Louardi au Club de L’Economiste Prix du médicament Pas de marche arrière
Les premières baisses interviendront dans deux mois
Les ruptures artificielles du stock étroitement surveillées
La baisse des prix de 800 médicaments princeps, qui devrait intervenir au cours des deux prochains mois, varie entre 15 et 50%
Les industriels continuent de contester le décret sur la baisse des prix, qui vient d’être adopté par le gouvernement. Les trois associations ont sollicité une consultation auprès du cabinet Naciri et Associés Allen & Overy. Selon les conclusions, le ministère de la Santé réglemente les prix des médicaments conformément à l’article 17 de la loi 17-04. Or, ce pouvoir de réglementation devait être régi par un décret. L’avocat cite le cas de la France, où les prix des médicaments sont réglementés «du moins ceux remboursés par l’assurance maladie» et où les ministres des Finances et de la Santé disposent d’un pouvoir de réglementation. Le législateur a pris soin de définir des principes visant à concilier l’objectif de réduction des dépenses de l’assurance maladie et les intérêts légitimes des professionnels du secteur».
Au Maroc, la loi
17-04 confie à l’autorité réglementaire de droit commun, le chef du
gouvernement et au ministre de la
Santé, le pouvoir de définir, par décret, les principes
encadrant la réglementation des prix des médicaments. Le cabinet Naciri estime
que le décret ne respecte pas cette logique en fixant directement les prix au
lieu de s’en tenir à un schéma général.
Pour le ministre, les industriels ont le droit de défendre leurs intérêts et de
contester la décision du gouvernement. Mais il prévient qu’il ne fera pas
marche arrière sur la baisse des prix des médicaments. La décision est
maintenant actée au terme «d’une soixantaine de réunions avec les opérateurs». Louardi rappelle que les pays du benchmark
pour la réduction des prix avaient été choisis d’un commun accord avec les
industriels. Plus de 60% des médicaments importés par le Maroc proviennent
de ces 8 pays. «Nous avons intégré la Turquie car elle représente le pays d’Europe où
le médicament est le moins cher. Ce qui permet de tirer les prix vers le bas»,
justifie Louardi. L’Arabie saoudite a également été intégrée car elle-même
définit ses prix selon un benchmark de 32 pays.
Au terme des discussions entre le ministre et les industriels, un accord a été signé le 11 juillet 2012, fixant les principes généraux du décret. «Nous avons convenu de comparer les prix des médicaments en vente au Maroc à la moyenne du benchmark. Les prix supérieurs à cette moyenne devaient baisser. Par contre, les médicaments dont le prix était inférieur ne devaient pas augmenter», affirme le ministre. C’est le point de malentendu avec les laboratoires. En effet, le PV de la réunion du 11 juillet 2012 précise que «toutes les autres questions, telles que la hausse des prix trop bas (…) seront réétudiées dans une deuxième phase.
D’où la déception des industriels. Le ministre dit ne pas vouloir fermer la porte du dialogue et suggère aux «laboratoires qui s’estiment lésés d’introduire un recours, dûment justifié».
Le décret devrait bientôt être publié au Bulletin officiel.
Les premières baisses interviendront dans les deux mois. Parmi les médicaments
les plus vendus au Maroc et dont les prix baisseront d’une manière notable,
Amarel (diabète) qui passera de 180 dirhams à 85,47 dirhams, Losartan
(hypertension) dont le prix sera ramené de 380 dirhams à 154,71 dirhams ou
encore Plavix (maladies cardiaques) qui sera vendu à 356,96 dirhams au lieu de
548,08 dirhams.
Sur le principe de l’égalité devant la loi, les industriels s’estiment lésés
par rapport aux officinaux et aux distributeurs. Cela serait contraire à
l’article 6 de la
Constitution, soutient leur avocat-conseil. Pour ce dernier,
la législation en matière de restriction de la liberté d’entreprendre relève du
domaine de la loi et donc des compétences du Parlement. Par conséquent,
l’adoption du décret sur la baisse du prix des médicaments «reviendrait à
empiéter sur le domaine de la loi».
