Initiative du CRT Iles de France sur Gaz à Effet de Serre (GES)
Le climat nouvel enjeu du tourisme
Le tourisme est à la fois un important émetteur de Gaz à Effet de Serre (GES) et un utilisateur gourmand d’énergies de toutes sortes. En Île de France, on est conscient que les prévisions à long terme sur l’évolution du climat, l’intensification du nombre de voyageurs et les besoins accrus en énergie vont fortement impacter le secteur touristique régional. Enfin de préparer l’avenir et d’anticiper sur des scénarios difficiles à tenir quand les prescriptions du Facteur 4 semblent de plus en plus illusoires, le Comité Régional du Tourisme (CRT) a présenté une étude visant à mettre en lumière ses efforts et ses choix pour trouver une voie médiane. Cette dernière, exposée mardi 8 juillet lors d’une Journée Régionale « Tourisme et Climat », tend à proposer des solutions concrètes et raisonnables pour assurer la pérennité et la qualité d’un secteur touristique fortement dépendant, qui représente 10 % du PIB de la région et quelques 500 000 emplois.
Tourisme et climat, le couple infernal
Parmi les nombreux secteurs fortement dépendant du climat, le tourisme est certainement le plus emblématique. Qui n’a pas regardé la météo la veille d’un départ en week-end, quitte à changer ses plans au dernier moment pour adapter ses choix à un ciel souvent capricieux. Toutefois, au-delà de cette simple équation, non sans conséquences de toutes sortes, le climat est également devenu une porte d’entrée pour nous interroger sur le tourisme de demain. Car, qui dit tourisme, dit forcément transport, déplacement sur place, hébergement, autant d’actions fortement consommatrices de CO2 qui nous obligent à repenser nos façons d’être et d’agir. Sur la seule question du carbone par exemple, lorsque l’on sait que les Français produisent 9 Teq CO2 chaque année, on comprend combien il est important de réfléchir à une rupture avec nos habitudes. Or, les scénarios climatiques envisagent une augmentation de 6°d’ici 2080 du climat en Île-de-France. En outre, une étude prospective du CRT précise que l’attractivité touristique de lÎle-de-France peut doubler entre 2011 et 2050, soit que le nombre de voyages A/R va passer de 35 millions à 70 millions. On imagine ce que cela signifie en dépenses énergiques, en congestion dans les transports… Lorsque l’on sait que le Facteur 4 nous intime de diviser par 4 nos émissions de GES d’ici 2050, qu’elles sont actuellement en Île-de-France (IDF) de 17,5 MteqC02/an, qu’elles seront de 27 MT si on ne fait rien d’ici 2050, on comprend que l’enjeu est de poids, puisqu’il implique de réduire de 83% nos émissions en regard de la prospective. Il est urgent de penser à des solutions !
Bilan : 17,5 millions tecCO2/an d’émissions totales de GES soit 3,6 millions de tours de la terre en voiture.
Une étude pour comprendre et anticiper
Conscient des enjeux climatiques et énergétiques et désireux d’anticiper l’avenir, le CRT Île-de-France, à la demande du Conseil régional et en lien avec le Plan Régional pour le Climat et la Stratégie de Développement du Tourisme et des Loisirs, a commandité une étude visant à mettre en place une stratégie de tourisme adaptée aux besoins et aux contraintes d’un secteur fortement dépendant du climat. Pour cela, le CRT a réalisé un bilan carbone de l’ensemble de la filière touristique, prenant largement en compte le secteur des transports, que ce soit pour arriver et repartir à destination (tourisme attractif), pour partir vers des ailleurs (tourisme émissif des Franciliens) mais aussi les transports sur place, les hébergeurs, restaurateurs, sites et activités touristiques, etc. Objectif : agir auprès des professionnels du tourisme, attirer leur attention sur les GES sans les culpabiliser et les accompagner ensuite dans leur transition énergétique.
