Tourisme sportif Miser davantage sur le terroir
Le tourisme actif représente 60% des voyages à travers le monde, indique l’ONMT (Office national marocain du tourisme). D’ici 2020, il sera pratiqué par près d’un milliard de personnes. Mais où en est actuellement le Maroc? On le sait, avec la mer, la montagne et le désert, ses atouts sont multiples. Reste à mettre à contribution les régions pour développer des activités sportives captivantes d’un tourisme dynamique. Pas si simple que ça.
La première idée qui vient en tête est d’exploiter une ressource locale. Là où il y a la mer, on aménage un port de plaisance, une plage, on organise des excursions de pêches. Le plan Azur, et notamment la construction de six stations balnéaires à travers le pays, s’inscrit dans cette optique. Mais de nombreuses niches restent à identifier. «Partout en Europe, les réseaux de sentiers pédestres en montagne ont eu un effet structurant», explique Claude Origet du Cluzeau, présidente de l’Académie européenne du tourisme, invitée au Forum sport et tourisme, qui s’est tenu mardi dernier à Casablanca. «Une seconde stratégie est de développer des sports et jeux identitaires», révèle l’experte venue témoigner de l’expérience européenne. On joue à la pelote en Pays basque, au rugby au pays de Galles et à la pétanque en Provence. Certaines activités, qui faisaient d’abord partie du quotidien des habitants d’une région, peuvent même être déviées en attrait touristique. C’est le cas notamment de la plongée sous-marine dans les Cyclades, en Grèce. On peut aussi construire de grandes infrastructures, comme les terrains de golf ou les parcs aquatiques. Mais attention! Ces constructions doivent servir «à renforcer une destination», prévient Origet du Cluzeau. Le sport spectacle peut également aider à drainer les flux touristiques vers les régions. «On oublie souvent que là où il y a un beau port de plaisance, il y a aussi des locaux qui viennent se promener pour admirer les embarcations». Ceci sans compter tous les grands évènements: Coupes du monde, Championnats mondiaux, etc.
Enfin, une nouvelle tendance se dégage de plus en plus dans le paysage du tourisme sportif: le sport en ville. «Les grands marathons, le vélo en ville, les spas et fitness, etc». Ce qu’il faut retenir, toujours selon Origet du Cluzeau, c’est que les sports sont presque toujours importés. «Et à ce moment-là, il faut voir si ça prend ou pas». Le surf, par exemple, a connu un succès fulgurant dès qu’il est sorti de l’île d’Hawaï.
L’experte met cependant en garde contre certains pièges, dans lesquels les destinations touristiques émergentes risquent de tomber. «Il ne faut pas oublier que le touriste vient d’abord dans un univers». Le golfeur, par exemple, peut très bien jouer au golf près de chez lui. Pourquoi se déplacerait-il jusqu’au Maroc?
De plus, elle rappelle que la famille qui l’accompagne a aussi besoin d’occuper son temps. «La valeur ajoutée de la couleur locale prend ici tout son sens», indique-t-elle. «C’est bien la preuve que ce sont d’abord les villes qui marchent, et pas les terrains de golf», a lancé un participant au Forum, en déplorant que les golfs de Ben Slimane et Casablanca soient vides et ceux de Marrakech, surbookés. «Pourquoi un Européen viendrait-il au Maroc, alors qu’il est entre 100 et 150 euros plus cher que la Turquie ou la Tunisie?», questionne-t-elle. Miser sur les spécificités locales est un excellent moyen de se protéger, et de ne pas tomber dans l’effet mode. «L’identité est le meilleur garant du durable», renchérit Patrick Simon, propriétaire de Dar Infiane, dans la province de Tata. «Offrir un produit hors-sol vulnérabilise et expose la destination à n’importe quel caprice du marché». Mieux miser sur l’exclusivité. Pour Simon, «l’implication des populations locales est, à ce niveau, incontournable». Il semblerait d’ailleurs que les instances publiques aient déjà bien appris leur leçon. Depuis quelques mois, à l’ONMT, le marketing de la destination Maroc s’effectue sur la base des spécificités de chacune des régions. Au ministère du Tourisme et de l’Artisanat, la direction des aménagements et des investissements a constitué une équipe «Produits de niche», chargée de développer et de soutenir les initiatives du tourisme sportif. La tâche est cependant difficile, car on ne dispose, pour le moment, d’aucune cartographie de l’offre au Maroc. «Aucun recensement n’a été effectué à ce jour», déplore Anas Damghi, chef de projet pour le tourisme sportif, au département de tutelle. Impossible de connaître donc le nombre d’opérateurs qui offrent ce type de produits, ni l’importance de leur clientèle. «Nous ne savons même pas combien de sentiers pédestres aménagés compte le pays». Ce serait là un excellent point à inscrire à l’agenda des ministres du Tourisme et de l’Artisanat et de la Jeunesse et des Sports. Surtout que ces derniers ont accueilli avec enthousiasme la proposition des organisateurs du Forum, de signer un contrat de convergence.
SOURCE : L’ECONOMISTE