Nabil Ayouch Ces prostituées ne deviennent qu’un portefeuille pour leurs familles
Avec Much loved, qui vient d’être sélectionné par la Quinzaine des réalisateurs de Cannes, Nabil Ayouch marque son retour et se livre à Médias 24. Le film retrace le parcours extrêmement réaliste de 4 prostituées à Marrakech, qui sera sans doute much loved par le grand public. « Much loved » retrace le parcours de quatre prostituées vivant en colocation à Marrakech. Pourquoi traiter ce sujet ? Et pourquoi maintenant ? Ce film s’est fait grâce à des rencontres avec ces femmes qui m’ont touchées par leurs histoires, par ce qu’elles véhiculaient, par leur courage aussi, et j’ai eu envie de parler d’elles à travers un film extrêmement réaliste, sans concession et empreint d’une certaine réalité. Ce film est « Much loved ». Vous avez rencontré plusieurs prostituées. Qu’est-ce qui vous a le plus touché, le plus marqué lors de vos échanges avec ces femmes ? Quand elles me parlent de l’humiliation qu’elles subissent, j’ai mal pour elles. Mais je crois que ce qui m’a le plus blessé, voire bouleversé, c’est quand elles me parlent de leurs rapports avec leurs familles. C’est quand elles me disent qu’elles sont terriblement en manque de ce lien affectif. Elles en arrivent finalement à la conclusion qu’elles ne deviennent plus qu’un portefeuille ou une carte de crédit pour leurs familles et qu’elles ne soient plus en droit d’attendre cet amour dont elles ont besoin. Ça fait mal ! Noha, Randa, Soukaina et Hlima sont les quatre prostituées du film jouées par des actrices qui font leurs premiers pas dans le cinéma. Pourquoi misez-vous toujours sur des amateurs ? D’abord, il n y a pas que des acteurs et des actrices non-professionnels dans le film. Il y a Abdellah Didane et Amine Ennaji. Ensuite, parce que je trouve que parler avec vérité et naturel sont des choix artistiques parfois radicaux que j’ai pu faire dans « Ali Zaoua » ou les « Chevaux de Dieu » par le passé, et que j’ai fait aussi dans « Much loved ». C’est la radicalité des choix qui me permet de m’approcher le plus possible de mon intention de départ qui est le réalisme après lequel je cours tant, car c’est lui qui m’interpelle le plus. J’ai envie d’aller chercher ce réalisme dans la vraie vie. Je n’ai pas envie de passer des mois à répéter avec un comédien qui ne connaît pas du tout ce milieu et avec qui je sais que je n’arriverai pas au résultat final. Des grands noms du 7ème art ont été sélectionnés à la Quinzaine de Cannes par le passé. Quels sont les critères selon vous qui permettent à un film d’être retenu dans cette catégorie ? Ce que je sais, c’est que c’est un cinéma exigent. C’est une section extrêmement cinéphilique qui a révélé beaucoup de réalisateurs qui vient en complément à une sélection officielle plus « mainstream ». La Quinzaine des réalisateurs a la réputation d’être un peu plus frondeuse, d’être capable d’aller sur des terrains sur lesquels la catégorie officielle va moins facilement. C’est peut-être la marque de fabrique de la Quinzaine des réalisateurs. C’est assez difficile de se mettre dans la tête des sélectionneurs et de savoir pourquoi ils prennent un film ou pas. Ce qui compte pour moi, c’est d’être sur place et de pouvoir représenter le Maroc dignement. Vous avez présenté le projet deux fois au fonds d’aide du Centre cinématographique marocain, mais sans succès. Pourquoi ? C’est toujours très difficile de savoir pourquoi votre scénario est rejeté par le fonds d’aide parce que les critères sont très subjectifs. Je pense que le sujet y est pour quelque chose, mais je ne peux pas non plus être catégorique là-dessus. Ce que je sais, c’est que ces deux rejets auraient pu m’abattre, mais au contraire, ils m’ont donné de la force et de l’énergie et m’ont amené à me poser les bonnes questions, celles de savoir si j’ai vraiment envie de faire ce film même sans financement. Et la réponse était évidemment, oui ! Oui par un vrai désir de cinéma, un vrai projet artistique, et aussi pour ces filles que j’avais rencontré depuis un an et demi. J’avais envie d’aller au bout. J’ai donc essayé de trouver les ressources ailleurs. Cette sélection de Cannes est une récompense pour tous ces gens qui ont cru en ce projet malgré ses peu de moyens. 27 Avril 2015 SOURCE WEB Par Médias24 Tags : Much loved, de Nabil Ayouch vient d’être sélectionné par la Quinzaine des réalisateurs de Cannes-« Much loved » retrace le parcours de quatre prostituées -elles me parlent de l’humiliation qu’elles subissent- rapports avec leurs familles- J’ai envie d’aller chercher ce réalisme dans la vraie vie- me poser les bonnes questions, celles de savoir si j’ai vraiment envie de faire ce film même sans financement-