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Climat : 2016 bat un record de chaleur, la planète entre en « territoire inconnu »

Climat : 2016 bat un record de chaleur, la planète entre en « territoire inconnu »

Le réchauffement a affecté tous les compartiments du climat, de la hausse du mercure à l’élévation des océans en passant par la chute des surfaces de banquise.

Des femmes rapportent de l’eau au camp de l’ONU à Baidoa, dans le sud-ouest de la Somalie touchée par la famine, le 14 mars.

Toutes les institutions dévolues à l’observation du climat l’ont déjà affirmé, avec leurs propres chiffres, en ordre dispersé ; l’Organisation météorologique mondiale (OMM) le confirme. Selon le dernier bilan climatique annuel établi par l’organisation onusienne, publié mardi 21 mars, l’année 2016 a bien été celle de tous les records.

Le réchauffement en cours a affecté, comme jamais auparavant, tous les compartiments du système climatique – de la hausse du mercure à l’élévation des océans, en passant par la chute des surfaces de banquise.

Les chiffres officiels traditionnellement présentés fin mars par l’OMM sont ceux qui feront autorité : ils proviennent de l’ensemble des données collectées par les principaux laboratoires de climatologie au cours de l’année écoulée.

Indicateur le plus frappant : celui de la température moyenne de la planète. Celle-ci a été supérieure de 1,1 °C à la moyenne de l’époque préindustrielle, battant ainsi le record établi par l’année précédente (1,04 °C).

« Les températures ont été au-dessus de la moyenne 1961-1990 sur la vaste majorité des terres émergées, les seules exceptions significatives ayant été une région d’Amérique du Sud centrée sur le cœur de l’Argentine, et des zones du sud-ouest de l’Australie », note l’OMM dans son rapport.

« Au point où nous sommes »

Dans certaines régions de l’Arctique, la température moyenne annuelle a excédé de plus de 3 °C la moyenne 1961-1990 : c’est le cas le long de la côte de l’Arctique russe, en Alaska ou encore dans le nord-ouest du Canada.

Très loin au nord, au sommet du monde, le nombre de degrés Celsius en excès semble irréel. La température enregistrée tout au long de l’année sur la station météorologique de l’aéroport de Svalbard, dans l’archipel norvégien du Spitzberg, excède de 6,5 °C la moyenne 1961-1990.

« A lire ce rapport, comme de nombreux autres, il est évident que la perspective de stabiliser le réchauffement en dessous de 1,5 °C s’éloigne, déclare le climatologue Michael Mann, directeur du Earth System Science Center de l’université de Pennsylvanie (Etats-Unis). Nous avons déjà réchauffé l’atmosphère de plus de 1 °C, et 0,5 °C de plus pourrait être déjà dans les tuyaux. Au point où nous sommes, nous devons probablement concentrer les efforts sur une stabilisation en dessous de 2 °C. C’est toujours possible et laisser dériver le réchauffement au-delà aura probablement des conséquences catastrophiques et potentiellement irréversibles. »

Des canicules extrêmes ont frappé l’Afrique australe, l’Afrique du Nord et l’Asie. Plus de 42 °C ont été relevés en janvier à Pretoria (Afrique du Sud), 51 °C ont été atteints à Phalodi (Inde) en mai. Le record absolu a été atteint en juillet à Mitribat (Koweit), avec 54 °C – la température la plus élevée jamais enregistrée en Asie. L’Iran et l’Irak ont également vu le mercure atteindre ou dépasser ponctuellement 53 °C. En Afrique de l’Est, des précipitations faibles ont coïncidé avec des températures élevées, précipitant dans l’insécurité alimentaire près de 20 millions de personnes – une situation qui s’est aggravée au cours des premières semaines de l’année 2017.

Déficit de banquise

« Cette augmentation de la température mondiale est cohérente avec les autres changements perceptibles dans le système climatique, a déclaré Petteri Taalas, le secrétaire général de l’OMM. Les températures moyennes de l’océan ont également été les plus élevées jamais relevées, le niveau marin a continué à s’élever et l’étendue de la banquise arctique a été très en deçà de la moyenne pendant la plus grande partie de l’année. »

En novembre 2016, le déficit de banquise au niveau mondial affichait 4 millions de kilomètres carrés, « une anomalie sans précédent pour ce mois de l’année ». Quant aux températures élevées de l’océan, ajoute l’OMM, « elles ont contribué à des épisodes de blanchissement et de mortalité des coraux dans de nombreuses eaux tropicales [comme dans la Grande Barrière de corail], avec des impacts importants sur la chaîne alimentaire marine, les écosystèmes et les pêcheries ».

Tout au long de l’année, le thermomètre terrestre a été tiré vers le haut par un puissant phénomène El Niño, très marqué en début d’année 2016, rappelle l’OMM. Ce phénomène naturel, qui revient en général tous les trois à sept ans, est marqué par un fort réchauffement des eaux de surface du Pacifique. Il fait grimper le mercure mais suscite aussi, dans certaines régions, des événements de précipitations ou des sécheresses extrêmes.

Il a aussi fait monter brusquement le niveau moyen des mers. Celui-ci, note l’OMM, s’est élevé de 1,5 centimètre entre novembre 2014 et février 2016. Cette hausse peut paraître modeste au béotien mais, à s’en tenir au rythme d’élévation du niveau des mers observé depuis vingt-cinq ans, elle représente quatre à cinq années de hausse moyenne en moins de seize mois…

« Les limites de notre connaissance »

Le fort El Niño n’est toutefois pas responsable de tous les phénomènes extrêmes observés. La tendance lourde au réchauffement a pris sa part. Car, El Niño ayant disparu, les températures de 2017 devaient fortement marquer le pas ; mais ce n’est pas ce que les climatologues observent pour l’heure.

Les deux premiers mois de l’année se placent ainsi sur la deuxième marche du podium, immédiatement derrière les deux premiers mois de 2016. En février, et sur le seul territoire des Etats-Unis, 11 743 records de chaleur ont été atteints ou franchis, selon le décompte de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) américaine.

« Même sans un puissant El Niño en 2017, nous voyons des changements remarquables s’opérer partout sur la planète, et qui interrogent les limites de notre connaissance du système climatique, selon David Carlson, directeur du programme mondial de recherche sur le climat de l’OMM. Nous sommes désormais en territoire inconnu. »

Le 21 Mars 2017

SOURCE WEB Par Le Monde

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