Infrastructure ferroviaire «Le cheval de fer» au secours du développement durable
Guillaume JOBIN, président de l’Ecole supérieure de journalisme de Paris. Le Maroc a été désigné meilleur pays en Afrique du Nord en matière de la qualité des infrastructures ferroviaires. Un atout que le royaume met en avant comme l'un des piliers de sa compétitivité et de son développement.
Train de mesure ou mesures de train ?
Le TGV Tanger-Marrakech est en route, son chantier du moins. Le projet a ses amateurs et ses détracteurs et a fait l’objet d’un large débat. L’intérêt que j’y décèle, ce n’est pas tant la capacité de transport entre les plus grandes villes du Maroc que l’obligation qu’il entraîne de repenser les centres-ville et l’inter modularité des moyens de transport. Le seul exemple de Rabat est édifiant, la gare de Rabat-ville du 21e siècle ne peut que revivifier un centre-ville un peu déserté par ses élites, n'était-ce le Musée d’art moderne. Mais la première gare entraine la recomposition de Hay-Riad dont les grandes avenues avaient tendance à se perdre dans l’herbe.
L’Orient-Express, mais sur la côte ouest
Aux côtés du bolide (franco)-marocain, un train de luxe pour touristes de luxe, une sorte de Marrakech Express, comme le chantait le groupe Crosby, Still, Nash & Young, dans les années 1970, est d’un coût limité, peut être totalement privatisé et se fondre dans le paysage des murailles de Rabat, de la médina d’Asilah et des murs de la ville ocre. Un train de luxe, tout en boiseries, personnel en livrée, chef marocain, tapis rouge sur les quais, c’est possible, je l’ai pris avec mon épouse, entre Singapour et Bangkok.
La flèche de l’arc oriental
Dans l’avion qui me ramenait de Douala, au Cameroun, à Casablanca, je suis resté fasciné par le spectacle naturel du désert algérien. Vu de 10.000 mètres d’altitude, un erg parait comme un tas de sable. Une ligne de chemin de fer, puis la frontière marocaine. Le grand Est du Maroc, l’arc oriental, c’est son Far West, une réserve foncière, touristique, écologique préservée, mais qui offre l’énorme avantage d’être à proximité de l’Europe. Un Suisse a pris l’initiative de ressusciter l’ancienne ligne de chemin de fer de Bouarfa, au seul motif touristique. L’expérience, plus couteuse cette fois, permettrait de continuer de désenclaver cette zone. La politique ne pourra rien contre les 4.000 mètres d’altitude de l’Atlas, si ce n’est en les contournant. Je relisais de vieux projets de l’époque pré-protectorale où des illuminés européens à la Jules Verne envisageaient de relier Oran au Niger par une voie de chemin de fer, avant le diesel ! Le profil du terrain entre Agadir et Saïdia est relativement plat, une ligne de train simple qui relierait les deux villes permettrait de donner un peu d’oxygène à cette magnifique région, d’exporter ses produits agricoles, de créer des pôles de fixation de population autour de commerces. L’investissement nécessaire pour la réalisation d’une voie de chemin de fer ne peut être réalisé en dehors d’un cadre touristique, donc hôtelier. Mais d’Agadir qui sera rejointe dans le futur par le TGV depuis Essaouira, en passant par Taroudant, Ouarzazate, Skoura, la région de Merzouga, le Tafilalet, sans citer tous les points d’intérêt jusqu’à la côte. Il peut drainer une population touristique à fort pouvoir d’achat, éprise de désert et de grands espaces et confiante dans la sécurité du Maroc. L’alimentation du réseau envisagé pourrait se faire par l’énergie solaire, étant en plein cœur d’une zone plus ensoleillée que la majeure partie du Maroc, cette fois l’Atlas retrouve son intérêt.
Un train urbain plus qu’un métro
Le tramway a tout son intérêt en «hyperurbain», lorsque les distances entre les stations sont courtes, la fréquence élevée et l’habitat densifié. L’exemple des quatre lignes de Rabat et Casablanca le prouve et personne ne semble vouloir revenir au statut antérieur. En revanche, la conurbation qui va de Skhirat à Kénitra, puis la deuxième de Bouznika à Azemmour, en traçant des projections de développement de l’urbanisation, montrent l’intérêt de reprendre ce qui va être l’ancienne voie de chemin de fer et d’établir une sorte de réseau régional dans les deux villes, avec la construction de gares simples. On n’a pas besoin des palais des années 1930, tous les 2, 3, 5 kilomètres, au service d’une population de travailleurs, entassés aujourd’hui dans des taxis blancs dont on se passerait de l’omniprésence.
Renouer avec le gabarit standard
Fondamentalement, dans mon livre «Lyautey, le Résident», je développe le fait que si le Maréchal a échoué sur quelques points, un de ses succès et un des rares poursuivis par ses successeurs, du moins jusque dans le milieu des années 1930, c’est la réalisation du réseau de chemin de fer marocain et la création de ce qui est incarné aujourd’hui dans l’ONCF. L’Égypte a quasiment perdu son savoir-faire ferroviaire, j’ai voulu aller du Caire à Ismaïlia pour ne serait que voir le charme de cette ville du 19e siècle, au mieux, dans un train sordide, le trajet devait prendre 2 heures, ou trois ou quatre, pour une distance en terrain plat, d’une cinquantaine de kilomètres.
Infrastructure ferroviaire : le Maroc leader en Afrique
En matière de qualité d'infrastructure globale, le dernier rapport du Forum économique mondial 2015-2016 a désigné le Maroc, meilleur pays en Afrique du Nord, troisième en Afrique et sixième dans le monde arabe. Ainsi, le Royaume, classé mondialement à la 55e place, arrive premier en Afrique du Nord, devançant de loin la Tunisie (79e), l'Égypte (100e), l'Algérie (106e), la Libye (113e) et la Mauritanie (123e). En effet, grâce aux investissements actuellement en cours, l’ONCF estime qu’en 2020, le temps de trajet entre Casa et Marrakech sera réduit de près de 40 minutes à environ 3 heures. Le nombre de trains de passagers augmentera de 50% à 36 trains par jour, pour 7,4 millions de passagers transportés par an, contre 4,5 millions en 2014-2015. Il est notable de signaler que le volet «qualité des infrastructures» est l'un des 12 piliers de la compétitivité de chaque pays. Il permet de donner une image complète de la performance économique du pays concerné. Ces douze piliers sont les institutions, la santé, l'enseignement supérieur, l'environnement macroéconomique, l'efficacité du marché des biens, le marché du travail, le marché financier, l'appropriation technologique, la taille du marché, la sophistication des entreprises et l'innovation.
Le 29 Avril 2016
SOURCE WEB Par LE MATIN