La lente décrépitude d’Essaouira
Depuis plusieurs années, la ville est au centre d’un projet destructeur favorisant la médiocrité et semant la confusion
“Une visite Royale». Une doléance partagée par les habitants d’Essaouira qui voient leur ville étouffer depuis plusieurs années. La ville a besoin à cet effet d’une bonne bouffée d’oxygène à même de redynamiser son économie et résoudre les problèmes structurels et sociaux qu’elle traîne depuis un bon moment.
Entre mer et forêt
Entre mer et forêt se situe Mogador qui semble payer fort le prix de son positionnement singulier. Certes, elle recèle une biodiversité à part et regorge de paysages naturels envoûtants, mais elle est assiégée par le domaine forestier qui bloque ses ambitions économiques faute de foncier.
En attendant l’aval, qui tarde toujours, du Haut-commissariat aux eaux et forêts, plusieurs projets visant la réorganisation de l’espace urbain, le développement et la modernisation de nombreux secteurs d’activités à même d’améliorer leur rendement restent en suspens.
«Essaouira étouffe vraiment. Le Haut-commissariat aux eaux et forêts tarde à mettre à la disposition de la ville les terrains demandés, depuis plusieurs années pourtant, pour atténuer la crise de l’immobilier, et concrétiser le programme de modernisation et de développement de la ville. Pour le moment, toutes les ambitions de la ville sont réduites à l’attentisme et à la frustration», regrette un édile à Essaouira.
Le tourisme piétine
Locomotive du processus de désenclavement de Mogador, le secteur touristique a joué un grand rôle dans la stimulation et le développement de certains secteurs d’activités y compris l’immobilier. Un élan qui a ralenti toutefois depuis quelques années à cause de la conjoncture économique mondiale défavorable et du fameux problème du transport aérien.
«La crise s’est accentuée avec les frappes terroristes qui ont pris pour cible l’Europe. Les établissements touristiques arrivent à peine à assurer salaires et frais de fonctionnement. Les GRIT se sentent abandonnés à leur sort face à un contexte on ne peut plus étouffant», nous a déclaré un opérateur touristique demandant aux services compétents d’accorder une attention particulière à l’environnement du secteur et à la problématique de l’informel.
La fermeture dramatique des usines ainsi que le faible apport des secteurs de l’artisanat et de la pêche ne profitent pas au développement économique de la ville. De ce fait, une diversification des pôles d’activités économiques s’impose de toute urgence.
Des projets sinistrés
Au lancement de chaque projet, les habitants commencent à se poser des questions au sujet de son aboutissement. Car, à Essaouira, la plupart des projets sont liés à des complications qui surgissent après le lancement des travaux.
«Nous sommes devant un sérieux problème de gestion qui reflète un grave malaise au niveau du processus de prise de décision. A cause de ces projets sinistrés, la ville connaît une vraie déperdition de moyens, de temps et d’opportunités de développement», s’indigne un citoyen.
On assiste au lancement de nombreux projets : réaménagement et modernisation du marché de poisson, réaménagement du CHP Sidi Mohamed Ben Abdellah, reconstruction du tribunal de première instance, terrain de foot, construction d’un lycée, réalisation du réseau de distribution de l’eau potable à El Ghazoua, entre autres. Des moyens mobilisés, des espoirs fondés mais que de ratages au niveau de la gestion.
A titre d’exemple, le projet de reconstruction du siège du tribunal de première instance qui stagne depuis deux ans. Juges, fonctionnaires, avocats, huissiers, adouls et citoyens continuent de souffrir à cause des espaces inappropriés du nouveau local loué par le ministère de la Justice à 150.000 DH par mois. Un blocage dû à des problèmes techniques qui impliqueront, d’après des sources confirmées, une rallonge de quatre millions de dirhams pour le budget du projet. Le loyer de deux ans jeté par la fenêtre, l’appareil judiciaire qui fonctionne difficilement, et beaucoup de temps et de moyens perdus sans que personne n’en assume la responsabilité.
La mise à niveau urbaine
Le programme de mise à niveau de la ville vise à mettre en œuvre des projets de développement et de modernisation. Mettre à niveau les infrastructures de base, rehausser le paysage urbain d’une ville à vocation touristique, revaloriser les patrimoines culturels et cultuels, préserver l’environnement, améliorer la qualité de vie des citoyens, renforcer le développement socioéconomique…, autant d’objectifs que s’est fixés ce programme étalé sur deux périodes (2010-2014 et 2015-2018) au coût de 932 MDH.
Outre les irrégularités qui ont entaché la qualité des travaux réalisés, plusieurs points territoriaux n’ont pas encore bénéficié du programme, notamment Douar Laareb, Ouassn et Gahzoua. Des zones abusivement affectées au domaine urbain sans pour autant bénéficier des infrastructures et services de base requis.
