Défis écologiques Un nouveau mode de vie à travers le changement de comportements
Pour lutter contre la crise du système productiviste, de nouvelles expériences sociales se déroulent partout aux quatre coins de la planète.
écouter et respecter son corps pour mieux être en phase avec son environnement.
«Pour évacuer la fatigue, il faut s’étirer. Ce geste, il faut le faire individuellement avec les membres de la famille et aussi avec les amis. Nous pouvons l’exercer en début de matinée, car il permet de s’occuper de soi-même. Le fait de prendre soin de son corps et de son esprit est aussi une invitation à prendre soin de l’autre», a lancé avec philosophie Geneviève Ancel, cofondatrice des rencontres annuelles, «Dialogues en humanité» et chargée du développement durable à la communauté urbaine de Lyon, lors de la conférence :«Face aux défis écologiques, quel nouvel art de vivre ?»
Une rencontre organisée dernièrement dans le cadre de l’Université citoyenne initiée par HEM de Rabat.
Cette militante écologiste s’est adressée au public avec des mots simples pour l’appeler à réfléchir sur une gouvernance citoyenne mondiale. Pour ce faire, chacun devra être artiste de sa propre vie pour transformer la planète en un chef d’œuvre collectif. La conférencière qui a demandé à l’ensemble des participants de s’associer à elle pour une séance de yoga a raconté que plusieurs groupes dispersés dans le monde étaient en train de vivre de nouvelles expériences humaines comme une alternative à la crise de la société de consommation. «Il faut savoir que la publicité qui est la création de faux besoins a permis au désir d’avoir de prendre le dessus sur le désir d’être. À cet effet, quelque 1 600 milliards de dollars sont dépensés annuellement pour des besoins militaires et 1 200 milliards pour la publicité. Cette économie du bien-être cache une économie de mal-être et l’humanité peut déraper. Le changement climatique, ainsi que la rareté des ressources naturelles nous obligent à réfléchir sur un nouveau mode de vie en changeant de comportements. Les grandes conférences internationales comme celle du climat ou le dernier sommet de la terre et du développement durable Rio + 20 sont en panne, car elles n’ont pas abouti jusqu’à maintenant à aucun accord international», a-t-elle ajouté. Pour faire face à cette situation, partout dans le monde, de simples citoyens dans de petites localités isolées ou dans de grandes cités urbaines, d’Asie, d’Amérique, d’Europe ou d’Afrique, sont en train de vivre des expériences originales dans plusieurs domaines : habitat, entreprise, agriculture, etc. Sur ce registre, on peut citer un exemple de ces nouvelles alternatives sociales, celui de la localité du Rajasthan, en Inde, où l’Université des Va-nu-pieds forme des hommes et des femmes issus de milieux ruraux - illettrés pour la plupart - pour devenir ingénieurs en énergie solaire, artisans, dentistes et docteurs dans leurs propres villages.
Grâce à cet effort, des cliniques soignent des malades gratuitement, des villages sont devenus autonomes grâce aux énergies renouvelables.
Toujours en Inde, des expériences d’échanges se font sans l’utilisation de l’argent. La monnaie est remplacée par l’échange de services. «Même les Suisses réputés pour être un des peuples les plus rationalistes sont en train d’expérimenter l’échange sans monnaie», a poursuivi Mme Ancel.
Autre expérience à souligner, celle qui se déroule au Brésil depuis 2003, dans un bassin d’un million d’habitants. Il s’agit du programme socio-environnemental «Cultivando Agua Boa» (cultiver la bonne eau), qui restaure la démocratie participative, répare les passifs environnementaux et prépare un futur viable, en s’appuyant sur la qualité de l’eau et la gestion du territoire par microbassins.
Un exemple réussi de volonté politique publique, alliée à une éthique sociale et écologique. Toutes ces nouvelles expériences de coexistence sont décrites dans le livre «Un million de révolutions tranquilles», publié par Bénédicte Manier.
Dans cet ouvrage, la journaliste française a visité les localités les plus
isolées dans le monde pour décrire ce nouveau cycle de post mondialisation, mêlant les aspects positifs du village global
(l’interconnexion via internet) à une multiplication de transformations
sociales et locales.
Pour les défenseurs d’un monde de production durable, le succès de ces
nouvelles expériences sociales ne peut être au rendez-vous que si l’Homme
change de comportement. Selon eux, la culture de la rivalité doit être
remplacée par celle de la confiance et de l’amitié.
Concernant la notion de développement durable et ayant participé au débat suscité par la conférence «Face aux défis écologiques, quel nouvel art de vivre ?», Abdelhadi Bennis, président du Club de l’environnement de l’association Ribat Al Fath pour le développement durable a réagi. Selon lui la réponse respecte quatre idées principales. «La première est que chacun de nous cherche le bien-être», notion encore générale et vague, mais plus proche du terme de bonheur qui est plus familier et plus accessible dans notre langage et nos méthodes de communication.
Chercher le bien-être, c’est d’abord définir ce qu’on «veut être» et cela est tout à fait différent du concept de ce qu’on «veut avoir», concept que les gens expriment plus souvent et plus facilement». Pour ce qui est de la deuxième idée, M. Bennis insiste sur le fait que «l’accumulation des biens matériels n’est pas une fin en soi ».
Il faut bien sûr avoir de quoi satisfaire les besoins fondamentaux, mais il ne faut pas en faire une culture, une religion et une obsession. Il faut que la fortune soit un moyen pour parvenir au bien-être et non une source de malheur». Quant à la troisième idée, poursuit le président du Club de l’environnement de l’association Ribat Al Fath, c’est que «la nature, de par ses constituants, eau, plantes, animaux, air, sol, lumières..., est la source de tous les biens et de toutes les satisfactions, pour les générations humaines actuelles et futures. Sa protection contre toutes les formes de dégradation, de surexploitation et de pollution s’impose afin de lui permettre de se régénérer continuellement et d’être durable.