D’autres arguments sont avancés par le cabinet pour remettre en cause la légalité du décret, notamment l’incompatibilité du décret avec les engagements internationaux du Maroc via les ALE. En effet, le pouvoir de négociation des importateurs sera restreint car leur marge passera de 20 à 10%.
Les industriels ne comptent pas lâcher prise et envisagent de porter l’affaire devant la justice. Le ministre annonce déjà que, le cas échéant, il ne manquera pas de revenir à la charge en passant par d’autres canaux. Quitte à assouplir la procédure d’obtention des autorisations de mise sur le marché (AMM) des médicaments importés. L’objectif étant d’introduire plus de concurrence dans le secteur. Le ministre affirme d’ailleurs qu’il est déjà en contact avec 23 industriels étrangers, notamment d’Inde, pour parer à toute rupture organisée des stocks de médicaments.
«Un juste retour à la normale»
Pour le ministre, pendant 20 ans, les industriels se sont abstenus de répercuter les baisses de prix intervenues dans les pays d’origine. Or, «l’article 7 de l’arrêté de 1993 stipule que «toute variation en baisse de l’un des paramètres pour le calcul du prix des spécialités pharmaceutiques importées sera automatiquement répercutée et notifiée au ministère de la Santé au maximum trois mois après la dernière déclaration ou auto-révision». L’on pourrait toujours invoquer une incurie des ministres qui se sont succédé et qui n’ont pas joué leur rôle de contrôle. Mais Louardi estime que la baisse n’est qu’un «retour à la normale». Par rapport à la marge sur les produits importés, qui a été réduite à 10% au lieu de 20%, le ministre affirme que «c’est une correction car le secteur de la pharmacie est le seul où il y avait cette aberration!»
Le contrôle des cliniques désormais fluidifié
El Haussaine Louardi reste intransigeant en matière de contrôle des cliniques privées. En 2013, 210 établissements ont été inspectés. Jusqu’à présent, 8 ont fait l’objet de sanctions. Les infractions sont diverses. La dernière clinique, par exemple, était tenue par des médecins enseignants au CHU ou de la santé publique, qui sont en même temps actionnaires. «C’est pire que le cas d’investisseurs privés. Ces médecins perçoivent un salaire en tant que fonctionnaires, tout en travaillant dans une clinique privée dont ils sont actionnaires!» dénonce le ministre. Ce dernier a d’ailleurs déjà pris des sanctions contre une quarantaine de professionnels de la santé, dont des médecins et des infirmiers. D’autres infractions portent sur la corruption dans certains établissements.
La loi 10-94, prévoyant le contrôle des cliniques, reste assez lourde du fait qu’elle implique à la fois le SGG et le ministère de tutelle. Le premier étant responsable de l’ouverture ou de la fermeture des cliniques, tandis que le second n’a qu’un rôle consultatif. Les commissions d’enquête doivent être composées d’inspecteurs de la Santé et de membres du Conseil de l’ordre des médecins. «Mais pour des considérations corporatistes, les médecins ne font pas toujours acte de présence.
Et même quand ils viennent, certains médecins préviennent à l’avance les cliniques», signale le ministre. Des dysfonctionnements qui seront corrigés dans le projet de loi sur la pratique médicale qui a été mis en ligne dans le site du SGG. Si le texte est adopté, le contrôle des cliniques sera plus fluide.
Médicaments: Le stockage sera externalisé
Le stockage et la distribution représentent un boulet budgétaire pour le ministère de la Santé. Deux fonctions qui absorbent 30,5 millions de dirhams par an. L’essentiel des médicaments est stocké dans un dépôt national à Berrechid, le reste est réparti à travers 6 autres éparpillés dans les régions.
Le système actuel n’offre aucune traçabilité sur les médicaments et ne renseigne pas sur leur disponibilité. 200 tonnes de produits étaient périmés au moment où beaucoup d’établissements souffrent de la rareté des médicaments. C’est la raison pour laquelle le ministre de la Santé envisage d’externaliser la fonction du stockage et de la distribution des médicaments.
SORCE WEB Par Hassan EL ARIF
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