Ressources en eau Le CESE pointe du doigt la gouvernance institutionnelle
Publié le : 30 mars 2014 - LE MATIN
Si le Maroc n’améliore pas la gouvernance de ses ressources hydriques, sa population risque de manquer d’eau d’ici à 2020. Ce constat alarmant a été fait par le Conseil économique, social et environnemental. Les causes sont multiples. À commencer par le changement climatique et son impact direct sur les ressources en eau. Le recul de la pluviométrie en est la conséquence directe. À cela s’ajoute une demande de plus en plus croissante, associée à une offre menacée par le gaspillage ainsi qu’une gouvernance inefficiente, comme a souligné le rapport du CESE sur la gestion des ressources hydriques adopté jeudi dernier à l’unanimité. Les experts du Conseil aux destinées duquel préside Nizar Baraka pointent du doigt l’inefficience institutionnelle en la matière. Le diagnostic établi insiste sur le faible taux de concertation et de coordination des entités en charge du dossier de l’eau. «Le ministère délégué chargé de l’Eau et le Conseil supérieur de l’eau et du climat ne constituent pas dans les faits de véritables entités de coordination».
Pis encore, la Commission interministérielle de l’eau est inactive, et les Agences de bassins hydrauliques sont peu efficaces à cause de leur manque d’autonomie décisionnelle et des dotations financières insuffisantes, note le rapport. Sur le plan juridique, le rapport épingle la loi 10/95 sur l’eau, «en déphasage avec les réalités et besoins du moment». S’y ajoute la faible effectivité des textes d’application y afférents. Selon le CESE, on peut dire que la crise de l’eau à laquelle le Maroc fera face dans un futur proche est avant tout une crise de gouvernance. C’est dans cette lignée que le Conseil a fait plus de 70 recommandations permettant de relever les défis d’une bonne gestion des ressources hydriques. Les experts du CESE prônent la mise en place d’une politique à la fois protectrice et valorisante des ressources en eau. «Le rapport représente une véritable approche intégrée qui permet véritablement d'assurer une gestion plus efficace des ressources en eau qui repose à la fois sur la notion de la responsabilité et de la durabilité», a souligné Nizar Baraka. Eu égard à la déficience de l’organisation institutionnelle du secteur de l’eau et de son financement, le CESE a appelé à une concertation plus élargie entre les instances concernées par ce dossier.
Concrètement, le rapport du CESE insiste sur la consolidation des prérogatives du Conseil supérieur de l’eau et du climat en tant qu’instance nationale de concertation, et d’évaluation de la politique nationale du secteur de l’eau et de l’assainissement, notamment en élargissant sa composition pour inclure les conseils régionaux et des ONG de protection de l’environnement. Le CESE recommande aussi l’accélération des procédures de régularisation des autorisations de forage ainsi que la généralisation des contrats de nappes, en intégrant en amont les utilisateurs (agriculteurs, ONEE, et industriels) ainsi que les autres parties prenantes (administrations, élus et ONG). La gestion de la demande est aussi vivement recommandée.L’objectif est de généraliser les programmes de maîtrise de la demande, d’économie et de valorisation des ressources en eau au niveau de toute la chaîne de valeurs du secteur de l’eau. Toujours sur ce chapitre, le Conseil insiste sur l’importance de l’élaboration en urgence d’un programme national d’économie d’eau potable et industrielle. Celui-ci doit être assorti d’objectifs chiffrés à atteindre à l’horizon 2020. En ce qui concerne la protection de la ressource, le CESE appelle au renforcement du contrôle à travers la consolidation des attributions de la police de l’eau qui doit agir en étroite collaboration avec les autres organes de contrôle. La promotion du partenariat public-privé n'est pas en reste. Dans ce cadre-là, le rapport estime qu’il est nécessaire d’adopter un modèle de gestion équitable et viable du secteur de l’eau ainsi que la promotion du partenariat public-privé, via la mise en place des mécanismes incitatifs nécessaires au développement des opérateurs privés marocains spécialisés dans les domaines de mobilisation, d’assainissement, du dessalement et de production d’énergie hydroélectrique.
Des ressources qui se raréfient
Les ressources en eau au Maroc se raréfient. Les chiffres sont là pour le confirmer. Et si rien n’est fait pour rationaliser l’utilisation de cette denrée précieuse, le Royaume fera face à moyenne échéance à une pénurie dont les conséquences pourraient être néfastes sur les plans économique et social. L’ONU définit le seuil de stress hydrique à 1 000 mètres cubes par habitant et par an. Au Maroc, en 2013, chaque habitant disposait de 720 mètres cubes contre 1 600 m3 par an dans les années 70. C’est dire l’ampleur des menaces qui planent sur cette ressource vitale et qui sont aggravées par l'insuffisance des précipitations et de leur répartition irrégulière. Le problème de l’exploitation immodérée se pose également avec acuité. La ministre déléguée chargée de l’Eau, Charafat Afailal, affirmait il y a quelques jours que le volume surexploité des ressources en eaux souterraines atteint aujourd’hui 1 milliard de m3 par an, entraînant la baisse quasi généralisée des niveaux piézométriques au niveau des principales nappes du pays et la réduction des débits, voire l’assèchement des sources. Certes, le Maroc s’est engagé dans une politique volontariste des barrages, mais aussi dans l'augmentation de ses capacités d'approvisionnement en eau, dans des systèmes d'irrigation à grande échelle ou encore dans la sécurisation de l'eau destinée aux besoins urbains et agricoles, mais ces efforts, fort louables du reste, demeurent insuffisants. Les différents intervenants dans la gestion des ressources hydriques pèchent par manque de coordination. C’est une des principales faiblesses soulignées par le rapport du Conseil économique et social adopté vendredi dernier à Rabat.
Programme national d’économie d’eau potable et industrielle
Du point de vue des experts du CESE, l’élaboration d’un Programme national d’économie d’eau potable et industrielle (PNEEPI) est une nécessité urgente. En effet, le programme permettra d’améliorer l’efficience et le rendement des adductions en vue d’atteindre un taux supérieur à 90% à l’horizon 2020. Idem pour les réseaux de distribution, appelées à atteindre un taux supérieur à 85% à la même échéance. Aussi, ce programme aura-t-il pour objectif d’améliorer l’économie d’eau dans les secteurs industriels et touristiques ainsi que dans les administrations et les ménages. Pour ce faire, on table sur l’encouragement des audits des installations techniques, l’utilisation de procédés économes en eau et le changement des pratiques de consommation d’eau. La réutilisation des eaux usées épurées dans l’irrigation est également visée. Le but est d’arriver à un taux de recyclage de 30% en 2020.
Repères
· Mobilisation des ressources en eau :
· 130 grands barrages : capacité totale de 17,5 milliards de m3.
· Des milliers de forages et de puits.
· Plus d’une dizaine de systèmes de transfert d’eau.
· Eau potable
· Taux de desserte urbain : 94%.
· Taux de desserte rural : 92%.
· Assainissement
· Taux de raccordement global : 72%.
Le 30 Mars 2014 _SOURCE WEB Par Le Matin
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