Des constats édifiants
Premier constat édifiant. Les émissions de GES liées au tourisme en IDF équivalent à 17,5 millions de teq CO2 par an, un tiers des émissions annuelles d’Île-de-France, soit 3,6 millions tours de la terre en voiture. Tenter de compenser ces émissions reviendrait alors à ce qu’absorbe une forêt de 5 millions d’hectares, une forêt qui ferait entre quatre à cinq fois la superficie de l’IDF. Autre constat édifiant, sur ces 17,5 millions de tonne équivalent CO2, plus de 90 % sont à imputer au seul secteur des transports. Cela s’explique en partie par le poids très lourd de l’aérien dans la région (les deux plus grands aéroports de France) et le fait que l’on parle ici de tourisme urbain. C’est toute la spécificité de ce bilan carbone IDF, avec également quelques faits à prendre en compte : l’avion est utilisé pour 22% des voyages mais représente 75% des émissions liés aux transports A/R des touristes et Franciliens. Les vols courts et moyens courriers sont beaucoup moins performants (moins remplis, plus consommateurs de CO2). Or on sait que là, l’alternative train existe. Autre information intéressante à méditer : rapporter au kilomètre et au passager, les émissions d’un vol long courrier et d’un trajet en voiture sont comparables, c’est la distance qui joue principalement (180geqCO2/an).
Les enjeux pour l’avenir
Que faire face à un bilan si lourd ? Quels enjeux ? Clairement, l’arien est ici montré du doigt puisqu’il représente à lui seul la grande majorité des émissions. Les solutions classiques sont connues : améliorer les moteurs, utiliser toujours plus les biocarburants, travailler sur une conduite plus économique (roulage), faire attention au taux de charge des avions, mieux les remplir, prendre des routes aériennes plus directes, accélérer la mise en œuvre des ruptures technologiques, etc. Malheureusement, beaucoup reste encore à faire et la Région IDF semble avoir peu de prise face à des mastodontes comme l’ADP (Aéroports de Paris). Autre levier, les voyageurs, changer nos habitudes : voyager moins loin, moins souvent, rester plus longtemps sur site, privilégier le train quand c’est possible. Là aussi, les prévisions à long terme montrent que c’est exactement la tendance inverse qui se dessine. En gros, on sait ce qui est bon pour la planète et pour le climat mais on roule systématiquement à contre-sens. Toutefois, au-delà de l’aérien, les autres acteurs ne sont pas oubliés. Hôteliers, restaurateurs et grandes infrastructures de loisir représentent également 10 % des émissions et là, si le mot d’ordre est simple, « réduire, réduire, et encore réduire la consommation énergétique », et recourir aux énergies renouvelables lorsque c’est possible, il reste encore bien du chemin à faire…
La voie médiane choisie par l’Ile de France
Consciente que l’ensemble de ces constats risquent d’impacter fortement l’activité touristique, la région IDF a réfléchi à un scénario accessible qui permettrait d’agir dès aujourd’hui pour réduire l’empreinte carbone de la filière tout en améliorant les performances économiques pour son territoire. L’enjeu économique est de taille et l’anticipation inévitable quand on sait, par exemple, qu’il faudra 32 000 chambres disponibles en 2020 quand seulement 22 000 le sont aujourd’hui. On imagine sans peine ce que cela signifie pour les besoins en énergie et autres rejets… Sans compter l’importance de maintenir et surtout d’améliorer (dernières Assises du Tourisme !!) la qualité de l’accueil, de l’offre, etc. Un scénario intermédiaire a donc été identifié, qui implique l’ensemble des acteurs de la filière, présenté en trois axes ayant tous pour objectif principal de réduire les émissions de carbone. Le premier axe consiste à réduire les arrivées en région IDF et à inciter les voyageurs à rester plus de temps sur place. Il permettrait de générer à lui seul une réduction de 4 MteqC02. Le deuxième axe tend à accélérer les efforts de performance énergétique du transport aérien (biocarburants, renouvellement des flottes, roulage, etc.). Le gain serait de 3,5 Mteq CO2. Enfin, le troisième et dernier axe serait de