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ANALYSE EDUCATION QUELLE RÉFORME AVEC DES PROFS ABSENTS?

ANALYSE   EDUCATION  QUELLE RÉFORME AVEC DES PROFS ABSENTS?

LA QUESTION PAS SUFFISAMMENT PRISE AU SÉRIEUX PAR LA TUTELLE

ARRÊT DES COURS PARTICULIERS ET DES VACATIONS, DU «BRICOLAGE» SELON LES SYNDICATS

FACE À L’INTERDICTION, LES TARIFS DES SÉANCES DE SOUTIEN GRIMPENT

La tutelle compte aussi, dans le cadre de son plan d’action, revoir les critères de sélection des enseignants et le contenu de leur formation. Mais encore faut-il gagner leur totale implication

C’est une évidence, aucune réforme du système d’éducation au Maroc ne marchera sans une implication forte des enseignants. Ces derniers, pour une grande partie, se sont depuis des années démobilisés face à l’école publique. Dévalorisés, démotivés, exerçant dans des conditions difficiles et mal rémunérés, ils ont relégué leur mission éducative au second plan. Ils enregistrent aussi des taux d’absentéisme record dans la région. Selon un rapport de la Banque mondiale (Expenditure Review 2013), 40% des profs du collège et 54% de ceux du lycée ne dispensent pas le nombre d’heures qui leur sont requis. Et d’après le dernier rapport du classement international Timss (2011), 40% des élèves souffrent de l’absentéisme de leurs enseignants, contre une moyenne de 22% dans la région Mena. Le sujet ne semble pas inquiéter le ministère outre mesure. Interpelé sur la question par L’Economiste lors de sa dernière sortie médiatique, le ministre Rachid Benmokhtar n’a accordé que peu de crédit aux chiffres avancés. La question l’a même fait rire…

Le phénomène ne semble pas non plus préoccuper les parents. Ont-ils tout simplement perdu espoir dans l’école publique?

Beaucoup d’enseignants se sont également surinvestis dans les cours particuliers au détriment de leur poste dans le public. Après être monté au créneau en menaçant ceux dispensant des cours particuliers payants de sanctions (voir L’Economiste du 2 février 2015), le ministère de l’Education nationale s’est attaqué aux vacations dans les écoles privées. A travers l’arrêté du 4 février dernier (0001-15), le ministère a mis fin aux autorisations accordées aux professeurs et inspecteurs pédagogiques d’exercer dans le privé. La décision prend effet à partir de la prochaine année scolaire. Les écoles employant déjà des ressources du public bénéficieront néanmoins d’un délai transitoire de 3 ans, qui prendra fin au terme de 2016-2017.

En l’espace de deux mois, la tutelle prend donc deux mesures visant directement le corps enseignant. Elles ne sont pas nouvelles, elles relèvent plutôt du «rappel», puisqu’elles ont déjà été prises par les précédents gouvernements, mais jamais appliquées jusqu’au bout.

Les enseignants, habitués depuis tellement longtemps aux cours particuliers, très lucratifs, vont-ils s’abstenir d’en dispenser comme par magie? «Les cours de soutien payants n’ont pas arrêté, il y en a toujours. Les tarifs ont même augmenté après la circulaire du ministère», relève Abdelilah Dahmane, vice-secrétaire général de la fédération des fonctionnaires de l’Education nationale, affilié à l’UNTM. «Tant que les causes derrière le recours des profs et des parents à ces cours persisteront, le phénomène continuera», pense-t-il. Autrement dit, il faudrait d’abord revoir les rémunérations offertes aux enseignants et améliorer la qualité du système public.

Les syndicats sont quasi unanimes. Pour eux, l’approche du ministère représente plus une «fuite en avant». «Le système ne pourrait fonctionner correctement qu’à travers la revalorisation du rôle de l’enseignant et sa motivation, et non en brandissant des sanctions. Cela ne ferait qu’attiser les tensions», estime Mohamed Oulout, membre du bureau exécutif de la fédération nationale de l’enseignement, relevant de l’UMT. Chose que l’on encore jamais réussi à faire. «Pour le moment, nous faisons que du bricolage, alors que la question de la réforme est beaucoup plus complexe. L’accent devrait être mis sur la formation et la motivation des ressources humaines qui constituent le socle du système», insiste quant à lui Allal Belarbi, SG du syndicat national de l’enseignement affilié à la CDT.  

L’offensive du ministère a tout l’air d’un coup d’épée dans l’eau. D’autant plus qu’il ne dispose que de peu de moyens pour contrôler les enseignants. Pour gagner leur adhésion, il faudra changer de recette.

Les inspecteurs, oubliés?

Ils sont près de 2.000 inspecteurs pédagogiques à travailler au sein de l’Education nationale. Ils sont censés chapeauter 224.390 enseignants (chiffre de 2014-2015). La tâche est, de toute évidence, énorme pour ces encadrants/évaluateurs du corps enseignant.  «Les inspecteurs faisaient du très bon travail mais on les a tués», regrette un ancien responsable du ministère. «Ils ont été exclus de la réflexion sur la réforme. Ils ont ensuite créé un syndicat qui a eu des frictions avec la tutelle. En 2005, beaucoup ont opté pour le départ volontaire, tandis que d’autres ont commencé à donner des cours particuliers», explique-t-il. Aujourd’hui, ils ne sont pratiquement jamais cités dans les projets du ministère.

17 Février 2015

SOURCE WEB Par Ahlam NAZIH L’ECONOMISTE