Palmier Essence supérieure du monde vivant
Le palmier, élément de la structure paysagère oasienne, constitue l´ossature même de l´oasis. Il est le fondement de la survie de l´oasis. Le palmier qui peut vivre jusqu´à 120 ans, et donc survivre à trois générations, est considéré par les oasiens "comme l´essence supérieure du monde vivant parce qu´il représente la totalité de la nature en raison de son intérêt économique, social, de son esthétique et de sa symbolique ». C´est une essence destinée au bien-être des hommes tant sur le plan individuel que communautaire. Le palmier, l´eau et le système traditionnel d´irrigation constituent le fil "constructeur" de l´architecture oasienne, participant à l´édification du modèle paysager local.
Il est l´image emblématique la plus significative de la région.
Les oasis sont des agro-écosystèmes complexes et fragiles au sein desquels la palmeraie occupe une place centrale. De son évolution dépend en grande partie la durabilité de ces systèmes. Or, au cours du siècle précédent la population des palmiers dattiers au Maroc a fortement diminué, passant de 15 millions de pieds à 4 millions environ.
La Province de Tata n’a pas échappé à ce déclin puisque en 30 ans on est passé de 1,2 million de palmiers dattiers à près de 870 000. Par ailleurs, on estime que seulement 33% de ces arbres sont réellement productifs.
Des causes multiples
Le déclin des palmeraies a des causes multiples qui interagissent les unes sur les autres. Toutefois, suivant la situation géographique de chaque oasis, leur histoire, leur type de peuplement, leur environnement économique, ces causes peuvent être très différentes.
Il n’en reste pas moins qu’il existe une cause de déclin des palmeraies que l’on retrouve dans la plupart des oasis : c’est la diminution des ressources en eau indispensables à la vie de ces oasis. Cette diminution est la conséquence des sécheresses successives dont il a résulté une baisse des nappes phréatiques à partir desquelles sont alimentées en eau les palmeraies.
C’est ce qui explique que dans la plupart des oasis que l’on trouve des palmeraies sèches, improductives et en voie d’abandon.
Mais les problèmes d’approvisionnement en eau des palmeraies ne sont pas seulement dus aux déficits pluviométriques des zones amont à partir desquelles sont alimentées les oasis. Ils résultent aussi d’un mauvais entretien du dispositif d’alimentation en eau et en particulier des Khettaras,.
Ces canalisations souterraines construites il y a plusieurs siècles, pour drainer l’eau des nappes phréatiques amont (et l’acheminer jusqu'à la palmeraie) sont des dispositifs fragiles qui nécessitent d’être régulièrement entretenus. Faute d’entretien ces khettaras ne sont plus fonctionnelles.
Le déclin des palmeraies peut être dû également à un problème de gestion sociale des droits d’eau déterminant l'attribution de l’eau des khettaras ; droits fixés il y a plusieurs centaines d’années, en fonction du travail investi par chaque famille dans la construction de la khettara. Depuis, les partages successifs entre héritiers ont entraîné un morcellement et une complexité de ces droits qui ont contraint certains agriculteurs à abandonner l’irrigation de leurs parcelles faute de droits d’eau suffisants, ou du fait d’un tour d’eau trop espacé dans le temps qui a conduit un certain nombre d’agriculteurs à creuser des puits individuels pour assurer l’alimentation en eau de leurs parcelles.
D’autres causes liées au milieu bio-physique sont également invoquées pour expliquer le déclin des palmeraies et en particulier l’ensablement et la salinisation des sols.
Les observations et analyses ont montré que l’ensablement était un phénomène relativement localisé, évoluant lentement et dont les exploitants de l'oasis avaient su s'accommoder.