Chacun de nous doit en être convaincu et y apporter sa contribution.
Cela suppose l’abandon de ce mode de vie, en vigueur actuellement, qui repose sur le principe de “produire plus et consommer plus”, quel que soit l’impact sur la nature».
Et enfin, «la quatrième idée sur laquelle nous insistons, porte sur le changement du système des valeurs pour un comportement plus humain.
Il s’agit à titre d’exemple de privilégier l’intérêt général par rapport au personnel, la solidarité et la coopération par rapport à la discorde et la disparité, l’amour par rapport à la haine, le dialogue et la tolérance par rapport à la rupture, l’honnêteté par rapport à la ruse et au mensonge», conclut M. Bennis.
Trois questions à: Geneviève Ancel, cofondatrice des rencontres annuelles
«Dialogues en humanité»
Lors de votre conférence à HEM, vous avez parlé d’un projet qui regroupe un million de personnes actives et qui sont en train de réaliser sur le terrain le développement durable. Pouvez-vous nous parler davantage de cette initiative collective ?
À partir du territoire du bassin d’eau dans la région des chutes d’Iguazu au sud du Brésil, plus de 3 000 partenaires et un million d’habitants actifs prennent part à un processus de développement durable intégré : «Cultiver la bonne eau» !
Il s’agit de réunir la communauté du territoire de vie et de définir ce qui va être réalisé avec elle et non pour elle. Après dix ans de ce processus, les résultats sont impressionnants dans les domaines agricole, écologique, économique, démocratique et éducatif.
Face à l’incapacité des politiques à apporter des solutions aux défis mondiaux, vous proposez une «politique de l’amitié». Qu’est-ce que cela signifie ?
La démesure des injustices sociales et écologiques explose ! Face aux enjeux et aux difficultés auxquelles nous sommes confrontés, prenons conscience de l’action du million de personnes qui s’engagent au quotidien à la fois pour préserver le tissu de vie de proximité et pour changer concrètement le monde.
Que chacun se rende compte qu’il peut y prendre part ou faire sa part, qu’il peut se relier avec ceux qui essayent d’améliorer le bien-vivre ensemble. Or la dignité de chaque personne est liée à sa capacité à construire de la confiance et à se lier d’amitié. Nous co-expérimentons avec les «Dialogues en humanité», l’idée d’une «politique de l’amitié» comme stratégie et comme méthode, dans une forme qui fait appel à l’intelligence sensible, du cœur autant que de l’esprit, dans notre entièreté affective. Le philosophe français, Edgar Morin, parle de la nécessaire politique de civilisation ou de l’humanité que nous devons inventer. Ce n’est pas la fin du monde, mais le passage à une autre façon d’être au monde. Nous pouvons faire croître nos capacités d’empathie, de résistance créatrice, de rêve vers un nouvel art de vivre. Nous l’expérimentons là où nous vivons y compris en gardant le meilleur des traditions et le meilleur de la modernité.
Vous êtes responsable du développement durable à la communauté urbaine de Lyon. Quelles ont été les actions réalisées en matière d’économie fonctionnelle ?
Je travaille aujourd’hui comme coordinatrice des «Dialogues en humanité», avec une mission d’accompagnement au changement à la communauté urbaine de Lyon. Un exemple d’économie fonctionnelle mis en œuvre : au début des années 2000, le président du Grand Lyon a initié les premières expérimentations à grande échelle de location de bicyclettes à bas coût dans l’agglomération lyonnaise. Peu de Lyonnais utilisaient leur vélo personnel pour se rendre au travail ou en cours. Il fallait changer le regard et inviter à aimer cela, d’où l’invention des «Vélo’v» (prononcer v-love).
Très
vite les 3 000 vélos mis à disposition dans l’espace public sont pris d’assaut
sur les 500 bornes dans la ville, utilisés et reposés en moyenne huit fois par
jour par des personnes différentes.
Nous n’avons nul besoin de posséder un vélo chacun si nous pouvons utiliser une
simple carte à puce pour y accéder facilement, pour quelques euros par an.
Aujourd’hui, cet exemple d’économie fonctionnelle est repris dans de nombreuses
villes dans le monde. Cela a généré une double amélioration pour la santé : par
l’exercice physique et par la diminution des émissions de CO2. Après le tram à
Rabat et à Casablanca, je serai la première ravie d’utiliser une bicyclette
dans les villes marocaines.
Générations futures
Pour le Sommet mondial de Rio de Janeiro en 1922, «le développement durable est un processus de développement qui s’efforce de satisfaire les besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs besoins». Ce mode de production est basé sur l’intégration des trois piliers: économique, humain et environnemental.
Par ailleurs, les 27 principes de l’Agenda 21, issus de ce sommet ont été consolidés, lors des Sommets de la Terre et du développement durable Rio+10 et Rio+20.
Repères
- Le programme «Cultivando Agua Boa» a été initié dès le premier mandat de l’ancien président brésilien Lula da Silva.
- Le programme «Cultivando Agua Boa» concerne un bassin d’un million d’habitants au Brésil et sert de modèle au gouvernement avant d’être étendu au reste du pays.
- Aux États-Unis, quelque 37% de déchets jetés par la grande distribution sont des produits toujours consommables.
Publié le : 13 Avril 2013 –
SOURCE WEB Par Rachid Tarek, LE MATIN
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