#AMDGJB Comment la science peut-elle contribuer au tourisme de demain ?
Croire en la science c’est croire au progrès avec cette idée que le monde profite des avancées technologiques pour faire face aux enjeux des sociétés contemporaines. Dans cette chronique, nous questionnerons ces notions de science et de technologie pour concevoir le tourisme de demain. Nous reviendrons d’abord sur la figure idéalisée du scientifique avant de présenter les différentes dimensions du tourisme scientifique. Enfin, nous verrons comment le numérique permet aux voyageurs de contribuer aux recherches scientifiques.
Dans la critique régulière du tourisme, on suppose qu’en analysant les motivations des voyageurs, on pourra différencier le bon du mauvais tourisme. Par exemple, le bon tourisme est un tourisme culturel, « un des moyens de lutter contre la « commercialisation » des relations touristiques, propre au tourisme dit « de masse ». (Cousin, 2008). En forçant le trait, et « pour échapper à la mystification touristique, il faudrait donc être anthropologue et voyager « au frais de la princesse » dans le cadre de son travail » (MIT, 2002). Alors, seuls l’érudit et le scientifique semblent excusés de voyager car le faisant loin de la folklorisassions et étant guidés par les mondanités académiques. Dans cette vision exiguë du tourisme, il existe pourtant une part de vérité, soit le développement d’un tourisme scientifique aux apparences durables.
En faisant confiance aux sciences et donc au progrès, le tourisme scientifique propose de mettre en relation les touristes – quelques soit leur profil – avec les recherches scientifiques.
La figure scientifique dans la culture populaire
Le cinéma partage un archétype du chercheur qui en tant que sachant peut apporter ses connaissances pour résoudre des trames de fond complexes. Le plus célèbre reste sans doute le professeur Jones, Alias Indiana Jones. L’archéologue, parcours le monde pour retrouver des trésors disparus et participer à la diffusion de la connaissance. C’est d’ailleurs cette même figure du sachant qui est plébiscitée dans Jurassic Park autour des docteurs Grant et Sattler, paléontologues et paléobotaniste, qui vont pouvoir valider la réalité scientifique du parc d’attraction. Dans une autre mesure, c’est l’aspect singulier et excessif du professeur Brown qui vient apporter sa vision du voyage mais cette fois dans le temps, grâce aux inventions de Retour vers le futur. La figure du scientifique au cinéma se cristallise dans des stéréotypes de personnages qui positionnent leur savoir comme un maillon essentiel de l’aventure.
Les dimensions du tourisme scientifique
Dans la réalité, les voyages des scientifiques n’ont que peu de similitudes avec le cinéma. Cependant, un positionnement tend à se développer : intégrer des considérations scientifiques dans le voyage. Ainsi, le tourisme scientifique représente des activités où chacun participe à la production et à la diffusion de la recherche scientifique (Réseau INST, 2019). La présence d’un tiers issu de la recherche semble indispensable mais les critères de participation aux missions sont accessibles à tous selon l’activité proposée. D’après Mao & Bourlau (2018), quatre dimensions du tourisme scientifique peuvent être présentées :
- Le tourisme d’exploration et d’aventure à dimension scientifique : expéditions alpines pour la conquête de différents sommets ou exploration de forêts à la recherche de biodiversité. Si vous êtes adeptes des reportages, il n’est pas rare de suivre ces aventures avec la figure d’un aventurier accompagné de son équipe de chercheurs pluri-disciplinaires qui remontent des fleuves sauvages sur des pirogues surchargées.
- Le tourisme culturel proche de l’écotourisme (ou tourisme pédagogique) : il apporte des connaissances adaptées aux profils de chacun, initiés ou non, enfants ou adultes. Caractérisé par une forte médiation culturelle, il peut intervenir sur des lieux naturels, culturels ou industriels avec une implication plus ou moins importante des volontaires et des locaux. En associant la recherche à la préservation des environnements, les équipes scientifiques profitent d’une présence de visiteurs pour les sensibiliser aux problématiques écologiques. Les Parc Naturels Régionaux en sont les meilleurs représentants. Profitons-en pour féliciter et souhaiter la bienvenue aux deux nouveaux arrivants : Corbières-Fenouillèdes et Doubs-Horloger.
