Rénovotel n’a pas accroché
Entre 2013 et 2016, neuf établissements ont bénéficié du financement
Un encours d’à peine 79,2 millions de DH contre un objectif initial de 1,3 milliard de DH
Les professionnels pointent les contraintes, les taux d’intérêt, les conditions de garantie…
La part du Rénovotel est plafonnée à 20 millions de DH par établissement d’hébergement touristique toutes opérations confondues. La part de la banque dans le crédit conjoint est éligible à la garantie de la CCG à hauteur de 60%
Le fonds de rénovation des hôtels aura été un flop. Rénovotel 3, dont la convention a été signée en juillet 2012 entre les ministères du Tourisme et des Finances, la Fédération nationale du tourisme (FNT) et la Fédération nationale de l’industrie hôtelière (FNIH), est un dispositif de cofinancement de l’investissement destiné à l’hôtellerie.
Sont donc éligibles les projets de rénovation, de repositionnement du produit, d’amélioration de la qualité… Les investissements visant l’extension des capacités d’accueil sont exclus. La troisième édition privilégie les petites structures. Le fonds est doté de 500 millions de DH. Un budget devant mobiliser 1,3 milliard de DH pour la mise à niveau de 16.000 lits hôteliers.
Le schéma consiste en un financement à taux bonifié à 2% devant être jumelé avec un prêt bancaire classique. Ce n’est donc pas un don. Mais de l’avis des magisrats de la Cour des comptes, les résultats enregistrés sont faibles. Ainsi, entre 2013 et 2016, seuls neuf établissements ont bénéficié du dispositif pour une enveloppe d’environ 35,4 millions de DH et un montant de prêts accordés par les banques de 43,7 millions de DH, soit un encours global de 79,2 millions de DH.
Ce qui représente à peine 5% de l’objet initial de 1,3 milliard de DH. La capacité rénovée s’élève à 1.876 lits, soit 12% de l’objetif de départ. Pour améliorer les dispositifs Rénovotel et Moussanada Syaha, le ministère du Tourisme a lancé une étude pour un coût de 5 millions de DH, «sans pouvoir engager des actions concrètes susceptibles d’activer les mécanismes d’appui aux PME touristiques» alors que la Vision 2020 est déjà entrée dans sa deuxième phase. Aucune amélioration n’a été enregistrée malgré les mesures prises par le ministère du Tourisme.
A quoi est donc dû ce manque de succès? «Le premier obstacle concerne les conditions d’éligibilité. Le dispositif cible théoriquement les petits établissements, dont le taux d’occupation est faible. Mais beaucoup ne sont pas toujours en situation régulière par rapport au fisc ou à la CNSS», explique la Fédération nationale de l’industrie hôtelière. En effet, le fait de ne pas être à jour vis-à-vis des impôts et de la CNSS exclut beaucoup d’établissements, surtout dans des régions défavorisées telles qu’Ouarzazate, Erfoud, Zagora…
Le deuxième facteur à l’origine de l’échec du dispositif concerne les taux d’intérêt appliqués à ce crédit. La quote-part fournie via Rénovotel est assortie d’un taux d’intérêt de 2%. La seconde partie est facturée par la banque à environ 5 à 5,5% auxquels il faut ajouter la TVA. Ce qui renchérit au final le coût du crédit.
Par ailleurs, si l’on effectue une péréquation entre les taux de la partie Rénovotel et le crédit classique bancaire, on arrive à un prêt à environ 4%. Or, certains hôtels «plus solvables que d’autres», multi-bancarisés, peuvent mettre à concurrence leurs banques pour obtenir un crédit à des conditions favorables, mais dans des délais plus courts. En effet, les délais de traitement par les banques sont parfois trop longs.
Mais dès que le dossier est entre les mains de la CCG, la procédure est plus rapide. Le réseau bancaire est un guichet incontournable pour obtenir un prêt Rénovotel. La démarche est identique à une demande de crédit classique qui suppose la présentation de garanties solides.
«Le gouvernement devrait revoir les conditions d’obtention du crédit en supprimant les sûretés personnelles pour les hôtels qui sont déjà opérationnels et qui présentent des garanties largement suffisantes à travers leur fonds de commerce et le bâti», recommande la FNIH.
Les professionnels proposent que les taux appliqués soient exonérés de TVA et que la quotité à taux bonifié soit portée à 75% au lieu de 45% actuellement. La fédération cite l’exemple de certains pays qui proposent le même mécanisme et à taux zéro!
Cercle vicieux
Les hôtels recalés du programme Rénovotel se retrouvent dans un cercle vicieux. Ils sont privés des ressources financières nécessaires à leur rénovation. Par conséquent, ils ne peuvent pas améliorer leur rentabilité pour payer leurs créances fiscales et sociales. Et puisqu’ils ne sont pas rénovés, ils seront déclassés comme beaucoup d’hôtels ayant perdu leurs étoiles. Ce qui impactera évidemment leurs recettes. La Fédération nationale de l’industrie hôtelière propose que les hôtels en difficulté bénéficient quand même du dispositif d’appui touristique à condition de signer un engagement pour s’acquitter de leurs dettes une fois rénovés.
825,24 millions de DH d’investissements depuis 2003
Les chiffres obtenus auprès de la Caisse centrale de garantie (CCG) indiquent qu’au 30 août 2018, douze établissements d’hébergement touristique ont bénéficié du programme de rénovation, soit un investissement global de 292,15 millions de DH, financés à hauteur de 234,84 millions de DH via des crédits conjoints. La part de Rénovotel s’élève à 87,23 millions de DH.
Au total, 35 établissements ont bénéficié du programme depuis son lancement en 2003. Ce qui correspond à investissement global de 825,24 millions de DH et un montant total de crédits de 618,35 millions de DH financés par la CCG et les banques.
Le 31 août 2018
Source web par: L'économiste