Rapport du GIEC : ce qui attend les habitants en zones côtières et en montagne
Selon un nouveau rapport du GIEC, les océans ont absorbé environ un quart des émissions de gaz à effet de serre générés par les humains. Avec des conséquences palpables : hausse de la température de la mer, acidification, perte d'oxygène. En bord de mer ou en montagne, les activités humaines seront affectées.
Le village de Ittoqqortoormiit, comté de Sermersooq Scorebysund, Groenland, océan Arctique. Aujourd'hui, environ 4 millions de personnes vivent en permanence dans l'Arctique, dont 10% sont autochtones.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié mercredi matin un nouveau rapport spécial sur les liens entre le changement climatique, les océans et la cryosphère (SROCC).
Les 104 auteurs de ce rapport ont étudié les processus physiques et les impacts du changement climatique sur les écosystèmes océaniques, côtiers, polaires et de montagne. Ils ont également analysé les conséquences pour les communautés humaines et les options qui s'offrent à elles pour s'adapter à ces bouleversements climatiques en vue d'un avenir plus durable. Les océans couvrent plus de 80% de la surface du globe, et les modifications à venir en raison du réchauffement climatique sont si importantes qu'elles auront des impacts en cascade sur les écosystèmes et les activités humaines.
Les futurs changements de la cryosphère terrestre devraient affecter les ressources en eau et leurs utilisations, telles que l’énergie hydroélectrique, l’agriculture irriguée dans et en aval des zones de haute montagne, ainsi que les moyens de subsistance dans l’Arctique. Les épisodes d’inondations, d’avalanches, de glissements de terrain et de déstabilisation des sols devraient augmenter les risques pour les infrastructures, le tourisme et les loisirs. Selon les lieux, et les types d'activités, les experts attendent des impacts positifs (rares) et négatifs (fréquents) sur la sécurité alimentaire à travers pêche, cultures et moyens de subsistance locaux, et le tourisme et les loisirs.
En zone côtière, des déplacements de populations inéluctables
L'ensemble des zones côtières basses de la planète abrite actuellement environ 680 millions de personnes (près de 10% de la population mondiale de 2010), et ce chiffre devrait atteindre plus d’un milliard d’ici 2050. L'augmentation du niveau moyen et extrême de la mer, parallèlement au réchauffement de l'océan et à l'acidification, devrait exacerber les risques pour les habitants de ces zones.
Environnement
Rapport du GIEC : le niveau de la mer pourrait s'élever de 1,1 m d'ici 2100, avec des conséquences dramatiques
Dans un scénario d'émissions élevées, les deltas et les villes côtières riches en ressources devraient connaître des niveaux de risque modérés à élevés après 2050. Les revenus, les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire des communautés dépendantes de la pêche et des ressources marines, seront affectés. D'une manière générale, ces zones peuvent être soumises à l'avenir à des cyclones tropicaux, inondations, vagues de chaleur marines, perte de glace de mer et dégel du pergélisol. Des événements extrêmes, qui d'habitude se produisent une fois par siècle, pourrait revenir chaque année. Mais, point plutôt positif, les experts prévoient des activités de pêche accrues, plus d’habitat, plus de tourisme, plus de circulations par bateaux en Arctique, et plus de circulation humaine en Alaska.
Dans la région Arctique. Environ 4 millions de personnes vivent en permanence dans la région Arctique, dont 10% sont autochtones. L’accès à la nourriture, les zones d'élevage, de chasse, de pêche et de rassemblement, sont impactés, portant atteinte aux moyens de subsistance et à l'identité culturelle des résidents de l'Arctique y compris les Autochtones. Les effets négatifs du changement de cryosphère sur la santé humaine entraînent une augmentation des risque de maladies d’origine alimentaire et hydrique, de malnutrition, de traumatismes et de problèmes de santé mentale, en particulier chez les Autochtones. Le nouveau rapport du Giec souligne que le changement climatique porte un coup "à l'identité culturelle des habitants de l'Arctique". Il évoque aussi les "valeurs culturelles" et la beauté des paysages attaqués par la fonte des glaciers dans les zones de haute montagne.
Pour des petits États insulaires, pour les grandes métropoles comme New York ou Shanghai, ou pour des deltas comme ceux du Gange ou du Mékong, la montée des eaux obligera à des mesures drastiques, comme la construction de digues. Sur ces côtes, construire des protections contre la montée des eaux pourrait réduire de 100 à 1 000 fois les risques d'inondations, selon le rapport. A condition d'investir "des dizaines à des centaines de milliards de dollars par an". Ces protections seraient toutefois plus efficaces pour les mégalopoles côtières que les grands deltas agricoles ou les petits Etats insulaires qui n'auraient de toute façon pas les moyens de financer ces grands travaux.
