L'intelligence artificielle peut conduire l'humanité vers un « nouveau siècle des Lumières », selon Yann LeCun
ChatGPT ? Terminé dans 5 ans… L'intelligence artificielle aujourd'hui ? Nulle ! Mais elle peut conduire l'humanité à un « nouveau siècle des Lumières ». C'est le lauréat du prix ACM Turing, et actuellement directeur de recherche de l'IA chez Meta, Yann LeCun, qui l'affirme. Autant dire que le Français sait de quoi il parle puisque ce visionnaire est considéré comme l'un des pères de l'IA et du deep learning, son domaine de prédilection. Un pionnier qui a foi en la recherche et dénonce « l'obscurantisme » de ceux qui veulent la freiner à des fins mercantiles et peu philanthropiques.
ChatGPT, lancé il y a un an, ne l'impressionne pas car il l'a imaginé avant tout le monde : depuis trente ans, le Français Yann LeCun a tout misé sur le deep learning, l'apprentissage profond, qui entraîne les ordinateurs au lieu de les programmer. Son pari a fait de ce visionnaire une star mondiale de l'intelligence artificielle, un « père de l'IA ». Mais il réfléchit déjà à l'après-demain, bien au-delà de ces populaires générateurs de textes et d'images qui, pour lui, sont déjà dépassés.
En 30 ans, bravant les doutes de beaucoup de ses pairs, ce pionnier a vu son domaine de recherche s'imposer comme le plus novateur du siècle, au cœur de toutes les IA d'aujourd'hui. Modèles de langage, IA génératrices de contenus mais aussi voitures autonomes, reconnaissance faciale, diagnostics prédictifs… autant de technologies qui en découlent.
Avec chatGPT, lancé en novembre 2022, et les autres IA génératives, même le grand public connaît le concept et a compris le potentiel des ordinateurs capables d'apprendre. Consécration suprême, en 2019, le Breton a reçu le prix Turing, l'équivalent du Nobel pour l'informatique.
Formé à l'université Pierre et Marie Curie à Paris, puis professeur à New York, ce sexagénaire jovial, qui réfléchit à grande vitesse, a été recruté par Mark Zuckerberg en personne en 2013, dans les couloirs d'un colloque. Depuis, il dirige le laboratoire de recherche en IA du groupe Meta (Facebook, Instagram).
Le chercheur en intelligence artificielle Yann LeCun a reçu le prix Turing 2018 pour ses travaux sur le deep learning, aux côtés de deux autres lauréats : les Canadiens Yoshua Bengio et Geoffrey Hinton. © Jérémy Barande, École polytechnique Université Paris-Saclay, CC by-sa 2.0
LE CHERCHEUR EN INTELLIGENCE ARTIFICIELLE YANN LECUN A REÇU LE PRIX TURING 2018 POUR SES TRAVAUX SUR LE DEEP LEARNING, AUX CÔTÉS DE DEUX AUTRES LAURÉATS : LES CANADIENS YOSHUA BENGIO ET GEOFFREY HINTON. © JÉRÉMY BARANDE, ÉCOLE POLYTECHNIQUE UNIVERSITÉ PARIS-SACLAY, CC BY-SA 2.0
Sur le chemin des « machines apprenantes »
Marqué à 9 ans par 2001, l'Odyssée de l'espace, le film de Stanley Kubrick sur les dangers d'un ordinateur conscient, il se passionne très tôt pour les premiers ordinateurs personnels. À 21 ans, le débat entre le linguiste américain Noam Chomsky et le psychologue suisse Jean Piaget sur l'inné et l'acquis dans l'intelligence l'oriente sur le chemin des « machines apprenantes ».
Recruté en 1988 par Bell Labs, il tente d'appliquer cette technique émergente à la reconnaissance d'écriture sur les chèques manuscrits. Taux de réussite: 50 %. Bell jette l'éponge. La technologie est jugée complexe et trop gourmande en puissance de calcul. Yann LeCun, lui, persiste. En 2003, avec les chercheurs Geoffrey Hinton et Yoshua Bengio, il fomente ce qu'il appellera une « conspiration des réseaux de neurones », pour relancer l'intérêt de la communauté scientifique, grâce à des conférences. En 2012, leurs efforts paient enfin : Hinton et d'autres scientifiques remportent un concours sur la reconnaissance d'images, avec un programme fondé sur le deep learning.
La masse de données disponibles sur Internet et l'augmentation de la puissance des microprocesseurs vont rendre son rêve possible. « Du jour au lendemain, les gens ont abandonné tout ce qu'ils faisaient pour utiliser ces modèles », s'est souvenu Yann LeCun pour Libération. « Je n'ai jamais vu ça dans la science ».
CHATGPT ? POUR YANN LECUN (À DROITE), C'EST « UNE IMPASSE », UN MODÈLE DE PRÉDICTION STATISTIQUE DONT ON NE SE SERVIRA PLUS DANS 5 ANS. © MIGUEL RIOPA, AFP
Un pionnier optimiste et enthousiaste qui revendique sa différence
Au point de faire un peu peur à certains de ses collègues. En mai 2023, son comparse et colauréat du prix Turing Geoffrey Hinton, 75 ans, a quitté Google en expliquant « regretter » son invention, qui pourrait « être un risque pour l'humanité ». Cet été, un collectif de scientifiques, patrons et experts — dont les grands noms Elon Musk et Sam Altman — a réclamé une pause de six mois dans la recherche en IA qui, selon eux, menace l'existence même de l'humanité.
Ce n'est pas le cas de Yann LeCun, athée rationaliste, qui reste convaincu des bienfaits de l'IA et du progrès en général. « L'idée même de vouloir ralentir la recherche sur l'IA s'apparente à un nouvel obscurantisme », a-t-il déclaré. Les leaders de la tech veulent, selon lui, « semer la peur » pour conserver le monopole et leur business.
Les humains ont du bon sens alors que les machines, non ”
À rebours de l'engouement mondial, il martèle ses réserves envers les IA génératrices. « L'IA d'aujourd'hui et l'apprentissage automatisé sont vraiment nuls. Les humains ont du bon sens alors que les machines, non. Je ne crains pas que l'IA échappe à notre contrôle et conduise à la destruction de l'humanité ».
ChatGPT ? Pour lui, c'est « une impasse », un modèle de prédiction statistique dont on ne se servira plus « dans 5 ans ». Son employeur Meta a pourtant lancé des IA similaires. Mais Yann LeCun garde sa différence. Et y croit dur comme fer. « Avec l'aide de l'IA vont être amplifiées l'intelligence et la créativité de tout un chacun. Cela peut conduire à un nouveau siècle des Lumières ».
Le 02/12/2023
Source web par : futura-sciences
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