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De l’immatérialité du patrimoine culturel

De l’immatérialité du patrimoine culturel

Introduction

Le processus de patrimonialisation a gagné, par paliers successifs, comme une onde de choc, différentes facettes de la culture et de la nature qu‘il n‘a eu cesse de transformer en biens de consommation symbolique. Le patrimoine matériel a, tout naturellement, attiré l‘attention depuis bien longtemps par sa visibilité, sa monumentalité et sa beauté. Un mouvement international mené par l‘UNESCO a fait du patrimoine mondial depuis bientôt quatre décennies, le théâtre de quelques réussites et davantage de désillusions. Les enjeux économiques, politiques et juridiques qu‘il ne cesse de susciter témoignent de l‘ingéniosité des initiateurs de la Convention du patrimoine mondial de 1972 mais aussi des dérives, insoupçonnées alors, auxquelles elle n‘a pas manqué de donner lieu.

Un autre versant du patrimoine allait être rattrapé, plus d‘une génération plus tard, par la patrimonialisation unesquienne : le patrimoine culturel immatériel. La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de 2003 a mis fin à un tâtonnement de plusieurs années qui vit se succéder une Recommandation pour la sauvegarde de la Culture traditionnelle et populaire (1989) restée sans effet et un programme de Proclamation de chef-d’oeuvres du patrimoine oral et immatériel de l’humanité (1999) vite contesté (Skounti 2009). Pourquoi tant d‘hésitation ? La réponse se trouve, en partie, dans la complexité de la notion de patrimoine, notamment son versant immatériel. On a vu dans la Convention de 2003 une réponse à celle de 1972, une revanche de l‘immatérialité sur la monumentalité, une réhabilitation de la diversité des cultures face à l‘inégalité de leur inscription sur le territoire, de sa transformation, par humilité ou par manque de moyens techniques conséquents.

La patrimonialisation en tant que processus soulève des questions autrement plus profondes, plus épineuses. La réflexion théorique a déjà produit une littérature abondante tout au long de la décennie écoulée (Smith & Akagawa 2009). Sans aller jusqu‘au désormais célèbre « soudain, le patrimoine culturel était partout » de D. Lowenthal (1996), force est de constater que le désir de mémoire est plus que jamais d‘actualité dans un monde en pleine mutation. Robert S. Peckham considère à juste titre que « la peur de la perte est ce qui donne naissance aux instruments de sanctification et de préservation » (2003). La patrimonialisation est l‘un de ces instruments sur lesquels nous devons nous pencher plus avant pour en comprendre les ressorts. S‘agissant du patrimoine culturel immatériel, la question est bien plus périlleuse. Comment préserver la diversité du patrimoine culturel immatériel d‘une humanité qui perd, de plus en plus, les conditions matérielles de production de cet héritage ? Comment sauvegarder l‘expression immatérielle de cultures dont l‘assise est chaque jour davantage balayée par la globalisation des façons de faire, de penser et d‘agir ? Comment convaincre les détenteurs de ce patrimoine d‘en assurer la transmission alors qu‘ils incitent déjà leur progéniture à regarder ailleurs ?

Comment, dans le cas d‘une place emblématique du processus de patrimonialisation immatérielle comme la place Jamaâ El Fna de Marrakech, nous nous retrouvons désarmés face aux modalités de valorisation des détenteurs du patrimoine culturel immatériel (Skounti & Tebbaa 2006)?

SOURCE WEB PAR ACADEMIA

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