Faute de voyageurs, l’aéroport fantôme de Berlin attire les touristes
Plus d’un million de personnes ont visité le site depuis 2007
Objet de consternation et de moqueries en Allemagne, le futur aéroport international de Berlin attend toujours ses premiers voyageurs. Mais ce bâtiment fantôme, dont la date d’ouverture fait les délices des parieurs, remporte un surprenant succès touristique.
Plus d’un million de personnes ont visité le site depuis 2007. L’engouement pour ces visites organisées n’a cessé de croître à mesure que les erreurs de gestion, la fraude, la corruption et la simple déveine s’abattaient sur le projet.
Censé
ouvrir en 2012, l’aéroport Berlin-Brandebourg (BER) a vu son budget
tripler par rapport aux projections originelles, de 1,7 à plus de 5 milliards
d’euros. Il compte officiellement cinq ans de retard et son ouverture, prévue
pour 2017, reste entourée d’incertitudes.
Par une journée brûlante, dédaignant les lacs des environs, une vingtaine de
visiteurs ont déboursé dix euros pour deux heures de visite, mus par un mélange
de passion allemande pour la technologie, d’accablement devant ce gouffre
engloutissant les impôts et peut-être d’une pincée de “Schadenfreude”,
ce plaisir qu’on éprouve face aux déboires des autres.
Moyennant finances, les visiteurs peuvent aussi, s’ils le souhaitent,
s’inscrire pour circuler en vélo sur les pistes balayées par les vents ou alors
participer au semi-marathon du printemps.
Menant le groupe d’une tour de contrôle aux salles d’embarquement vides, d’une
centrale électrique au terminal étincelant de verre et d’acier, le guide
détaille jusqu’à la lie les spécifications techniques, face à une audience
captivée.
Une
odeur de sciure flotte dans l’air, les câbles pendent du plafond et un nombre
étonnamment restreint d’ouvriers coiffés de casques surgit et disparaît dans
les portes coulissantes.
Après plus d’une heure de visite, rythmée par le grincement des roues d’une
brouette, le gémissement d’une perceuse et l’écho lointain d’un marteau, Sylvia
Groth, touriste autrichienne de 60 ans, ose la question qui brûle les lèvres de
tous.
“Pourriez-vous dire un mot des retards, s’il-vous-plaît ? Ce qui les a entraînés et quand ouvrira l’aéroport ? Y a-t-il eu des condamnations ?”
Prenant
une profonde inspiration, le guide se plonge dans l’explication des déconvenues
techniques - en particulier la sécurité incendie et le système d’extraction
des fumées, qui devaient réagir “au feu dans un cendrier autant qu’à un
incendie ravageant le terminal”.
“Nous avons eu un architecte qui n’était pas un technicien”, résume-t-il. “Et
les responsables politiques n’ont pas suffisamment prêté attention à qui
faisait quoi”. Mais aucune mention n’est faite de la condamnation en octobre
dernier du responsable du système de ventilation, pour corruption, ni de la
récente faillite d’un entrepreneur important du site, la filiale allemande
du groupe néerlandais Royal Imtech.
La promenade se dirige vers les ascenseurs vides qui coulissent calmement entre l’étage des départs et la gare située au sous-sol, d’où partent plusieurs fois par jour des navettes vides à destination du centre-ville.
Aucun passager n’y prend jamais place, mais les trains restent en mouvement pour maintenir les voies en état.
“Je voulais voir ce chaos de mes yeux”, confie Heidi, 61 ans, praticienne de santé, le regard levé vers le gigantesque et coûteux tapis volant rouge suspendu au plafond, qui prend lentement la poussière pendant que le chantier continue d’absorber de l’argent.
Le 16 septembre 2015SOURCE WEB Par Libération
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