Le déplacement de certaines communautés pourrait être, à terme, inéluctable, même si le monde parvient à limiter le réchauffement à +2°C par rapport à l'ère préindustrielle, objectif minimum de l'accord de Paris.
Aujourd'hui, avec seulement +1°C de réchauffement, les impacts se font déjà lourdement sentir, des tempêtes aux inondations, en passant par les sécheresses et les canicules meurtrières. Les engagements actuels des États à réduire leurs émissions de CO2, s'ils étaient respectés, conduiraient à un monde à +3°C.
Mais cette montée des niveaux des océans doit aussi ouvrir des pistes pour trouver des solutions, notamment par le développement des énergies marines renouvelables. Selon un rapport publié cette semaine par le Groupe de haut niveau pour une économie marine durable, qui rassemble des États comme l'Australie ou le Chili, l'action climatique basée sur l'océan pourrait permettre jusqu'à un cinquième des réductions d'émissions de CO2 nécessaires d'ici 2050 pour limiter le réchauffement à +1,5°C.
Carte de la densité de population et du risque de submersion dans cinq grandes villes côtières
Carte de la densité de population et du risque de submersion dans cinq grandes villes côtières © AFP / Simon MALFATTO, Sabrina BLANCHARD, Frédéric GARET
En montagne, eau, énergie et tourisme en ligne de mire
Sur l'ensemble des régions montagneuses de la planète, vivent environ 670 millions de personnes (près de 10% de la population mondiale en 2010), y compris les peuples autochtones (sur tous les continents sauf l'Antarctique). Dans les régions de haute montagne, la population devrait atteindre entre 740 et 840 millions d’ici 2050. Pour les animaux et espèces vivantes, on remarque au cours du siècle dernier, une diminution de certaines espèces, des modifications de leurs habitats ou présence, situés de plus en plus en amont.
Dans les zones montagneuses d’Asie comme le Tibet, l’Himalaya, en Scandinavie, les experts s’attendent à une augmentation des migrations et des circulations des humains.
Dans l'Hindu Kush d'Afghanistan, en Himalaya et dans les Andes tropicales, la fonte des glaciers et la réduction de la couverture neigeuse ont déjà contribué à la baisse des rendements agricoles dans certaines régions de haute montagne.
Dans le centre Europe, Islande, l'ouest des États-Unis / Canada et les Andes tropicales, la quantité et la saisonnalité des eaux de ruissellement et des eaux ressources dans des bassins fluviaux enneigés et alimentés par des glaciers ont déjà été impactées. Les centrales hydroélectriques ont connu les variations saisonnières et les augmentations et diminutions des apports en eau de ces régions de haute montagne.
Pour la plupart des régions d'Europe, d'Amérique du Nord et du Japon, la fonte des glaciers va également porter un coup au tourisme de haute montagne, activités de loisirs et culturelles. Les technologies actuelles d'enneigement devraient être moins efficaces. Cela vaut à partir d'un réchauffement de la température terrestre de 2 ° C et plus.
Dans la partie sud des Andes, en revanche, les experts estiment que l’agriculture pourrait trouver des climats plus favorables.
L'alerte aux dirigeants
Pour les experts du GIEC, les effets des changements climatiques sur l’océan et la cryosphère remettent en cause les efforts de gouvernance actuels. Les personnes les plus exposées et les plus vulnérables sont souvent celles dont la capacité de réaction est la plus faible.
Le rapport exprime clairement que des politiques beaucoup plus volontaristes et ambitieuses permettraient de réduire les risques dans de nombreux endroits. À l’échelle mondiale, la protection des côtes peut réduire le risque d’inondation de manière significative au cours du XXIe siècle. Mais cela aura un coût, estimé de quelques dizaines à plusieurs centaines de milliards de dollars par an. Ces investissements seront généralement rentables pour les zones urbaines densément peuplées,plus que dans les zones rurales et les plus pauvres. Même en investissant plusieurs pour cent de leur PIB, certains états n'échapperont pas à des pertes et dégâts importants.
Conclusion : La résilience au changement climatique et le développement durable dépendent essentiellement de la réduction des émissions de CO2 de manière urgente et ambitieuse, réductions associées à des mesures d’adaptation coordonnées, soutenues et de plus en plus volontaristes.
Environnement
Le Giec redoute de voir la planète affamée par la vitesse du réchauffement climatique
L’intensification des efforts pour mettre en œuvre des réponses efficaces aux changements liés au climat dans les océans et la cryosphère incluent l’intensification de la coopération et de la coordination entre les autorités gouvernementales.
Éducation et savoir-faire climatique, suivi et prévision, utilisation de toutes les sources de connaissances disponibles, partage de données, des moyens financiers, ainsi que lutte contre la vulnérabilité sociale sont également essentiels. Toutes ces mesures peuvent aboutir, selon les experts du GIEC, à la réduction des risques à court terme et en renforçant la résilience à long terme.
Le 25 septembre 2019
Source web Par Franceinter
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