Polémique «La taxe aérienne est irréversible»
Le Matin : Votre ministère s’est fendu d’un
communiqué où il nie catégoriquement avoir reçu une lettre de l’IATA. Celle-ci
nous a pourtant confirmé vous l’avoir adressée. Qui faut-il croire ?
Lahcen Haddad :
Nous n’avons rien reçu jusqu’à maintenant. Je trouve bizarre que l’IATA envoie
cette lettre à la presse et pas aux véritables destinataires. Je ne sais pas ce
qui se passe réellement, mais ce que je peux vous confirmer, c’est que ni moi,
ni le ministre des Finances,
M. Boussaïd, ni celui du Transport ne l’avons reçue au jour
d’aujourd’hui. L’IATA est une organisation respectable, mais il y a un manque
d’éthique dans cette affaire-là. Le fait d’adresser la lettre à la presse au lieu
des personnes concernées est incompréhensible. Je ne sais pas quel est
l'objectif de l'Association.
Avez-vous eu des concertations avec l’IATA avant
d’instaurer cette taxe, puisque les compagnies aériennes sont quand même
concernées ?
Écoutez, l’instauration ou pas de cette taxe relève de la
souveraineté nationale. L’IATA n’est pas habilitée à juger la politique
publique d’un État. Ce qui la concerne, c’est l’aérien. Par exemple, quand elle
tire à boulets rouges sur notre incapacité à relever le défi de la Vision 2020, en instaurant une telle
taxe, je trouve que c’est un peu maladroit. En plus, ce n’est pas une taxe
destinée aux compagnies aériennes, mais aux passagers. Pourquoi l’IATA se
met-elle à la place des clients ?
Selon l’organisation internationale, il y aura une hausse
de 2,2% du prix du billet, ce qui pourrait affecter l’acte d’achat des clients…
Tout d’abord, les prix des billets n'augmenteront pas de
2,2%. Dans ce type de cas, on parle du coût du voyage. Pour la destination
Maroc, le coût moyen est de 1 000 euros, donc si on ajoute les 9 euros de
la taxe (pour la classe économique, ndlr), c'est très minime, même pas 1% du
coût que le client paiera. Nous avons, avant la proposition de cette taxe,
effectué un benchmark avec d’autres pays comme la France, l’Argentine et la Colombie. Ils ont
déjà instauré cette taxe et l’impact a été très positif. D’ailleurs, la France vient tout juste
d’augmenter sa taxe. Le Maroc n’est pas une destination «cheap», mais une
destination haut de gamme. Celui qui voudra le visiter ne va pas changer d'avis
pour 9 euros !
L’IATA estime que le Maroc va perdre l’équivalent de 1,1
milliard de DH et que 13 000 emplois sont menacés. Que pensez-vous de
ces estimations ? Avez-vous, d’ailleurs, évalué l’impact de cette
taxe ?
Je ne sais pas d’où l’IATA a sorti ces chiffres. Celui
qui leur a donné ces évaluations ne connaît pas l’économie marocaine. Nous
avons étudié l’impact et je peux vous dire que nous allons récolter 400
millions de DH la première année et mobiliser près de 4 milliards à
horizon 2020.
N’êtes-vous pas inquiets de voir des compagnies supprimer
des lignes desservant le Maroc, comme Easyjet ?
Les suppressions de lignes se font chaque année et
partout dans le monde. Si une ligne ne marche pas, on la supprime et on en
ouvre une autre. Ce type de décision n’a rien à voir avec les taxes sur les
billets d’avion. Je peux par ailleurs vous confier que je viens de rencontrer,
le jeudi 16 janvier à Londres, les responsables de la compagnie Ryanair. Nous avons eu des pourparlers
pour développer le tourisme au Maroc à l’avenir et nous sommes très satisfaits
de notre partenariat. J’ai prévu une autre réunion avec les responsables
d’Easyjet et je peux vous dire qu’il n’y a pas de problèmes avec ces deux
compagnies. Nous comptons faire plusieurs annonces prochainement.
Existe-t-il un lobbying pour faire échouer l’instauration
de cette taxe ?
La taxe est irréversible. D’ailleurs, je ne pense pas
qu'il existe un quelconque lobbying. C’est juste des personnes qui s’agitent.
En instaurant cette taxe, l’IATA estime que le
gouvernement viole les politiques de l’Organisation de l'aviation civile
internationale (OACI), puisque le Maroc s’est engagé à ne pas créer des taxes,
sauf si elles sont investies dans les infrastructures.D’abord, ce ne sont pas des lois, mais des
recommandations de l’OACI. Nous ne violons pas nos engagements et nous les
honorons à travers le plan d’investissement aéroportuaire du ministère du
Transport. Nous sommes en train de construire et de réaménager les aéroports de
Béni Mellal, Tan Tan, Guelmim et d’autres sont en cours ou en projet. De même,
l’aéroport Mohammed V est en extension. Au vu de ces investissements colossaux,
je ne vois pas de quoi parle l’IATA.
18 janvier 2014 – SOURCE WEB par Mohamed Amine Hafidi, LE MATIN
Tags : lettre de l’IATA- Lahcen Haddad - ministre des Finances, M. Boussaïd- Vision 2020- Easyjet- Ryanair- Organisation de l'aviation civile
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