Au Ghazoua, les habitants sont toujours privés d’eau potable, d’assainissement, et de voiries. A cet effet, l’ONEP avait lancé, quatre ans auparavant, un projet de réalisation du réseau de distribution d’eau potable. L’Office s’était trouvé face à une zone qui ne correspond pas aux plans prévus faute de délimitation des voiries. Après plusieurs mois de blocage, le marché a été résilié et les citoyens ont été abandonnés à leur sort.
Pas d’enseignement supérieur
Une cité séculaire qui vit pour et par la culture. Le nombre d’habitants ne cesse d’augmenter, alors que la ville ne dispose pas d’un enseignement supérieur susceptible de répondre à la grande demande des jeunes obligés d’aller vers d’autres villes universitaires.
A l’exception de l’Ecole supérieure de technologie, les choix des jeunes Souiris sont réduits à zéro. Les familles assument à elles seules les frais de scolarité universitaire de leurs enfants.
« Plusieurs familles ont été déstabilisées à cause de l’absence d’une université à Essaouira. Des centaines de jeunes décrochent faute de moyens, tandis que le reste assume difficilement les frais des études. Pourquoi ne pas doter Essaouira d’une faculté polydisciplinaire à l’instar de Safi ? », s’interroge un acteur associatif.
Médiocrité et confusion
Depuis plusieurs années, Essaouira est au centre d’un projet destructeur favorisant la médiocrité et semant la confusion dans plusieurs domaines, politique surtout.
Une ville qui fait rayonner les valeurs universelles d’ouverture, de partage, de cohabitation et de dialogue mérite un projet sociétal digne de son histoire, de son identité plurielle et de sa notoriété universelle.
Essaouira a besoin de compétences administratives dynamiques, attentives à ses besoins, ses mutations et ses ambitions.
Essaouira a besoin, plus que jamais, d’une visite Royale qui boostera son processus de désenclavement et secouera les structures et les mentalités…
Le 01 Juillet 2016
SOURCE WEB Par Libération
Les tags en relation
Les articles en relation
Terrorisme : Démantèlement d'une nouvelle cellule active à Essaouira
Le Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ) a procédé, jeudi, au démantèlement d’une cellule terroriste affiliée à Daech, composée de quatr...
2ème édition de la CONFERENCE INTERNATIONALE TOURISME & L’INNOVATIONS : L’INGENIERIE ET LE DE
L’INGENIERIE ET LE DESIGN EN TANT QUE STRATEGIE D’INNOVATION ET DE CREATION POUR UN TOURISME IDENTITAIRE ET DURABLE POUR DES MARCHES CHANGEANTS! Patrick ...
#MAROC_ISRAEL_LANCEMENT_ECHANGES_TOURISTIQUES: Maroc/ Israël une rencontre virtuelle entre les prof
Plombé par la crise sanitaire actuelle, le tourisme marocain mise largement sur les Marocains d’Israël. Avec les vols directs entre les deux pays, les opér...
Le tourisme dans l'attente de l'annonce officielle de la feuille de route
La feuille de route devait être annoncée ce lundi 2 avril à Agadir. Mais cette annonce est reportée pour une annonce au cours d'un événement national ...
Essaouira affiche complet pour la fin de l’année et bat tous ses records en 2018
La ville d’Essaouira a enregistré durant l’année qui vient à peine de s’achever un record historique en termes d’affluence touristique, ce qui tradui...
UNESCO. Essaouira rejoint le réseau des villes créatives
À la veille de la célébration de la journée mondiale des villes, Essaouira a rejoint le réseau des villes créatives de l’UNESCO. Ce réseau rassemble de...
Sécurité touristique : Le Maroc classé en bonne place
Le Maroc vient d’être classé parmi le top 40 des destinations les plus sûres au monde par le Forum économique mondial. Le royaume est arrivé à la 37e pl...
Une affluence record pour le Fitur 2016
La 36ème édition du Salon Fitur a démarré hier à Madrid. Lahcen Haddad, ministre du Tourisme y est présent ainsi qu’une importante délégation d’opé...
Les lobbies des plages rançonnent les estivants
TOURISME Certains estivants en famille se résignent et paient le double du prix, d’autres écœurés quittent les lieux pour chercher à se garer dans des...
Crise du tourisme : "le salut réside dans le tourisme domestique", selon Samir Kheldouni Sahraoui
La pandémie a précipité l’économie du tourisme dans une crise sans précédent. Selon des estimations de professionnels, le repli entraîné par la crise ...
Les stations du carburant sur les autoroutes : un plus de confort
En effet, le manque de toilettes dans les villes sur les routes marocaines ternit l’image du Maroc touristique. Notre journal n’a pas cessé depuis les ann�...
#MAROC_Agadir : la Covid-19 ramène le tourisme 40 ans en arrière
Côté recettes, sur 6 MMDH de chiffre d’affaires annuel générés par la première station balnéaire du royaume, la destination a perdu plus de 4,35 MMDH, ...