- Le tourisme de recherche scientifique : il correspond à l’étude sur un terrain de recherche extérieur ou aux rassemblements de recherches types colloques ou séminaires universitaires. Dans la série Friends, le Dr. Ross Geller (paléontologue) profite d’un déplacement lors d’un colloque scientifique à la Barbade pour visiter l’île avec ses amis (du moins l’hôtel).
- L’écovolontariat scientifique : à la différence de l’écotourisme précédemment cité où le touriste reste spectateur, l’écovolontariat implique une action du voyageur. Le volontaire participe aux activités de collecte ou de sensibilisation en fonction des missions et sous la supervision d’un scientifique ou d’un expert. Vous pourrez sauver les tortues au Costa Rica, aider les éléphants blessés par les activités touristiques ou participer à la reforestation des certaines zones abimées par l’activité humaine.
Les technologies pour contribuer au tourisme scientifique
Cependant, il n’est pas obligatoire de rejoindre un projet, une équipe ou de se former pour apporter sa participation à un projet scientifique. Les nouvelles technologies permettent à chacun de participer même timidement à des projets de recherches. Le cas le plus fréquent reste la participation au recensement de la faune et de la flore. Quelques initiatives françaises :
- PlantNet (Floris’Tic) : « Ce travail de recherche est à la frontière de plusieurs domaines (botanique, écologie, informatique, sciences participatives) et vise notamment à contribuer au suivi de la biodiversité végétale à l’échelle mondiale ».
- MObI (Nouvelle-Calédonie du WWF France) : « cette application permet à chacun de localiser et référencer ses observations de mammifères marins faites dans la région océanienne. L’application a été pensée pour que chacun puisse contribuer à en apprendre plus sur ces espèces et donc participer à leur sauvegarde ».
- INPN- Espèces (Muséum national d’Histoire Naturel – Paris) : « partagez vos découvertes avec les experts pour qu’ils déterminent leurs noms grâce à l’application INPN Espèces. Elle vous permet de découvrir, depuis votre mobile, la diversité des espèces présentes autour de vous et de participer à l’inventaire de la biodiversité de votre commune ».
- NaturaList (Ligue pour la Protection des Oiseaux délégation Provence-Alpes-Côte d’Azur). « L’application permet de saisir vos observations naturalistes directement sur le terrain via votre smartphone. Les données bénéficient alors d’une validation par un réseau d’experts. Elles contribuent directement et quotidiennement à la connaissance et la protection de la biodiversité ».
Ces initiatives permettent de répondre à la difficulté principale du chercheur : l’accès aux données de recherche. Par faute de temps sur la destination, le manque d’observation peut réduire la qualité des recherches. Le numérique permet de reléguer ces missions d’observation auprès des touristes qui sont présents sur les territoires.
Pour terminer, inutile d’être Indiana Jones pour participer à l’équilibre des forces du monde. Si nous croyons toujours dans les bienfaits que peuvent apporter les sciences, alors la recherche scientifique pourra compter sur le touriste comme un collaborateur ponctuel mais durable.
Bibliographie
Cousin, S. (2008). L’Unesco et la doctrine du tourisme culturel. Généalogie d’un « bon » tourisme. Civilisations. Revue internationale d’anthropologie et de sciences humaines, (57), 41-56.
Equipe MIT (2002), Tourismes 1. Lieux communs, Paris, Ed. Belin, 320p.
Mao, P., & Bourlon, F. (2011). Le tourisme scientifique : un essai de définition. Téoros: revue de recherche en tourisme, 30(2), 94-104.
Réseau INST (2019), « Qu’est-ce que le tourisme scientifique ? », https://scientific-tourism.org/tourisme-scientifique/?lang=fr
14 septembre 2021
Source web Par : tom.travel