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Marrakech Patrimoine Un capital mal vendu

Marrakech Patrimoine Un capital mal vendu

Faute de compétence et de logistique, les sites n’attirent pas grand monde
Leur sauvegarde pourrait devenir un véritable levier économique
En relançant le projet de la  gestion déléguée au privé, le ministère de la Culture espère accroître l’attractivité des trois sites historiques emblématiques de Marrakech et augmenter les revenus qu’ils dégagent

 Marrakech a cumulé à travers les dynasties qui l’ont gouvernée depuis les Almoravides jusqu’à l’époque des Alaouites, un patrimoine riche et diversifié en termes architectural, urbanistique, et artisanal, qui est actuellement menacé aussi bien par les facteurs naturels qu’humains.  Mais, force est de constater que les monuments sont gérés de manière artisanale. Les sites les plus visités par les touristes ne disposent presque pas de logistique. Mieux valorisé, ce patrimoine représenterait pourtant un sacré levier économique.  L’exemple le plus édifiant est celui des jardins Majorelle devenus une escale touristique incontournable. Mais, c’est surtout grâce à sa gestion, le développement de nouveaux produits comme le musée que ce jardin attire 760.000 visiteurs chaque année, bien plus par exemple que les jardins de l’Agdal  dont la création remonte aux temps des Almohades. C’est pour cela d’ailleurs que le ministère de la Culture souhaite aujourd’hui déléguer la gestion de 3 sites historiques,  les Palais Bahia et Badiî et les tombeaux Saadiens au privé même si quelques puristes critiquent cette option.

  Le ministère de la Culture n’a pas de compétences pour mener à bien des tâches comme la documentation, les études et la restauration des monuments, ni surtout pour assurer la gestion économique de ces sites. C’est la même démarche que veut adopter la commune de Marrakech pour  les structures qu’elle gère encore (Théâtre Royal)  ou les futurs projets culturels que la ville compte créer (3 musées). «De nombreuses villes du monde l’ont compris et misent sur ce lien avec l’Histoire pour attirer les voyageurs amateurs de vestiges et de traces de civilisations anciennes», souligne  un historien.  Les habitants de Marrakech n’ont pas encore intériorisé l’importance de ce patrimoine et sa valeur identitaire et même commerciale,  soulignent les intellectuels qui insistent sur la préservation des trésors de la médina et s’inquiètent de  «la régression dramatique du patrimoine et des sites historiques». C’est que les efforts menés ici et là tantôt par la municipalité, tantôt par le ministère des Habous ou encore à l’initiative du ministère de la Culture se font sans la moindre coordination. De même, certains dossiers de sauvegarde ne sont même pas sortis des tiroirs de leurs auteurs.

De l’avis de l’architecte Mohamed Belmejjad, l’état actuel de plusieurs lieux historiques est désastreux et alarmant et a besoin d’interventions rapides. Dar Si Said, Smata, Menara… la liste est longue.  On a beau avoir l’un des patrimoines culturels les plus riches, on ne sait pas encore comment le valoriser, et surtout comment le rentabiliser. Reste la volonté d’engager une démarche participative qui ouvrirait le chemin vers une véritable préservation ou continuer à ignorer les vestiges du passé.  Outre son patrimoine bâti historique, Marrakech occupe déjà les devants de la scène dans l’ensemble des filières culturelles avec une école de cinéma et des producteurs de renommée internationale qui sont installés dans la région, argumente Youssef Mouhy, président de l’union locale de la CGEM Marrakech. Idem pour la filière édition ou l’artisanat d’art. Mais pour transformer ces acquis en un levier économique, il faut un accompagnement stratégique, estiment les acteurs locaux. Le ministre Mohamed Sbihi n’est pas contre. Son département a élaboré, à travers un processus de concertation, un plan intitulé «patrimoine 2020» avec un ensemble d’objectifs à atteindre en partenariat avec les institutions et acteurs en relation avec le patrimoine national. Cette stratégie en cours d’élaboration devra ouvrir de grands chantiers dont la préservation, l’augmentation du nombre de visiteurs, la formation avec des mini-plans pour chaque ville; et Marrakech qui bénéficiera de la première délégation au privé de 3 de ses grands monuments devrait être un grand laboratoire. En effet, confirment les professionnels du tourisme, le volet culturel est une des premières raisons qui poussent les consommateurs au voyage. Et sur le terrain, 15% de la plus-value est liée au culturel et au patrimoine.

Plaidoyer pour la restauration du Badiî

Aujourd’hui, architectes et chercheurs poussent la réflexion encore plus loin. Ils militent en faveur du lancement d’un immense chantier de restauration, voire même de reconstruction, d’un site emblématique comme celui du palais Badii à même d’offrir une animation culturelle pour la ville. Ce palais construit entre 1578 et 1603 par Yacoub Mansour (dynastie des Almohades) est en ruine et il ne reste plus de ses splendeurs que des vestiges. Pourtant, il existe des plans de base conservés au Vatican qui nous permettraient de faire renaître ce palais de ses cendres comme ce qui a été fait par de nombreux autres pays.

Le 09 septembre 2015
SOURCE WEB Par L’économiste
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