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Gestion intégrée de l’eau L’assainissement rural prend du retard

Gestion intégrée de l’eau  L’assainissement rural prend du retard

 

Face à la faible solvabilité des villageois, il est conseillé d’éviter d’appliquer systématiquement des modèles urbains.

 

Les retards en matière d’assainissement ont entraîné l’apparition de 500 cas de typhoïde en 2011.

«Le défi de la généralisation de l’assainissement rural est difficile, mais il n’est pas impossible. La réutilisation des eaux usées est un axe important de la nouvelle stratégie nationale de l’eau», a lancé Abdelkader Benomar, directeur de la recherche et de la planification de l’eau à Rabat, lors de l’atelier d’échanges sur l’élaboration d’un programme national d’assainissement et de réutilisation des eaux usées en milieu rural, organisé dernièrement à Rabat en partenariat avec la coopération technique allemande (GIZ) et la Direction du développement et de la coopération (DDC) helvétique. Un projet qui s’inscrit dans le cadre du programme d’Appui à la gestion intégrée des ressources en eau (AGIRE) initié au Maroc par la GIZ.

Ce programme national concerne une population rurale qui représente 40% de la population marocaine, soit 13 millions d’habitants. Quelque 1 300 communes rurales et environ 30 000 douars (villages) devront bénéficier à l’avenir de cette initiative, considérée comme l’un des Objectifs du Millénaire de développement (OMD) à l’horizon 2015. Sur ce registre, l’assainissement dans le monde est toujours en retard. En 2008, 2,6 milliards de personnes n’avaient toujours pas accès à des toilettes hygiéniques ou à des latrines sûres. Environ 1,1 milliard de personnes faisaient leurs besoins naturels en plein air. Une situation qui entraîne des contaminations de l’environnement et des risques de santé. Chaque jour, plus de 3 000 enfants meurent de maladies diarrhéiques. «Il y a des virus qui peuvent résister pendant 120 jours ce qui présente un risque pour les enfants et les personnes qui travaillent sans bottes. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) appelle chaque pays à établir des objectifs sanitaires, selon les OMD. Les retards en matière d’assainissement ont entraîné l’apparition de 500 cas de typhoïde en 2011 et cela reste pour nous un problème de santé», a indiqué Rachid Wahabi, de la direction de l’épidémiologie au ministère de la Santé.

Pour remédier au retard accumulé, des expériences pilotes en matière l’assainissement écologique sont réalisées. À cet effet, le programme AGIRE en collaboration avec la chaire UNESCO «Eau, femmes et pouvoir de décision» a lancé le projet pilote d’assainissement écologique «Ecosan» dans le douar (village) «Dayet Ifrah» dans le Moyen Atlas, afin de promouvoir la gestion intégrée des ressources en eau, la protection de l’environnement et la santé des populations.

Le projet consiste en la construction de toilettes à séparation d’urine, d’installation de biogaz et de filtres plantés, permettant ainsi aux bénéficiaires du projet de réutiliser leurs eaux usées tout en générant de l’énergie et de la matière nutritive revalorisable pour fertiliser les sols.
«Les bénéfices de l’assainissement écologique sont importants comme fertiliser les sols via l’utilisation de l’urine après traitement, la production du biogaz et sa transformation en énergie (électricité) par la valorisation des matières fécales.

Cette approche économisera quelque 400 millions d’euros par an qui devaient servir au recyclage des eaux usées.

Par ailleurs, dans le cadre du projet d’assainissement écologique à “Dyat Ifrah” et dans la vallée de Dadès, nous avons commencé à produire localement des toilettes séparées», a souligné Christine Werner du programme AGIRE.

Pour certains participants, il faut sensibiliser les villageois à l’utilisation des produits générés par l’épuration des eaux usées, car il y a le risque d’être rejeté pour des raisons culturelles. Pour remédier à cela, le nettoyage et la réutilisation des eaux usées doivent être pris en charge par des associations locales.

Pour d’autres, la population rurale est en grande majorité de faible solvabilité et donc, il faut éviter de lui appliquer des modèles urbains.


questions à Abdelhamid Azizi, ingénieur général et expert en environnement

«Nécessité de la participation de la population»

Selon vous, quelle est l’importance sanitaire de l’assainissement rural ?