Quant à la salinisation des sols, elle est fréquemment observée dans les oasis où l’aridité est plus forte et les eaux d’irrigation plus chargées en sel. Cette salinisation peut se faire suivant deux voies, la voie saline neutre et la voie alcaline. Si la première peut être corrigée, la seconde est relativement irréversible. Or, il se trouve que dans les oasis de Tata, par exemple, la salinisation se fait essentiellement par la voie saline neutre. Ce que les agriculteurs savent bien lorsqu’ils déclarent « qu’il suffit de bien irriguer, d'apporter du fumier et de bien travailler le sol pour cultiver à nouveau les terres salées ». Autre cause de déclin des palmeraies , le bayoud, maladie cryptogamique qui serait à l’origine de la disparition de plus de 10% des palmiers dattiers du Maroc, en particulier des variétés les plus appréciées des consommateurs (Mehjoul, Deglet Nour). Le champignon à l’origine de cette maladie (fusarium oxysporum) se propage dans le sol et pénètre dans les vaisseaux conducteurs de la sève du palmier entraînant son dessèchement progressif et sa mort. Les spores de ce champignon peuvent être transportées par l’eau, la terre, le fumier, le matériel végétal, les outils. Paradoxalement, ce sont les palmeraies les mieux entretenues qui sont les plus menacées par le bayou. , A l’inverse les palmeraies non irriguées que l’on trouve à la périphérie des oasis, appelées bors, peu affectées par la maladie , là où existent des variétés de qualité telles que Bouffegous, Bouskri, sont moins sensibles au bayoud A part l’introduction de variétés plus ou moins résistantes au bayoud, on ne dispose pas de moyens de traitement efficaces contre la maladie. Les agriculteurs de la région considèrent le bayoud comme une contrainte naturelle avec laquelle il faut vivre. Cela ne les empêche pas de sélectionner des variétés locales et en particulier des Saïrs (variétés issues de noyaux) résistants au bayoud tel que le Saïr Laayalat.
Mis à part le bayoud, il faut également citer la cochenille blanche (Parlatoria blanchardii ) qui altère le métabolisme du palmier entraînant un baisse de la qualité et de la quantité de la production.
Autre parasite qui affecte la production est la pyrale de la datte (Myeloïs ceratoniae ). Les oeufs que ce petit papillon pond dans les dattes se transforment en chenilles qui déprécient considérablement leur qualité et leur valeur marchande.
Chaque région ayant ses particularités, faisant qu’aucune oasis ne ressemble vraiment à une autre, a fait en sorte qu’un nombre de plus en plus important de familles n’ont pu subvenir à leurs besoins avec les seules ressources et revenus de l’oasis. Elles ont dû avoir recours à l’émigration qui s’est accélérée depuis les années 70 et a eu plusieurs conséquences :
- un manque de main d’oeuvre qui explique l’entretien déficient de nombreuses palmeraies et de leur système d’alimentation , notamment les Khettaras.
- la disparition progressive de ceux qui disposent des savoirs et savoir-faire nécessaires à une bonne gestion des palmeraies que ce soit en matière de sélection des pieds ou de pollinisation. - les changements sociaux importants dont le renforcement du rôle des femmes dans des tâches autrefois réservées strictement aux hommes.
- la pénurie de main d’oeuvre et de main d’oeuvre qualifiée a sensiblement modifié les rapports entre propriétaires (souvent absentéistes) et khammes.
Mais toutes ces évolutions et ces causes de déclin des palmeraies signifient-elles que les oasis n'ont pas d'avenir ?
Certainement pas, compte tenu des résultats encourageant obtenus en matière de régénération des palmeraies dégradées.
Un « plan national de restructuration et de développement des palmeraies » a été lancé par le gouvernement pour :
- relancer la production en quantité et qualité et améliorer les revenus des agriculteurs, tout en assurant une meilleure valorisation des dattes.
- replanter des rejets sélectionnés sur des pieds-mères indemnes de toute maladie
.- éclaircir les palmeraies en enlevant les rejets excédentaires de manière à réduire la concurrence intra spécifique et permettre d’améliorer la grosseur et la qualité des dattes.
SOURCE : WEB