahen Directeur de l’Association de développement touristique du pays  de Tafraout


Stratégie de l’espoir


« La crise du secteur touristique à Tafraout est structurelle. Notre association ambitionne de transposer dans la région le concept de territoire touristique du pays d’accueil. Et ce, après avoir réalisé un diagnostic exhaustif d’où se dégage le plan d’action.  C’est un projet qui tombe à pic et est à même de surmonter  cette situation de marasme dans laquelle plonge la région depuis longtemps. Notre plan s’articule autour de plusieurs axes dont le premier  objectif se décline en termes de positionnement de Tafraout de sorte à en faire une destination à part, proposant au marché un produit qui lui est propre. Puis nous travaillerons aussi sur la mise en place d’une stratégie de promotion et de communication à travers notamment  Internet. Enfin, la mise en valeur de l’offre, par sa structuration et la facilitation de son accessibilité. Bien sûr, l’assainissement de l’environnement touristique de la région des nuisances qui gênent les touristes   pendant leur séjour à Tafraout, est l’une de nos actions prioritaires et urgentes. Je suis convaincu que si nous arrivons à atteindre ces buts, la région retrouvera son glamour touristique d’antan. Il faut toutefois doter  l’association de moyens financiers et humains indispensables pour y aboutir. Enfin, je voudrais tirer l’attention des décideurs sur la nécessité de penser à doter la région d’une liaison aérienne, ne serait–ce qu’une fois par semaine avec la station balnéaire d’Agadir et Marrakech. Cela aidera inéluctablement à désenclaver la région. Surtout lorsqu’on sait que le trajet entre Tafraout et Agadir prend de 3 à 4h de route. C’est fatigant et dissuasif. »

Kacem Rokny Secrétaire général de l’Association commerçant des produits de l’artisanat


 Assainissement « Pour sortir du marasme dans lequel s’empêtre notre cité, on peut élaborer des programmes et plans  de développement touristique des plus pertinents. Sans une action d’assainissement préalable, ils se retourneront sans faute contre la ville ! Imaginez qu’on est arrivé à attirer de grands  flux, tout en maintenant ce fléau. On ne fera qu’en rajouter en empoisonnant le séjour de tout ce beau monde dans la région à cause des pratiques de harcèlement et d’arnaque que leur réservent sans relâche ses hordes de rabatteurs et faux guides qui quadrillent la ville du matin au soir. Et cela ne fera que davantage nuire à  la  vocation  touristique de la ville qui se trouve être déjà malmenée. C’est autant dire, mettre du fard sur la morve, pour prendre un adage  bien de chez nous. Il s’est avéré que cette gangrène sans répit est un facteur principal agissant sur le taux de  retour et se dressant comme un épouvantail décourageant devant nos clients. Pis, ces hors-la-loi quadrillent la ville, imposent leur volonté, en détournant les clients vers les commerces de leurs commanditaires, en faisant fi de la concurrence loyale que respectent pourtant tous les autres professionnels. C’est devenu même une entrave à la dynamique de l’investissement. On voit aujourd’hui comment d’aucuns ont investi des millions de dirhams  dans la construction  de plusieurs hôtels classés, pour qu’enfin, ces hors-la-loi leur  détournent les clients vers d’autres établissements. Idem pour les bazaristes.  D’où ces problèmes financiers dont  pâtissent tous ces professionnels. C’est grave ! On ne comprend pas pourquoi, à   nos plaintes et réclamations à ce sujet,  on préfère se confiner dans le  mutisme et faire la sourde oreille. Il est urgent d’éradiquer ce phénomène nuisible et l’anarchie générée dont certaines parties tirent profit honteusement  sans égard à l’intérêt économique de la ville.  La mise en place d’une brigade touristique pour maintenir l’ordre dans le secteur est une action indispensable préalable à toute volonté de promotion et de développement touristique. C’est la première doléance pressante de tous les opérateurs touristique tafraoutis».

Samedi 12 Février 2011

Source : WEB  PAR   IDRISS OUCHAGOUR   LIBERATION