Les indicateurs épidémiologiques montrent que la morbidité des maladies dites à transport hydrique (typhoïdes, diarrhée chez l’enfant en bas âge) et que la mortalité infantile sont plus élevées en milieu rural qu’en milieu urbain. Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette situation, en particulier le niveau socio-économique, l’hygiène, la scolarité de la mère, l’état nutritionnel, les équipements publics, etc.

Cependant, si on assurait à la population rurale un approvisionnement satisfaisant sur le plan sanitaire et un assainissement adéquat, on pourrait briser la plupart des maillons de la chaîne de transmission de ces maladies et réduire, dans une proportion importante, les risques de contamination. Ainsi, l’assainissement constitue un équipement fondamental pour la salubrité et l’hygiène publiques, le confort de la population et la lutte contre la pollution de l’environnement, en particulier les ressources en eau.

Quelles sont les principales technologies utilisées en assainissement rural ?

Les caractéristiques du milieu rural (dispersion de l’habitat, diversité climatique, hydrologique et culturelle) sont autant de facteurs qui font que les technologies à utiliser seront différentes en fonction des régions, mais souvent abordables sur le plan technique et économique. L’approche stratégique du choix du système à utiliser doit être pragmatique pour assurer le confort de l’utilisateur, la protection contre les pollutions et les nuisances et la réutilisation éventuelle des sous-produits des excrétions. En tenant compte en particulier du niveau de la consommation d’eau potable, de la densité de l’habitat et des possibilités de réutilisation des eaux usées, on distingue plusieurs systèmes d’assainissement rural, du réseau collectif ou semi-collectif au système individuel et autonome (latrines ou fosse septique), qui doivent tenir compte du principe de la séparation des urines, des fèces et des eaux grises, afin de maîtriser l’évacuation adéquate et d’assurer un traitement rationnel. Le choix d’une technologie appropriée conditionne le succès et la pérennité des systèmes proposés. Actuellement, on estime qu’environ plus de 40% de la population n’utilisent pas de système adéquat.
Quel est le rôle de la population dans la promotion de l’assainissement rural ?
L’une des difficultés en matière d’assainissement rural est d’assurer la pérennité du système, son acceptabilité par les usagers et son utilisation adéquate. Les principes d’un programme national d’assainissement rural doivent intégrer, en premier lieu, la nécessité de la participation effective de la population concernée aux différentes phases du processus de planification ; la prise en compte de ses avis pour le choix des technologies sera parfois fondamentale. L’approche du choix est parfois plus socioculturelle que technique ou économique. Les actions d’explication et de sensibilisation de la population, surtout dans les zones utilisant les systèmes individuels et autonomes, doivent être menées à travers tous les canaux conventionnels (médias, rassemblement, personnes relais, etc.), mais aussi, à chaque occasion, par les différents acteurs associatifs, les politiques, les représentants des administrations, etc. De l’adhésion de la population au programme d’assainissement rural dépendra le succès et l’atteinte des objectifs du programme. Les différents bâtiments administratifs et collectifs (écoles, dispensaires, mosquées, hammams, etc.) devront être dotés de systèmes adéquats donnant ainsi l’exemple à la population et permettant l’acceptation leur fréquentation sachant, par exemple, que l’une des causes de l’arrêt de la scolarisation de la jeune fille en milieu rural est le manque de «toilette» convenable et adéquate au niveau de l’école.


La préservation de la nappe du Souss

L’Agence du bassin hydraulique (ABH) du Souss-Massa-Drâa a été pionnière dans l’intégration de l’approche participative dans la gestion des ressources en eau à travers une convention-cadre pour la préservation de la nappe du Souss. Le programme de gestion intégrée des ressources en eau (AGIRE) appuie la mise en œuvre de cette convention-cadre en établissant un diagnostic et en développant un plan d’action et un système de suivi. Il s’inspire aussi de cette expérience pour l’adapter aux autres ABH partenaires, notamment pour les nappes du Haouz et de la Bahira.

Repères

·    Pour la mobilisation de 2,5 milliards de m3 d’eau, il est prévu la construction de 60 grands barrages et 1 000 petits barrages.

·    La station d’épuration de Fès ne peut fonctionner en raison de la pollution industrielle et surtout celle des margines.

·    La station de Meknès fonctionne à 20% de sa capacité, car les agriculteurs pompent les eux usées avant qu’elles n’arrivent à la station.

Publié le : 9 Février 2013 – SOURCE WEB Par Rachid Tarik, LE MATIN