changer le comportement des Franciliens quittant la région IDF (moins de week-end en avion, des séjours moins souvent, plus long, etc.) et ce, pour 2 Mteq CO2. L’ensemble permettrait une économie intermédiaire de 15,7 MteqCO2 à l’horizon 2050, et donc de concilier intérêts économiques et climatiques… Enfin, les acteurs locaux seront tous impliqués dans ces économies, à l’image des hébergeurs parisiens que le CRT accompagne et qui vont commencer à travailler à l’étiquetage environnemental avec EVEA Tourisme, à l’image aussi des différentes actions mis en place par le CRT : un centre de ressource disponible depuis fin 2013, une stratégie de prévention des déchets en cours d’élaboration avec le Conseil régional, un accompagnement personnalisé de tous les acteurs de la filière. Ainsi, nombre sont ceux, comme Franck Laval (Solar Hotel), qui ont commencé à se mobiliser : « J’ai compris que nos actions pouvaient se résumer à un seul mot : Réduction ! Réduire nos consommations en eau, en énergie nos déchets. » L’hôtel invite également ses clients à s’impliquer avec une signalétique très forte. D’autres acteurs, tel David Rouxel (Good Spot), militent pour le tourisme local : aller moins loin et découvrir les trésors inconnus qui se trouvent au coin de nos rues, ou encore Christophe Lévêque, Directeur de la flotte des Taxis G7, à travers le renforcement du parc Green cab et l’introduction des véhicules électriques.
Et demain ?
Que faire pour le climat, pour être moins dépendant des énergies, moins polluant ? Que faire quand on sait que 25% du chiffre d’affaire d’Air France correspond à des dépenses énergétiques ? Que faire quand on constate qu’à l’échelle nationale, l’énergie représente 10 % des dépenses et qu’elle n’arrête pas d’augmenter (près de 5% par an ces dernières années) ? Que faire, quand cette même énergie devient une part essentielle du chiffre d’affaire de nombres d’entreprises, qu’elle va peu à peu grignoter les marges d’un secteur hôtelier qui n’a pas besoin de ça. Les solutions mis en place par la région IDF seront-elles suffisantes ? Ne faut-il pas également faire appel au législateur ? Peut-on envisager de comptabiliser les GES ? Quid d’une « Green Taxing », en cours de réflexion à Air France et aux Aéroports de Paris (ADP) ? D’après Gérard Feldzer, président du CRT : Il faut inciter ADP à taxer en fonction de la vétusté des avions et à ce qu’ils consomment par passager, et interdire le transport de carburant et la surconsommation qu’il entraine épuisant la nature. Et quid de nos comportements ? Arriverons-nous à renoncer à l’avion pour les moyens-courriers ? A compenser volontairement et systématiquement l’ensemble de nos émissions carbone ? Sommes-nous prêts à partir moins souvent ? Comment motiver les acteurs ? Carotte ou bâton ? Beaucoup reste à faire, à tous les niveaux. Ce jour là, dans l’hémicycle du Conseil régional d’Île-de-France, il y a avait aussi quelques poils à gratter, tel Jean-Claude Marcus, (GAIA – Gestion des Améliorations et Ingénierie Alternative), bien précieux souvent, montrant que des solutions existent, des marges de progression, qu’il faut juste savoir les voir, les vouloir. Et de citer ADP et l’Etat qui auraient pu choisir la solution méthanisation pour la valorisation des déchets organiques et qui lui ont préféré la construction d’une chaufferie à bois entrainant des coupes rases en forêt de Chambéry, soit une déforestation de 40 millions de tonnes/an bien désolante quand on sait que c’est justement l’inverse que l’on cherche… De proposer aussi de mieux recycler la chaleur fatale de l’hôtellerie, les eaux grises. Il y a tant à faire. Et tant à débattre. Et les dernières initiatives du CRT visent justement à éviter la culpabilisation pour trouver ensemble des solutions. J’ai donc envie de conclure sur une note positive et de citer Réka Csepeli, responsable Développement Durable du CRT, citant Antoine Saint-Exupéry : « L’important n’est pas de prédire l’avenir, mais de le rendre possible. »
juillet 2014 _SOURCE WEB Par Clastres Genevieve Voyageons Autrement
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