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Majid Rchiche, un anticonformiste aux Journées du cinéma à Kénitra

Majid Rchiche, un anticonformiste aux Journées du cinéma à Kénitra

Majid R’chiche est diplômé de l’Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC) à Paris. Il a écrit et mis en scène «Al Borak», «La marche verte», «Ailes brisées» et dernièrement «Mémoire d’argile». Un cinéaste anticonformiste qui s’est fait remarquer aux récentes journées tenues sur le thème «cinéma et droits de la femme», organisées par le Cinéclub de Kénitra. Majid R’chiche, un cinéaste résolument engagé dans son art. Le Matin : Vous êtes l’un des pionniers du septième art marocain. Votre carrière s’étend sur près de cinquante ans, pourtant vous n’avez réalisé que 3 films bien accueillis par le public. Quelles sont les raisons de cette rareté de production filmique ? Majid R’chiche : Mon itinéraire cinématographique est un peu complexe et en dents de scie. J’ai réalisé au début de ma carrière plusieurs courts métrages produits par le Centre cinématographique marocain. À cette époque-là, il n’y avait pas d’aide à la production cinématographique et il était extrêmement difficile d’assurer la continuité. J’ai dû partir en Europe où j’ai fait des études d’anthropologie. Après mon retour au Maroc, j’ai travaillé au CCM en tant que réalisateur et directeur de photos. Une fois encore j’ai été insatisfait et j’ai coupé les amarres. C’est un peu pour ces raisons que je n’ai pas réalisé beaucoup de films. Par la suite, j’avais créé une boîte de production à Casablanca et j’ai réalisé plusieurs spots publicitaires, des documentaires et des films de commande. Ce n’était pas vraiment ma vocation, mais j’ai dû faire ce travail pour gagner ma vie. J’ai une autre fois arrêté ce genre de production et je suis revenu à ma passion première, celle de créer des films. Ceci dit, j’ai réalisé aussi des téléfilms tels que «Saida» pour 2M, «Le choix» et «Nafeh Al Atssa». On constate dans vos films que vous accordez beaucoup d’importance aux questions sociales, notamment aux thèmes liés aux enfants et aux femmes ? Comme je suis cinéaste, je suis interpellé par les grandes questions qui intéressent mon pays et j’essaie, à ma manière, d’exprimer par l’image mes idées et mes émotions, sans oublier tout ce qui m’entoure, y compris mon environnement social. En effet, j’accorde dans mes longs métrages une grande importance aux rapports humains : rapports hommes-femmes, rapports parents-enfants, rapports société-individus… J’essaie d’abord de comprendre la nature de ces liens et ensuite de partager avec le public mes préoccupations en rapport avec ces sujets à caractère humain et social. Pensez-vous que le réalisateur a un message à transmettre, ou plutôt doit-il privilégier en premier lieu la dimension artistique ? Personnellement, je ne suis pas de ceux qui prétendent être investis d’une mission et s’érigent en donneurs de leçons. Ma démarche est avant tout d’essayer de comprendre et je suis en quête perpétuelle de vérités. Mon souci majeur est de créer avec l’autre un dialogue et d’essayer de dépasser le cadre local, surtout que l’art n’a pas de frontières. Je m’inspire de la réalité locale tout en m’ouvrant sur l’universel. Aller vers l’autre, c’est aller vers l’humain. Vous n’hésitez pas à traiter d’une manière audacieuse des sujets qui peuvent être considérés par certains comme tabous, tels que l’exclusion ou les différentes formes d’exploitation des enfants et des femmes. Pensez-vous que le cinéma contribue à l’évolution des mentalités ? L’art par définition est audacieux. C’est aller au-delà du visible et des apparences et exprimer d’une manière artistique ce que les autres ne peuvent pas ou n’osent pas dire. C’est aussi un questionnement sur les choses. C’est un aller-retour entre l’être et le paraître. On assiste ces derniers temps à l’émergence de voix qui parlent de «l’art propre ou sain». Selon vous ce genre de discours peut-il constituer une menace pour la liberté de création ou s’agit-il tout simplement d’une formule visant à améliorer le niveau culturel et artistique ? Personnellement, je ne sais pas ce qu’ils entendent vraiment par «art propre». L’art, à mon avis, c’est la liberté, c’est la créativité. Il doit être à l’abri et au-dessus des qualificatifs. La créativité c’est aussi ouvrir et découvrir des champs qu’on n’a pas l’habitude d’explorer. Malheureusement, il y a un discours qui parfois ne sert pas la culture en général et l’art en particulier et qui les parasite. Je trouve que c’est prétentieux d’associer l’adjectif «propre» à l’art. Le cinéma marocain a connu ces dernières années une nette amélioration du point de vue quantitatif. Qu’en est-il du qualitatif ? J’appartiens à une génération qui a commencé à faire des films avec les moyens de bord. Après il y a eu la création du fonds de soutien dont les ressources financières ont été renforcées au fils des années. Aujourd’hui, ce fonds permet à des cinéastes jeunes ou moins jeunes d’avoir des moyens pour réaliser leurs films. C’est un pas très important qui a permis de passer d’un ou de deux courts métrages par an à quinze ou même vingt annuellement. En ce qui concerne la valeur esthétique et artistique des films, c’est normal qu’il y ait certains réalisateurs qui se détachent et qui se distinguent. Plusieurs d’entre eux ont été primés dans des festivals nationaux et internationaux. Donner la possibilité à tous les réalisateurs pour s’exprimer ne peut que contribuer au développement du cinéma marocain. Le Groupement des auteurs-réalisateurs-producteurs a été créé en 2000. Vous êtes l’un des membres fondateurs de cet organisme. En cette qualité, quels sont les problèmes auxquels se heurtent les différents intervenants dans la production filmique ? Au début, il n’y avait que la chambre des producteurs et on a senti qu’il fallait créer un cadre où tous les efforts peuvent être conjugués. Parmi les points soulevés par le Groupement des auteurs-réalisateurs-producteurs, la défense du statut du réalisateur, la protection des droits d’auteur, la participation à l’élaboration des lois, la lutte contre le piratage, la fermeture intempestive et quasi générale des salles de cinéma... Quant aux producteurs, ils disposaient déjà de leur chambre, mais au bout du chemin, on est ensemble dans le même combat. Le cinéma nous rapproche et nous unit. L’essentiel est que chaque composante se consacre à la défense d’un domaine bien précis. Quel est votre prochain projet cinématographique ? Je travaille actuellement sur un nouveau scénario de long métrage. Maintenant, je viens de finir «Mémoire d’argile», qui n’est pas encore sorti en salles. J’ai choisi de projeter ce film à Kénitra en primeur, avant l’avant-première à Casablanca. Kénitra est la cité où je suis né et où j’ai grandi. J’ai des rapports très privilégiés avec cette ville et je ne pouvais pas refuser l’invitation du Cinéclub de Kénitra. Publié le : 21 Mars 2012 – SOURCE WEB Par Driss Lyakoubi, LE MATIN